La Normandie, un terreau fertile du djihadisme ?
La Normandie est le berceau de plusieurs figures du djihadisme français, comme Maxime Hauchard ou Fabien Clain, même si aucun lien n'a été mis en évidence à ce jour avec Adel Kermiche, l'un des auteurs de l'assassinat du père Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray."Il existe une filière normande mais ce n'est pas une spécificité normande. Il en existe une en Corse, comme dans le Nord, en région parisienne ou à Strasbourg", explique Mathieu Guidère, professeur d'islamologie à l'Université Toulouse-Jean Jaurès. "La Normandie n'est pas plus touchée que les autres régions", affirme-t-il.
Elle n'en est pas moins sous le feu des projecteurs depuis l'assassinat mardi du père Hamel, revendiqué par le groupe Etat islamique. Les enquêteurs ont identifié un des deux meurtriers comme étant Adel Kermiche, un habitant de la ville né en 1997 à Mont-Saint-Aignan, autre commune proche de Rouen. Le jeune homme, abattu par la Brigade de recherche et d'intervention (BRI), avait par deux fois, à moins de deux mois d'intervalle, tenté de rallier la Syrie en 2015. L'un de ses amis, originaire du Rouvray et dont le petit frère de 16 ans a été interpellé mardi, fait l'objet d'un mandat d'arrêt pour être parti dans la zone irako-syrienne le 29 mars 2015 avec les papiers d'identité d'Adel Kermiche.
D'autres Normands sont aussi dans le collimateur des autorités judiciaires. Parmi eux figurent Maxime Hauchard, un converti à l'islam qui a été identifié fin 2014 comme l'un des bourreaux du groupe EI, vu sur une vidéo en train de décapiter un soldat syrien. Il a grandi à Bosc-Roger-en-Roumois (Eure), une commune de 3.200 habitants près de Rouen et fréquentait la mosquée de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, non loin de Saint-Étienne-du-Rouvray. Le djihadiste Fabien Clain, dont la voix a été identifiée par les enquêteurs sur une revendication audio des attentats du 13 novembre par l'EI, pilier de la mouvance toulousaine de la famille Merah, possède également des attaches en Normandie. Il y résidait encore en 2015, à Alençon. Il y a passé une partie de sa jeunesse et y a rencontré sa femme Mylène, 35 ans, également convertie, avec laquelle il a eu trois enfants.
Pour autant, "si on se rapporte au nombre de personnes signalées comme étant en voie de radicalisation jihadiste, la Normandie est loin d'être particulièrement la plus touchée", tempère M. Guidère. Dans l'ordre, "Paris, Lille, Strasbourg, Toulouse et Marseille" sont en tête du classement, selon lui. Un classement corroboré par la carte de France publiée par le Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR), qui dénombrait en mai environ 120 signalements de radicalisation djihadiste pour la Normandie. "On a l'impression qu'il y a une concentration de djihadistes potentiels en Normandie mais on n'obéit pas à des règles statistiques. Chaque cas est particulier. C'est une problématique plus globale, nationale", affirment des sources judiciaires normandes. Et d'ajouter que les autorités locales n'ont jamais nié qu'une filière normande pouvait exister, tout en soulignant qu'il n'y avait pas plus de fichés "S" que dans les autres régions de taille comparable.
Mais la polémique monte du côté des politiques, le président du MoDem François Bayrou assurant qu'il y aurait, à Saint-Etienne-du-Rouvray, une "mosquée salafiste" et une "communauté fanatisée, à l'intérieur de laquelle figuraient des personnes parties en Syrie, dont l'assassin". Des propos contestés par le président du Conseil régional du culte musulman, en charge de "l'unique mosquée de la ville". "Si ces gamins venaient faire la prière cinq fois par jour et écouter le prêche ici, ils comprendraient ce qu'est l'islam et on n'en arriverait pas à ces tragédies", assure Mohammed Karabila. "Ces gens-là sont des délinquants, sans éducation et qui se forment avec des imams +google+". "Je ne l'ai jamais vu (Adel Kermiche) fréquenter la mosquée", assure M. Karabila. "Si on se focalise sur les mosquées de Normandie, on risque de se tromper de cible. Elles sont pour la plupart surveillées et pour le moment, ce n'est pas le lieu où nous les avons débusqués", abonde une source proche de la préfecture.
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