Vu d'Espagne, après la mort de Nahel : "La France au bord de l'effondrement social"
DISTURBIOS* - La mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre, a déclenché un climat de révolte qui s'étend aux banlieues de presque toutes les grandes villes françaises, soulignant la gravité de la situation sociale en France.
Déploiement inhabituel des forces de l'ordre, blindés dans les rues, devantures de magasins barricadées, annulations de concerts, couvre-feux dans certaines villes... Comment la presse espagnole considère ces événements ? "Rien n'arrête la vague d'émeutes qui déferle sur la France depuis mardi", rapporte le quotidien espagnol El Mundo en précisant que "le gouvernement français tente en vain d'endiguer la vague de révolte".
Les "scènes de chaos" sont répétées à l'unisson par les radios et les télévisions avec des informations diffusées en continu : "des tensions, des incendies criminels, des affrontements physiques violents, des attaques au cocktail Molotov", détaille le journal ABC et ses homologues.
L’ombre des émeutes de 2005 et des Gilets jaunes
"Dans les banlieues françaises, la situation se répète, jamais comme une farce, mais comme une tragédie", écrit le journaliste José A. Soralla d'El Periódico, avant de décrire réciproquement les réactions contrastées de Nicolas Sarkozy et d'Emmanuel Macron. "Alors qu'en 2005, l'état d'urgence a été déclaré et que le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy a disculpé la police, Emmanuel Macron a qualifié la mort de Nahel d''inexplicable et inexcusable' dès le premier jour".
Le président français compatit avec la famille du jeune homme et comprend la vague d'indignation mais, d'un autre côté, La Razón explique : "il soutient des forces de sécurité épuisées par les crises successives d'ordre public, les attaques djihadistes, les Gilets jaunes ou récemment les manifestations contre la réforme des retraites, dans un pays où la violence politique fait partie de sa génétique révolutionnaire."
La France a également été épinglée à plusieurs reprises par des Organisation non gouvernementales (ONG) et des organisations internationales telles que le Conseil de l'Europe pour des allégations d'usage excessif de la violence par les forces de l’ordre. Le journal El País ne manque pas de rappeler que "pour trouver une autre situation similaire d'agitation dans les allées du pouvoir, il faut remonter à la révolte des Gilets jaunes en 2018".
Une fragmentation socio-identitaire
Toujours dans El País, le politologue Sami Naïr déclare dans une tribune que "ce qui s'est passé est très significatif de la distance croissante entre l'État et une grande partie de la population", en particulier chez les jeunes des quartiers socialement marginalisés.
"Le pays s'est désintégré socialement et probablement de manière irréversible au cours des dernières décennies", déclare le politologue, en faisant référence à Nicolas Sarkozy et au ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire "qui a gravé dans le marbre ce 'différentialisme', faisant des enfants d'immigrés des sujets sociaux et culturels suspects. Sarkozy a officiellement justifié cette stratégie d'affaiblissement de l'extrême droite, en la privant de son thème de mobilisation favori".
Enfin, le Nacional Cat évoque "l’inquiétude de l'Union européenne face aux difficultés du gouvernement français à mettre fin aux manifestations et craint que celles-ci ne s'étendent à d'autres pays".
Jeudi soir, des incidents ont en effet éclaté à Bruxelles. Outre-Rhin, le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit, a indiqué que Berlin observait "avec une certaine préoccupation" ce qui se passait en France. La visite prévue d'Emmanuel Macron en Allemagne à partir d'hier dimanche a été pour le moment repoussée.
*émeutes
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