Brétigny : les victimes démunies face à une enquête tentaculaire misent sur la communication

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 20 mars 2016 - 19:09
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Au procès.
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"On est totalement démunis, incapables de trouver les points que l'on nous cache!" dans les milliers de pages du dossier Brétigny, dénonce un avocat (photo d'illustration).
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Les victimes de l'accident de Brétigny et leurs avocats sont totalement démunis face à l'ampleur colossale du dossier d'enquête. Des milliers de pages obscures que même les juges instructeurs estiment manquer de moyen pour analyser et qui fuitent régulièrement dans les médias: "la presse travaille pour moi", dit ainsi un avocat, nonobstant le secret de l'instruction.

Un zeste d'écoutes téléphoniques, une poignée d'expertises, mais surtout des milliers de pages d'un embrouillamini technique: près de trois ans après la catastrophe ferroviaire, le "dossier Brétigny" est devenu bien complexe pour les victimes, qui attaquent la SNCF via le terrain, plus évident, de la communication.

Vision kafkaïenne, quand il débarque en janvier à Evry: Jean-Michel Ducros, procureur adjoint, fait face à une armoire plus haute que lui. "On m'a dit +Brétigny, c'est ça!+", raconte à l'AFP celui qui suit le dossier pour le parquet. Une enquête colossale pour cet accident qui a fait sept morts et des dizaines de blessés le 12 juillet 2013. Un train qui déraille à cause, selon les experts, d'un morceau de voie mal, voire pas du tout, entretenu qui s'est désagrégé au fil du temps.

Une cinquantaine d'avocats sont concernés, essentiellement pour les parties civiles. Quelques ténors parisiens et d'autres, moins célèbres, parfois spécialistes des transports. Cette disparité semble empêcher tout travail en commun, d'autant que certains se détestent, des histoires de "vols de clientèle" au commencement d'un dossier très médiatique. Conséquence: aucun n'a le temps ou les moyens de s'aventurer, seul, dans les méandres de l'enquête.

L'un d'eux, Gérard Chemla, qui représente une association de victimes, a même réclamé à la justice que la SNCF finance ses honoraires, plusieurs dizaines de milliers d'euros. "On est totalement démunis, incapables de trouver les points que l'on nous cache!", explique-t-il à l'AFP. La SNCF, mise en examen avec RFF (devenu SNCF Réseau), possède par conséquent "la maîtrise" du dossier, renchérit un confrère. "Ils considèrent que s'ils n'expliquent pas, personne ne va rien comprendre".

Les trois juges d'instruction eux-mêmes ont demandé début 2015 à être dessaisis, faute de moyens, au profit du pôle spécialisé en matière d'accidents collectifs de Paris. Refus du procureur.

C'est par la presse que la plupart des parties civiles et parfois même le parquet, découvrent les avancées de l'enquête, via des fuites en cascade: le dossier semble ouvert à tous les vents, toujours à coups d'"exclusif". Certains s'en amusent, tel cet avocat qui avoue avoir confié plusieurs centaines de pages à un journaliste pour qu'il en isole les passages croustillants: "la presse travaille pour moi!".

Mais les autres, notamment le parquet, pestent contre cette atteinte au secret de l'instruction. "Ce dossier, selon qu'on le prenne par un bout ou par un autre, on peut lui faire dire ce qu'on veut", s'agace une source judiciaire. Dernier rebondissement en janvier quand Le Canard Enchaîné révèle que des employés de la SNCF ont été placés sur écoute. Les retranscriptions laissent supposer que l'entreprise a préparé les personnes entendues par la justice.

Les avocats, dont beaucoup n'étaient alors même pas au courant de l'existence de ces documents, s'en délectent: "mensonges!", "obstruction!", "subornation de témoins!" Mais jusqu'à présent, aucun n'a encore porté plainte.

La pièce qui se joue devant les micros est en fait bien éloignée des réalités de l'enquête, d'un côté comme de l'autre. Face caméra et hors instruction, le président de la SNCF Guillaume Pépy promet par exemple "la transparence" et n'exclut pas qu'un défaut de maintenance puisse être à l'origine de l'accident. Mais dans une note d'observation remise aux juges fin février, la compagnie tient un discours bien plus nuancé, évoquant notamment la perplexité des agents "en charge de la maintenance" devant les causes de l'accident. Elle réclame aussi de nouvelles expertises, notamment métallurgiques.

"D'un côté, ils sont dans une communication publique sur le thème du +nous sommes responsables+ et de l'autre, dans le secret de l'instruction, ils se battent bec et ongles", souligne Marie-Laure Ingouf, qui défend la famille d'une personne décédée. La SNCF, qui n'a pas souhaité répondre à l'AFP, mise sur le "doute" des juges le jour de l'audience, affirme Me Chemla. "Ils mettent en évidence des éléments mineurs et gardent dans leur manche les éléments les plus pertinents pour le procès". Qui s'annonce aussi fleuve que technique.

 

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