Philippines : Leila de Lima, l'anti-Duterte arrêtée

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Par AFP
Publié le 24 février 2017 - 09:08
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La sénatrice Leila De Lima, principale opposante à la politique du président Duterte, lors d'une con
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La sénatrice Leila De Lima, principale opposante à la politique du président Duterte, lors d'une conférence de presse au Sénat avant son arrestation, le 23 février 2017
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En choisissant de renoncer à sa brillante carrière d'avocate pour embrasser la lutte pour les droits de l'Homme, l'ex-ministre philippine Leila de Lima s'est irrémédiablement placée en 2008 sur une route de collision avec Rodrigo Duterte.

Principale critique de la sanglante "guerre contre la drogue" du président, la sénatrice de 57 ans a été arrêtée vendredi dans une enquête pour trafic de stupéfiants qui vise selon elle à la faire taire.

Huitième à l'examen du barreau en 1985, elle est l'une des juristes les plus douées de sa génération.

Originaire du sud-est de Luzon, la principale île des Philippines, Mme de Lima a très tôt la fibre de l'engagement public puisqu'elle débute sa carrière comme conseillère d'un juge de la Cour suprême et travaille comme auxiliaire juridique à la Chambre des représentants avant de rejoindre un cabinet d'avocats spécialisé dans les litiges électoraux.

Elle aide alors, entre autres, l'actuel président du Sénat Aquilino Pimentel Jnr à battre un rival aux sénatoriales, ou l'actuel sénateur Alan Peter Cayetano à justifier de sa nationalité philippine et donc de son éligibilité.

Ironie de l'histoire, ces deux hommes sont aujourd'hui deux des plus fervents soutiens de Rodrigo Duterte, qui a été élu président en mai en promettant de tuer des milliers de trafiquants de drogue, après avoir été pendant l'essentiel des deux dernières décennies le maire de la grande métropole méridionale de Davao.

- "Escadrons de la mort" -

La vie de Mme De Lima bascule en 2008 quand cette femme divorcée et mère de deux enfants accepte l'offre de l'ex-présidente Gloria Arroyo de présider la commission philippine pour les droits de l'Homme, un organisme indépendant.

Pendant deux ans, elle travaille avec une petite équipe de juristes sur diverses affaires d'exécutions, enlèvements ou violations des droits de l'Homme imputées à des forces de sécurité philippines notoirement gangrénées par la corruption.

Une autre de ses cibles est Rodrigo Duterte puisqu'elle ouvre une enquête sur les "escadrons de la mort" que le maire de Davao est accusé d'avoir mis en place et qui seraient chargés des basses oeuvres de sa politique sécuritaire. Ces groupes sont accusés d'avoir tué des milliers de personnes.

L'enquête n'est pas bouclée quand elle quitte la commission en 2010 pour devenir la ministre de la Justice du président Benigno Aquino, élu en promettant de lutter contre la corruption.

Elle s'attaque notamment à plusieurs affaires de clientélisme et de détournement de fonds par des parlementaires, et ordonne une descente dans la principale prison du pays pour tenter de mettre fin aux privilèges accordés à des trafiquants de drogue détenus.

- "Crucifiée" -

Elle quitte le gouvernement en 2015 pour se présenter avec succès l'année suivante aux sénatoriales.

Dans la foulée de la présidentielle, l'enquête sur les escadrons de la mort à Davao est suspendue, après la disparition d'un témoin-clé probablement effrayé par l'élection de Rodrigo Duterte.

Mme de Lima est une des rares élues à monter au créneau quand elle sent que le président est peut-être en train de reproduire à l'échelon national les méthodes musclées qui auraient été sa marque de fabrique à Davao.

"Je la détruirai publiquement", annonce le président en commençant à affirmer en août que la sénatrice est en fait une baronne de la drogue.

Présidente de la Commission des droits de l'Homme du Sénat, Mme de Lima lance une enquête sénatoriale sur la "guerre contre la drogue" du président.

Contrôlée par des partisans du président, la haute assemblée lui retire en septembre la présidence de cette enquête.

"Je sais que je continuerai d'être crucifiée car c'est ce que le président souhaite (...) depuis que j'ai lancé l'enquête sur ses meurtres extrajudiciaires", réagit-elle sur la chaîne ABS-CBN.

"Ils se trompent s'ils pensent qu'ils peuvent me faire taire et m'empêcher de me battre pour la vérité, la justice et contre les meurtres quotidiens et l'oppression du régime Duterte", a-t-elle lâché vendredi matin avant son arrestation.

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