Reprise du conflit entre l’Azerbaidjan et l’Arménie
CHRONIQUE - La situation à la frontière entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie demeure tendue. Selon le ministre de la Défense arménien, Aram Torosyan, dont les propos ont été recueillis par l’agence nationale Armenpress, entre 15 et 18 heures, heure de Erevan (capitale de l'Arménie), de nouveaux tirs de roquette en provenance de l’Azerbaïdjan continuent d’atteindre le territoire arménien, entre les villes de Sotk et de Goris. Selon le ministre, ces attaques seraient conduites par des drones, dont la source d’approvisionnement reste à découvrir. Les militaires arméniens tués au cours de ces attaques, seraient au nombre de 105, toujours selon la même source. La situation est en phase évolutive.
Concomitamment au brusque sursaut militaire ukrainien, qui pour la première fois depuis le début de l’intervention russe a connu une première victoire, en reprenant la ville de Kharkov, un autre scénario disruptif dans le difficile échiquier géopolitique eurasiatique, fait irruption : la reprise du plan d’expansion territorial du gouvernement azéri vers l’Arménie. A priori sans relation entre les deux, le conflit entre ces deux États du Caucase, tout comme dans le conflit ukrainien, font état des mêmes protagonistes avec une distribution des rôles totalement différentes. Dans le cas de la guerre entre Azéris et Arméniens, l’arbitre est la Russie, le promoteur côté azéri, la Turquie et, du moins au cours du conflit de 2020, un des fournisseurs d’armes de la partie azéri, l’Ukraine. Sans l’Ukraine, comme pour tant d’autres guerres sales, la déportation de la population arménienne du Haut-Karabakh n’aurait pas été possible. Si l’Ukraine fournissait des armes en 2020 à l’Azerbaïdjan, avec le stock dont elle dispose maintenant, il est permis d’hasarder que ce sera encore le cas.
Du côté russe, ce conflit est la dernière chose dont le gouvernement de Vladimir Poutine, aurait actuellement besoin. Un communiqué du ministère des Affaires étrangères appelait, le 13, les parties « à s’abstenir de toute nouvelle escalade de la situation, à faire preuve de retenue, et à respecter strictement le cessez-le-feu conformément aux déclarations tripartites des dirigeants de la Russie, de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, datée du 11 janvier et du 26 novembre 2021 ». Médiation qui n’a de toute évidence pas produit les effets escomptés ces dernières vingt-quatre heures. « Nous continuons à œuvrer au principe que tous les différents entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan doivent être résolus exclusivement par des moyens politiques et diplomatiques et, en ce qui concerne les questions frontalières, dans le cadre de la Commission bilatérale sur la délimitation de la frontière, avec l’assistance consultative de la Russie ».
Le soudain réchauffement des tensions entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, pourrait cliver la Turquie et la Russie dans cette relation contre-nature tissée sur fond de conflit ukrainien. Si la Turquie a pu jouer les missions de bons offices entre l’Ukraine et la Russie, aussi loin que le sabotage otanien le lui a permis, c’est parce que l’Ukraine et ses oligarques ont tissé avec la Grande Porte des relations politico-mafieuses qui font les uns les obligés des autres. Non seulement en tant que trafiquant d’armes au cours de la guerre du Nagorno-Karabakh, mais aussi dans le cadre de l’armement de plusieurs groupes djihadistes pro turcs au cours de la guerre en Syrie, tout autant que pour aider la Turquie à régler ses comptes avec les Kurdes. La Russie n’est pas en reste. Pouvoir disposer de ce faux allié otanien, de cet Iznogood qu’est la Turquie comme intermédiaire, reste un joker.
Pour les Arméniens, l’appui de la Russie est essentiel, pour des raisons que décrit le géopolitologue français Alexandre del Valle dans sa contribution à l’ouvrage collectif « Haut Karabakh, le livre noir » aux éditions Ellipses : « Les Arméniens chrétiens ex-soviétiques n’ont de bons rapports qu’avec les Russes et, dans une moindre mesure avec les Iraniens voisins (…) Malheureusement le contexte géopolitique actuel n’est guère plus favorable aux Arméniens : en effet, la guerre russo-ukrainienne, qui se double d’une nouvelle guerre froide Otan-Russie, ne peut que motiver les Occidentaux à intensifier leur politique de rapprochement avec le fournisseur de gaz azéri, à se réconcilier avec la Turquie, et à lâcher encore plus les Arméniens assimilés à des protégés-alliés de l’« Empire du Mal » russe ». De fait, aucune nation occidentale n’a condamné l’attaque azérie deux jours après les faits.
La reprise des hostilités azéries démarre à deux jours du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (SCO, pour ses sigles en anglais), qui doit se tenir les 15 et 16 septembre à Samarcande (Ouzbékistan), sous l’égide de la présidence tournante de l’Ouzbékistan. Les deux présidents, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, doivent se rencontrer pour discuter de la situation. Le premier, otage du rôle dans lequel l’Occident l'a enfermé et de son opposition interne qui ne supporterait aucun nouvel atermoiement, le Turc, lui, dans le beau rôle du Splendide. À moins que ce ne soit trop évident et qu’ils réussissent à éviter un piège trop grossier.
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