Les mouroirs que nous promet Joëlle Zask
CHRONIQUE - Des renards dans les jardins de Londres, des sangliers dans les rues de Marseille, des léopards dans les artères étroites de Bombay, des coyotes dans les parkings de New York, des kangourous dans les rues de Canberra, et pourquoi pas des éléphants sur les bords du Nil dans la banlieue du Caire. Repoussés par une campagne chaque jour plus hostile – polluée, rognée par l’urbanisation ou déréglée par le changement climatique – les animaux sauvages s’installent dans les villes. C’est ce que nous raconte l’écolo-philosophe Joëlle Zask dans son dernier livre, encensé par la critique bien-pensante, Zoocities (Premier Parallèle, 2020). Elle nous y invite à repenser le milieu urbain pour assurer une meilleure coexistence entre humains et animaux sauvages. Et de demander bravement : « À quoi ressemblerait une ville dans laquelle les distances et les espaces rendraient possible la coexistence avec les bêtes sauvages ? Une ville qui ne serait plus pensée contre les animaux, ni d’ailleurs pour eux, mais avec eux ? Comment, en somme, à l’heure des grands bouleversements écologiques, construire une nouvelle arche de Noé ? »
On veut bien se poser ce genre de questions, presque bibliques, sauf que notre écolo-philosophe semble ignorer que la pandémie actuelle, comme du reste celles qui l’ont précédée, est venue précisément de contacts entre humains et animaux sauvages.
Dès 2011, dans un ouvrage prémonitoire The Viral Storm, The dawn of a new pandemic age, (non traduit) le grand virologue américain, Nathan Wolfe, faisait déjà le constat, notamment à propos du SIDA, d’EBOLA, du SRAS, que ces pandémies virales avaient toutes pour origine un contact humain avec un animal sauvage (chimpanzé, chauve-souris, rongeurs,…).
Plus récemment, le 28 janvier 2020 – on ne parlait pas encore de la pandémie du Covid 19 -, l’essayiste américain David Quammen lançait cet avertissement dans une tribune au New York Times :
« Nous envahissons les forêts tropicales et autres paysages sauvages, qui abritent tant d’espèces animales et végétales – et au sein de ces créatures, tant de virus inconnus. Nous coupons les arbres ; nous tuons les animaux ou les envoyons sur des marchés. Nous perturbons les écosystèmes et débarrassons les virus de leurs hôtes naturels. Lorsque cela se produit, ils ont besoin d’un nouvel hôte. Souvent, cet hôte, c’est nous. »
Quammen n'est pas un perdreau de l'année. Il avait publié en 2012 un ouvrage prophétique sous le titre Spillover, Animal Infection and the Next Human Pandemic, lui aussi non traduit.
Nos écolo-philosophes ne lisent-il pas l’anglais ? Mais même en français, les avertissements, il est vrai plus tardifs, n’ont pas manqué.
« La pratique massive de la déforestation a amplifié le phénomène depuis cinquante ans, confirmait par exemple Jean-François Guégan, directeur de recherche à l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) dans une interview au Monde le 17 avril 2020. Elle met l’humain directement en contact avec des systèmes naturels jusque-là peu accessibles, riches d’agents microbiens »
Un danger peut en cacher un autre, pour reprendre l'élégant slogan des passage-à-niveaux français. Derrière le danger climatique tant dénoncé des déforestations, il y avait le danger virologique que nous n'avons pas vu venir et qui nous explose aujourd'hui à la figure.
On le sait depuis notre enfance, le Roi Babar a besoin d’une vieille demoiselle pour assurer son règne. Mais ici il ne s’agit pas de nous raconter des histoires à dormir debout. Les Zoocities que Mme Zask appelle de ses vœux seront à coup sûr de gigantesques et atroces mouroirs où les virus se promèneront et prolifèreront en toute liberté.
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