Au procès du "violeur de Tinder", l’avocat général s'emporte : "Je vous laisse dans le bunker de vos mensonges."
Des parties civiles qui se succèdent et racontent avec douleur comment elles ont, d’après elles, été violées ou agressées sexuellement par Salim B et un accusé qui campe sur ses dénégations. Voilà comment on pourrait résumer la première semaine du procès du « Violeur de Tinder » qui a débuté lundi 18 mars devant la Cour criminelle de Paris. Malgré les avis des experts qui affirment que les victimes présumées sont crédibles et qui détaillent les symptômes de syndrome post traumatiques qu’ils ont constatés, malgré les larmes des jeunes femmes, la position de Salim B ne bouge pas d’un iota : elles étaient consentantes.
« Je vais vous faire un aveu, lance l’avocat général à l’accusé, je suis encore naïf. Ce matin, après la déposition de la victime, je me suis dit ‘peut-être que ça va actionner Salim B, peut-être qu’il va changer, peut-être que le cours de son existence va changer. Hé bien non (…) Je vous laisse dans le bunker de vos mensonges ».
Un témoignage déchirant.
Il faut dire que le matin, c’est la plus jeune victime présumée de Salim B. qui a livré un témoignage déchirant, corroboré par les textos qu’elle a envoyés à l’accusé dans les jours qui ont suivi.
Caroline (NDLR, les prénoms des parties civiles ont tous été modifiés) est mineure quand elle découvre le travail de Salim B sur Facebook. Passionnée de photographie, elle en a d’ailleurs fait son métier, la jeune fille laisse des commentaires élogieux, et se sent flattée quand le professionnel affirme qu’elle a un profil inspirant. Elle accepte donc de venir participer à une séance de photos en posant pour lui. Elle a alors à peine 18 ans.
Quand elle arrive, une bouteille de rosé est posée sur la table, et quand elle sort de la salle de bains où elle est partie se changer, elle voit deux verres remplis d’alcool. Elle boit le sien puis la séance débute.
Au bout d’un moment, elle sent quelque chose qui « lui monte dans le ventre », explique-t-elle. La lumière l’éblouit, elle est prise de spasmes et se vomit dessus. Elle court alors dans la salle de bains pour « finir dans la cuvette un peu dignement » puis ressort en s’excusant. Salim B. ouvre le canapé-lit pour la laisser se reposer et sort un moment. Répit dont elle profite pour envoyer un message à un ami qu’elle supplie de venir la chercher. Problème, il est dans un autre quartier de Paris et il va lui falloir un peu de temps pour arriver. Quand Salim B. revient, Caroline affirme se sentir un peu mieux.
« Tu m’as clairement violée Salim »
D’après la jeune femme, le photographe lui saute dessus alors qu’elle est couverte de vomi.
« Il n’y a qu’un psychopathe pour baiser une meuf couverte de vomi », lui écrira-t-elle par texto dans les jours qui suivront.
« Je te suppliais d’arrêter. Tu m’as clairement violée Salim, il faut te rendre à l’évidence », lui reprochera-t-elle encore par SMS.
Lors de l’interrogatoire de Salim B, l’avocat général revient sur le témoignage de la jeune femme en larmes : « Soit ce qu’elle dit est vrai. Soit ce qu’elle dit est faux et il faut qu’elle rentre tout de suite à la Comédie française parce qu’elle a un avenir ».
Pourtant, Salim B explique quant à lui que, si Caroline a probablement vomi ce jour-là, ce n’était pas devant lui mais dans la salle de bains. Il reconnait avoir manqué de délicatesse, reconnait avoir eu un rapport sexuel avec la victime présumée, mais nie le viol.
« C’est insupportable ! », s’exclame Caroline qui bout visiblement d’indignation durant les explications de l’accusé. Elle quitte la salle d’audience quelques minutes plus tard, après que Salim B ait affirmé qu’à « aucun moment elle n’a dit ‘non’ ».
Un accusé qui a réponse à tout.
Salim B. continue ses déclarations et il a réponse à tout. Si les amis qui sont venus chercher la victime présumée l’ont trouvée en état de choc et ont eu l’intention de monter « casser la gueule » au photographe, c’est parce qu’il lui a intimé l’ordre de partir 15 minutes après avoir eu un rapport sexuel et qu’il s’est donc comporté de « façon abjecte » face à une si jeune fille.
Si elle a déposé plainte, c’est parce qu’il ne lui donnait pas les photos. Elle avait menacé d’une plainte s’il ne lui remettait pas les clichés, affirme-t-il.
Il argumente de la même manière après le témoignage de la jeune femme qui suit.
Cette dernière, que nous appellerons Françoise, décrit un viol assez brutal et des bleus ont été constatés par le médecin légiste sur le corps de la victime présumée qui a porté plainte dès le lendemain des faits. Elle affirme qu’elle a été droguée, qu’il l’a ensuite tirée par les cheveux, jetée « sur son petit bureau affreux », et que ses larmes ont excité son violeur présumé. Françoise rapporte encore qu’il a essayé de mettre son sexe dans sa bouche et qu’il était « furibard » quand elle a réussi à se dégager. Elle s’est ensuite mise en position du fœtus pour « le laisser finir son affaire » et qu’il la laisse partir, conclut-elle.
« Elle ment », affirme Salim B. Comme pour toutes les autres, il nie avoir drogué sa victime présumée. Il concède un rapport sexuel « dans la domination », mais c’est, d’après lui, parce que Françoise lui avait dit qu’elle aimait ça.
Un déni inébranlable.
Si elle a porté plainte dès le lendemain, c’est parce qu’il ne s’est pas montré rassurant.
« S’il suffit d’une plainte, d’un rapport de psychologue et d’une ITT, alors… », ajoute-t-il.
Françoise a en effet expliqué, durant son témoignage, qu’elle bénéficie, à ce jour, d’une allocation pour adulte handicapée et à quel point « sa vie est détruite ». Elle a affirmé qu’elle « n’a plus jamais pu avoir de rapports sexuels » depuis le jour du viol présumé. Elle envisage de ne jamais pouvoir avoir d’enfants « alors qu’elle en rêvait », a-t-elle ajouté dans un sanglot. Elle a aussi raconté combien elle était indépendante et adorait voyager seule, avant ce jour funeste, et que depuis, « elle ne peut même plus prendre le métro sans être accompagnée ». Rien ne semble pouvoir ébranler le déni de Salim B.
« Quand je pense qu’un jour, il sortira… », s’inquiète une partie civile à la sortie de l’audience.
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