Le navire "Aquarius" prêt à rallier la Méditerranée pour secourir les migrants
Avec sa coque peinte en orange fluo et siglée des logos des deux associations qui l'ont affrétée, Médecins du Monde et SOS Méditerranée, cette "ambulance des mers" de 77 mètres de long sera la seul navire uniquement dédié au secours à croiser en pleine mer.
Depuis les étroites coursives jusqu'au modeste mess, l'équipage, qui a accueilli vendredi la presse avant son départ, échange en allemand, français, anglais ou espagnol. L'un des infirmiers parle tigrigna, la langue érythréenne de nombreux migrants, un médecin parle arabe.
"Nous faisons notre devoir en tant que société civile européenne", clame en français Klaus Vogel, un capitaine allemand au long cours, qui, il y a un an, en a eu assez d'entendre, impuissant, parler des milliers de migrants qui se noient en Méditerranée. Parmi les volontaires qui se sont ralliés à son idée, des gens de mer, mus par un principe marin ancestral, le sauvetage inconditionnel de toute personne en péril en mer.
Parmi eux, Jean Passot, 27 ans. Il sera de ceux qui sauteront dans les canots de sauvetage pour aider au transbordement des migrants. Bottes aux pieds, lunettes de soleil, cet officier de marine marchande, qui a travaillé au large de l'Afrique autour des plate-formes pétrolières est fier : "Ça colle à mes principes", dit-il, avouant appréhender "la confrontation à la détresse et à la mort" qui l'attend dans le canal de Sicile.
Dans une cabine, transformée en cabinet médical, deux couchettes superposées pour offrir un peu de repos à ceux qui arriveront le plus éprouvé: déshydratés, dénutris ou en hypothermie. Les deux médecins et les deux infirmières de Médecins du Monde peuvent même gérer un accouchement. "C'est comme un hôpital de campagne, on utilise les moyens du bord", explique le Dr Stéphanie Spindola, qui a déjà travaillé au Kurdistan et en Colombie.
Au total, ce sont 250 migrants, voire 500 en cas d'extrême urgence, qui pourront être recueillis à bord de cet ancien garde-côte allemand. Contrairement aux gardes-côtes italiens, aux navires militaires ou commerciaux qui sont régulièrement déroutés pour des sauvetages, l'"Aquarius" sera en permanence en mer, loin des côtes européennes, là où les noyades sont les plus nombreuses.
Dans un premier temps, le bateau doit mettre le cap vers la Sicile puis l'île italienne de Lampedusa, avant de prendre le large pour se positionner en haute mer, à proximité des eaux territoriales libyennes.
Le navire sera notamment aiguillé par le centre de coordination maritime (MRCC) basé à Rome, qui coordonne les secours en Méditerranée. "Nous avons rencontré les autorités, qui nous ont reçus très respectueusement", souligne M. Vogel, qui défend toutefois farouchement l'indépendance de son association, dans un contexte politique tendu sur le sujet des migrants.
Barbe blanche soigneusement taillée, carrure solide de marin, c'est en apprenant fin 2014 que l'Italie mettait fin à l'opération Mare Nostrum destinée à sauver les migrants en mer, partiellement remplacée par le dispositif européen Triton, que Klaus Vogel a décidé de lancer son projet. A 59 ans, ce père de quatre enfants connaît bien la mer et ses colères: il navigue depuis ses 18 ans.
En moins d'un an, l'association qu'il a créé a réuni un million d'euros, quasiment uniquement grâce à des dons privés. Avec cette somme, elle peut naviguer jusqu'à la fin avril. SOS Méditerranée cherche toujours des fonds pour que l'"Aquarius" ne soit pas ensuite contraint de rentrer au port, à l'arrivée de la belle saison, lorsque les migrants sont les plus nombreux à risque leur vie en Méditerranée.
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