Pédophilie : l'Eglise catholique de France à l'heure des décisions
L'Eglise catholique de France promet ce mardi 12 des "décisions" face à la pédophilie, après une série de révélations et polémiques qui ont jeté une lumière crue sur l'attitude de certains responsables, dont le cardinal Philippe Barbarin. A l'issue d'une réunion du conseil permanent - l'exécutif - de la Conférence des évêques de France (CEF), son président, Mgr Georges Pontier, "présentera les décisions prises dans le cadre de la lutte contre la pédophilie", devant la presse à 14h30, a fait savoir la CEF. "Il y aura des annonces concrètes, des mesures qui viseront à l'amélioration de la prise en compte du phénomène de la pédophilie sur différents plans", a assuré à l'AFP une source proche du dossier.
Ces engagements sont très attendus de la part d'un épiscopat sous le feu des critiques ces dernières semaines. Premier visé: le cardinal Barbarin, figure éminente. L'archevêque de Lyon depuis 2002 est ciblé par deux enquêtes pour "non dénonciation" d'agressions sexuelles, notamment à la suite de la mise en examen fin janvier d'un prêtre, Bernard Preynat, pour des actes pédophiles commis il y a plus de 25 ans sur de jeunes scouts lyonnais. A l'origine de ces enquêtes, qui ont mené à des perquisitions à l'archevêché: des plaintes de victimes regroupées dans une association, La Parole libérée, qui reprochent au cardinal Barbarin de ne pas avoir informé la justice des anciens agissements du Père Preynat, laissé en poste jusqu'en 2015. Depuis, des médias ont fait état d'autres affaires d'agressions sexuelles imputées à des prêtres liés au diocèse de Lyon, même si toutes ne sont pas du même ordre. Malgré le soutien de ses "frères" évêques, sa promesse de collaborer avec la justice et la demande de pardon qu'il a adressée aux victimes, l'image du primat des Gaules semble durablement entachée, sa position très affaiblie.
Réuni à Lourdes il y a un mois, l'épiscopat a mis en avant ses efforts contre la pédophilie depuis plus de quinze ans, avant même la condamnation en 2001 - inédite - d'un évêque pour non dénonciation. Mais il sait avoir une marge de progression dans la réponse aux faits les plus anciens et l'écoute des victimes. Ses responsables soulignent désormais que, si des dossiers sont juridiquement prescrits, "aucune prescription morale" ne tient en matière de pédophilie. A fortiori dans une institution qui se doit d'être exemplaire. "Nous comprenons mieux la profondeur de la blessure subie et la possibilité que nous n'ayons pas géré toujours les situations de la meilleure manière", écrit Mgr Pontier dans une tribune publiée ce mardi par Le Monde. Evoquant des "décisions malheureuses", l'archevêque de Marseille estime que cette "épreuve" appelle "à l'humilité", et redit: "Notre collaboration avec les autorités judiciaires doit être totale, notre écoute des victimes ouverte et bienveillante".
Concernant les faits récents, la politique de "tolérance zéro" prônée par le Vatican semble désormais largement partagée. Ainsi en Guyane, un prêtre s'est dénoncé la semaine dernière sur ordre de l'évêque de Cayenne, Mgr Emmanuel Lafont. Il sera jugé pour des attouchements sur mineur.
Mais la communication épiscopale a connu encore récemment des ratés. L'évêque de Pontoise, Mgr Stanislas Lalanne, pourtant responsable de la "cellule de veille" de l'Eglise sur ce dossier, a répugné à qualifier spontanément de péché tout acte de pédophilie, invoquant des considérations théologiques. Devant la polémique, il est revenu sur ses propos, mais le mal était fait. De toutes parts, l'Eglise est invitée à agir plus volontairement et à parler plus clairement contre la pédophilie.
Une quinzaine d'intellectuels catholiques lui ont intimé, dans une tribune, de "prendre l'initiative de faire éclater la vérité en appelant les coupables à se dénoncer et les victimes à témoigner". Le journal de gauche Témoignage chrétien a réclamé des "commissions d'éthique et de droit". Quant à l'initiative inédite de Mgr Jacques Blaquart, elle pourrait être imitée: l'évêque d'Orléans a créé une cellule d'"écoute des blessures" des victimes d'agressions sexuelles, assortie d'un numéro vert.
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