Suicides chez France Telecom : vers un procès du "harcèlement managérial" ?
France Telecom, devenue Orange, et plusieurs de ses anciens dirigeants dont l'ex-PDG Didier Lombard pourraient être visés par un procès pour harcèlement moral, suite à la vague de suicides qui a frappé l'entreprise à la fin des années 2000. Selon les syndicats, 35 salariés se seraient donnés la mort au cours de cette période.
Un procès qui pourrait laisser une marque dans le droit du travail. Certes la notion de harcèlement moral existe depuis longtemps. Elle est passible d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende. Mais il pourrait s'agir ici du procès d'un système et non uniquement d'un ou plusieurs fait(s) isolé(s).
Car ni Didier Lombard, ni les autres dirigeants cités dans l'affaire (Louis-Pierre Wenes, ex-numéro 2 et Olivier Barberot, ex-responsable des ressources humaines) ne sont accusés d'avoir personnellement harcelé des salariés de France Telecom. Ils sont en revanche soupçonnés d'avoir créé un système favorisant le harcèlement, voire y incitant.
Mobilité forcée, surcharge de travail ou au contraire mise au "placard", le rapport de l'inspection du travail établi en 2010 avait poingté du doigt un "harcèlement managérial", avec "mise en œuvre de méthodes de gestion du personnel" ayant eu pour effet de "fragiliser psychologiquement les salariés et de porter atteinte à leur santé physique et mentale". L'ex-direction de France Telecom pourrait donc se voir reprocher d'avoir créé les conditions de stress qui ont conduit à ces drames. Cela dans le but de forcer les départs et de ne pas avoir à licencier comme elle s'y était engagée.
Un arrêt de la Cour de cassation de 2009 reconnaît "que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel". La phrase de Didier Lombard: "En 2007, je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte", avait illustré ce concept.
A supposer qu'un procès ait lieu, le chemin judiciaire risque d'être long. Et le lien de cause à effet entre ces pratiques et les suicides devrait être l'enjeu d'une bataille d'experts. Mais les syndicats se félicitent déjà que pour la première fois une entreprise du CAC 40 puisse être inquiétée pour harcèlement. Certains ont même souhaité que les poursuites puissent être considérées comme des "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner", voire même comme "homicide involontaire".
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