Viols : seules 12% des victimes ont porté plainte en 2015
Le constat est plus qu'inquiétant. D'après un rapport publié mercredi 5 par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) sur les viols commis en France, seules 12% des victimes auraient porté plainte en 2015. Ainsi, alors que tous les ans, environ 84.000 femmes et 14.000 hommes âgés de 18 à 75 ans déclarent avoir été victimes d'un viol ou d'une tentative de viol, seules 10.461 plaintes de femmes et 1.655 d'hommes ont été déposées l'an dernier. Autre chiffre effrayant: seuls 1.100 suspects auraient été condamnés (765 hommes de plus de 15 ans, 304 hommes de moins de 15 ans et six femmes).
Dans le détail, chez 90% des femmes victimes d'un viol ou d'une tentative de viol, l'agresseur est une personne connue. Par ailleurs, plus de la moitié (51%) des femmes attaquées ne font aucune démarche, ni auprès des forces de police et de gendarmerie, ni auprès de médecins, psychiatres ou psychologues, ni auprès des services sociaux, d'associations ou de numéros d'appel. L'instance gouvernementale précise enfin que 20,4% des femmes déclarent avoir été victimes d'au moins une forme de violence sexuelle au cours de leur vie: pour 6,8% il s'agissait d'un viol et pour 9,1% d'une tentative de viol. Parmi ces femmes, plus d'une (59%) ont été agressées pour la première fois avant d'avoir 18 ans.
Face à ces données alarmantes, le Haut Conseil s'est inquiété d'une trop "grand tolérance sociale" du viol. Estimant que ce crime est encore entouré de "trop nombreux stéréotypes sexistes" (voir l'enquête accablante parue en mars sur les idées reçues sur le viol en France), il a remis un avis à Laurence Rossignol, la ministre des Droits des Femmes, dans lequel il propose 12 recommandations pour une plus "juste condamnation sociétale et judiciaire" du viol.
Considérant qu’il faut absolument modifier la loi afin "que la société toute entière fasse changer la honte de camps", le HCE propose notamment de renforcer la définition du viol et des agressions sexuelles dans le Code pénal. Jusqu’à présent, "constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise". Seulement voilà: les violences psychologiques ne sont pas explicitement visées tandis que la notion de surprise n’est pas suffisamment claire, ce qui ne permet pas de couvrir un large éventail de situations.
Autre mesure phare évoquée: la protection des mineurs victimes. Les membres du Haut Conseil à l’égalité recommandent, à l’instar de ce qui existe dans nombre pays voisins, d’instaurer un seuil d’âge (13 ans) en dessous duquel les mineurs sont présumés ne pas avoir consenti à un acte sexuel avec une personne majeure. Par conséquent, il ne sera plus nécessaire de prouver la violence, la menace, la contrainte ou la surprise d’une agression. Concrètement, la qualification d’atteinte sexuelle sera écartée au profit de celle d’agression sexuelle ou de viol s’il y a pénétration. Le HCE recommande également de renforcer la protection des mineurs contre l’inceste. Le tout en prévoyant qu’une atteinte sexuelle commise sur un mineur par une personne ayant autorité parentale est présumée ne pas avoir été consentie.
Quant aux délais de prescription, récemment supprimés en Californie à la suite de l’affaire Bill Cosby, ils risquent de s’allonger en France. Adoptée le 10 mars dernier à l’Assemblée nationale, la proposition de loi Fenech-Tourret prévoit de doubler les délais de prescription qui passeraient de 10 à 20 ans pour les crimes, de trois à six ans pour les délits et de un à deux ans pour les contraventions. Enfin, la présidente du HCE, Danielle Bousquet, estime qu’il faudrait cesser de "correctionnaliser" les viols, les assises étant plus appropriées pour les agressions sexuelles. Selon elle, les juger comme des délits reviendrait à "minimiser l’importance des faits".
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