En réponse aux sanctions américaines, la Chine restreint les exportations de deux métaux essentiels à la fabrication de semi-conducteurs
GÉOPOLITIQUE - Pékin réplique à Washington. La Chine impose depuis mardi 1er août 2023 des restrictions sur les exportations de deux métaux, dont elle est le principal producteur mondial et qui sont indispensables pour la fabrication de semi-conducteurs. La décision, annoncée en juillet, est une réaction aux mesures américaines prises depuis le début de l’année par l’administration Biden, visant à restreindre l’accès des sociétés chinoises aux micropuces les plus avancées, hautement stratégiques et essentielles pour la fabrication de nombreux appareils électroniques. Les États-Unis affirment avoir pris la décision au nom de la "sécurité nationale" tandis que la Chine accuse son rival de vouloir maintenir sa suprématie technologique.
En octobre 2022, le Département américain du Commerce a imposé de nouvelles restrictions aux entreprises américaines exportations à travers une énième salve de sanctions contre la Chine. Si Washington ciblait jusque-là des sociétés individuelles comme Huawei, les nouvelles mesures concernent toute entité chinoise pour empêcher Pékin de rattraper son "retard" technologique. Après avoir interdit l’exportation de cartes graphiques, les États-Unis ont ajouté les semi-conducteurs à la liste des produits pour lesquels ses exportateurs vers la Chine doivent obtenir une licence.
Pendant les mois qui ont suivi cette décision, l’administration Biden a fait pression sur le Japon et les Pays-Bas jusqu’à obtenir en février 2023, de la part de ces deux pays, la limitation de leurs exportations de puces électroniques vers Pékin. Il s’agit, officiellement, de réduire le risque de voir la Chine se doter de ces composants pour les utiliser dans l’intelligence artificielle ou l’armement. Officieusement, Washington a recours à ces restrictions pour maintenir sa suprématie, estime-t-on chez son rival.
Semi-conducteurs contre métaux rares
Pékin a réagi en février aux décisions japonaise et néerlandaise. Le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang a dénoncé une "menace" contre "le droit de la Chine de se développer", affirmant que ces restrictions "ne vont que stimuler davantage la Chine pour devenir autonome". Le gouvernement chinois avait annoncé, la même période, un ambitieux plan de développement d’une industrie de semi-conducteurs avec un investissement de 74 milliards de dollars. Quant aux sanctions américaines, les Chinois ont répliqué par le bannissement de tout commerce avec les firmes US de défense, Raytheon et Lockheed Martin, accusées de vendre des armes à Taïwan. L'achat de puces électroniques américaines au géant Micron par certains groupes chinois d’infrastructures a aussi été interdit.
En juillet, quelques jours avant la visite à Pékin de la Sécrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, le ministère du commerce et l’administration des douanes chinoises ont annoncé que les exportations de gallium et de germanium seront soumises à un visa d’exportation à partir du 1er août. "Pour préserver la sécurité et les intérêts nationaux", les exportateurs chinois de ces deux matériaux doivent depuis le début du mois obtenir une licence et fournir des informations sur le destinataire final.
94% du gallium mondial, présent notamment dans les circuits intégrés, les LED et les panneaux photovoltaïques, provient de la Chine. Le germanium, utilisé pour les fibres optiques et l'infrarouge, provient à 83% de chez la deuxième puissance mondiale.
La décision de Pékin se veut "un message clair" visant à dissuader les États-Unis d’imposer de nouvelles restrictions sur les exportations de semi-conducteurs, faute de quoi d’autres matériaux plus rares seront concernés par le visa d’exportation. La Chine a maintes fois mis en garde contre de nouvelles sanctions et leurs "effets potentiellement dévastateurs sur l’économie mondiale", dénonçant le "protectionnisme" américain et ses "violations du principe de libre-échange".
La mainmise de Washington sur les semi-conducteurs
La rivalité économique, militaire et géopolitique entre les deux premières puissances mondiales se cristallise ces dernières années autour de cette course technologique. Les micropuces et les semi-conducteurs sont essentielles à tout appareil électronique, allant des smartphones aux machines à café, en passant par les voitures électriques, les équipements militaires ou encore l’intelligence artificielle (IA).
Si la Chine a déjà une longueur d’avance sur quasiment tous les secteurs de technologies de pointe à en croire un think-tank australien, les États-Unis maintiennent leur leadership dans le domaine des semi-conducteurs et des microprocesseurs, qui la conforte aussi en tête de la course à l’IA. L’Institut australien de politique stratégique (Aspi) estimait, dans un rapport publié en mars 2023, que "les démocraties occidentales sont en train de perdre la course technologique mondiale".
La Chine serait passée en tête dans 37 des 44 secteurs de technologies de pointe analysés dans le rapport commandé par le Centre d’engagement international du département d’État américain. Le think-tank cite les secteurs "des batteries électriques" ou encore les "communications fondées sur les technologies 5G ou 6G". Washington est toujours leader dans sept technologies comme les vaccins, l’informatique quantique ou encore les systèmes de lancements spatiaux.
Le contrôle de la suprématie américaine revient, aux yeux de l’administration Biden, "à façonner le monde de demain selon la vision démocratique" de Washington et empêcher le "modèle autoritaire prôné par la Chine". Des visions différentes de la démocratie qui façonnent également les approches des deux puissances dans le développement de l’intelligence artificielle.
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