Mort d'Adama Traoré : les circonstances de l'interpellation se précisent, pas les causes du décès
Comment Adama Traoré est-il mort ? Les circonstances de l'interpellation du jeune homme de 24 ans par trois gendarmes, le 19 juillet dans le Val-d'Oise, se sont précisées mardi. Mais les causes de son décès restent toujours inconnues.
> Maintenu sous "le poids" de trois gendarmes
Lors de son arrestation, Adama Traoré a été maintenu au sol sous "le poids des corps" de trois gendarmes, a dit mardi à l'AFP une source proche de l'enquête, citant les déclarations de l'un des militaires. "Nous avons employé la force strictement nécessaire pour le maîtriser, mais il a pris le poids de notre corps à tous", a affirmé ce gendarme aux enquêteurs, précisant "qu'aucun coup" n'avait été porté.
Adama Traoré, dont la mort qualifiée de "bavure" par ses proches a entraîné plusieurs nuits de violences dans la petite ville de Beaumont-sur-Oise et dans les communes voisines, a été interpellé lors d'une opération qui visait son frère Bagui, suspecté d'extorsion de fonds.
Vers 17H15, en ce jour de canicule, les gendarmes effectuent un contrôle d'identité sur Adama Traoré, qui se trouve dans son quartier avec son frère et la petite amie de ce dernier. "Quand il a vu qu'on voulait l'interpeller, il a posé son vélo et est parti en courant", a relaté l'un des gendarmes.
Rattrapé, il parvient à s'échapper et se réfugie dans un appartement. Une demi-heure plus tard environ, les gendarmes y pénètrent et "distinguent une forme humaine par terre, comme cachée dans un drap".
Après son arrestation, le jeune homme leur dit avoir des "difficultés à respirer". Il perd connaissance lors de son transport vers la brigade de la ville voisine de Persan. Au moment de le sortir du véhicule, les gendarmes le mettent en position latérale de sécurité et appellent les secours, qui constateront le décès à 19H05.
> Deux autopsies, pas de "cause immédiate du décès" identifiée
Le légiste qui a effectué la première autopsie a relevé un "syndrome asphyxique" et des "lésions d'allure infectieuse", au poumon et au foie notamment, selon une source proche de l'enquête. Sans parvenir à identifier la "cause immédiate" du décès. Le procureur de la République de Pontoise, Yves Jannier, évoque de son côté "une infection très grave", "touchant plusieurs organes" et souligne l'absence de "traces de violence significatives".
A la demande de la famille, une contre-expertise est effectuée une semaine après sa mort par un collège d'experts, à Paris. Là encore, les médecins notent un "syndrome asphyxique", mais relèvent "l'absence de point d'appel d'une infection sévère". Et ne parviennent pas à identifier la cause du décès.
L'examen de prélèvements réalisés sur le cœur d'Adama Traoré mettent par ailleurs "en évidence un ensemble de lésions compatibles avec une cardio-myopathie hypertrophique qui est potentiellement la cause directe de la mort", selon le procureur.
"D'abord une crise cardiaque, après une infection et maintenant une asphyxie... Que nous cache-t-on ? Que s'est-il passé ?", s'interrogent les proches du jeune homme. "L'hypothèse que je privilégie, c'est que ce qui a provoqué l'asphyxie (...) serait la compression thoracique telle qu'expliquée par les gendarmes", a dit mardi à l'AFP l'avocat de proches d'Adama Traoré, Yassine Bouzrou.
> La communication des autorités mise en cause par la famille
Pour Me Bouzrou, le parquet, qui a confié l'enquête à une juge d'instruction, a communiqué de manière "partielle et partiale" en "éludant les éléments les plus importants du dossier". "Les parties ont connaissance de l'ensemble des éléments du dossier", répond le procureur. "Il n'est pas question de cacher des choses, mais de donner des informations sur des éléments avérés. En l'état, aucun des deux rapports ne donne la cause et les circonstances exactes du décès", insiste-t-il. Le procureur souligne que "l'explication de la cause du décès ne pourra être apportée qu'avec l'ensemble des analyses (bactériologie, toxicologie, anatomopathologie)".
Le parquet a confié deux enquêtes parallèles, à la section de recherches de Versailles (gendarmerie) et l'Inspection générale de la gendarmerie. Entre 600 et un millier de personnes se sont rassemblées samedi à Paris pour réclamer "la vérité", mais la manifestation qui devait suivre a été interdite par la préfecture de police.
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