Procès du « violeur de Tinder ». Des témoignages poignants et un accusé indifférent.

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Laurence Beneux
Publié le 21 mars 2024 - 17:20
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Tinder
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F. Froger / Z9
Surnommé « Le violeur de Tinder », Salim B se tient devant la Cour criminelle de Paris
F. Froger / Z9

Le procès du photographe Salim B se tient devant la Cour criminelle de Paris depuis lundi dernier, 18 mars. Surnommé « Le violeur de Tinder » parce qu’il recrutait ses proies sur les réseaux sociaux, l’individu est accusé, par 17 femmes, très jeunes au moment des faits (de mineure à 26 ans), de viols ou d’agressions sexuelles qu’il aurait perpétrés entre 2014 et 2015. Les victimes qui témoignent devant la Cour décrivent toutes un même mode opératoire tandis que Salim B clame son innocence. 

Salim B reconnait volontiers qu’il utilisait sa notoriété naissante, et sa réputation de photographe doué, pour faire venir à son studio de jeunes mannequins, ou candidates au mannequinat, dans le but d’assouvir un appétit sexuel qu’il décrit comme hors norme. Il revendique des relations sexuelles avec près d’un millier de femmes différentes, et parfois plusieurs partenaires dans une même journée. Il nie par contre l’absence de consentement de ces dernières. 

On ne boit jamais durant un shooting photo professionnel. 

De leur côté, les jeunes femmes qui se succèdent à la barre livrent toutes des témoignages à la concordance troublante. Mises en confiance par la réputation du photographe et la qualité des photos qu’il exposait sur internet, elles se sont rendues dans l’appartement qui lui servait de studio, pour une séance de shooting, dans l’espoir d’en ressortir avec un beau book et des photos de qualité. Il avait pris le soin de les flatter, en leur expliquant qu’il adorait leur style, qu’elles étaient « inspirantes », qu’il les voyait comme une muse et qu’il leur permettrait d’obtenir des clichés qui les mettraient bien plus en valeur que ceux qu’elles montraient sur les réseaux sociaux. 

Toutes racontent à la cour, qu’une fois sur place, il leur a offert avec beaucoup d’insistance de boire de l’alcool, un shot de vodka caramel et/ou du champagne. Une proposition surprenante : on ne boit jamais d’alcool durant un shooting photo professionnel. Ce que Salim B. reconnait volontiers, mais il utilise précisément cette proposition inhabituelle pour argumenter que ses victimes présumées ne pouvaient ignorer que le but de la rencontre n’était pas professionnel, mais d’avoir des relations intimes sur fond de séances photos. 

« Il fallait que je reste calme, j’étais incapable de réagir » 

Plusieurs jeunes femmes expliquent que, n’osant pas refuser, elles ont cédé devant l’insistance du photographe. Elles ont donc bu quelques gorgées.  

Elles relatent qu’il faisait très chaud, qu’elles ont rapidement ressenti un malaise que la quantité d’alcool absorbé ne pouvait justifier et qu’elles ont senti leurs jambes se dérober sous elles. Elles décrivent une perte de conscience intermittente avec des flashs où elles voient que Salim B est sur elles, les embrasse, touche leurs parties intimes et les viole. Certaines se rappellent des larmes qui roulent sur leurs joues, mais d’une totale incapacité à protester ou se défendre. 

« Il fallait que je reste calme, j’étais incapable de réagir. J’avais le sentiment qu’il ne fallait pas le contrarier » explique Géraldine (NDLR - les prénoms des victimes présumées sont modifiées). 

« Il avait un regard de furie, il faisait peur » se rappelle Adèle en larmes à la barre. 

Les victimes présumées soupçonnent une soumission chimique que l’accusé dément fermement.  

Des témoignages que Salim B accueille avec indifférence 

Plusieurs victimes présumées décrivent aussi l’effondrement psychologique qui a suivi l’agression présumée dont elles ont été victimes, leur honte, un sentiment de culpabilité, leur peur de porter plainte. Des témoignages que Salim B accueille avec indifférence quand il ne nie pas purement et simplement la souffrance des jeunes femmes.  

Le témoignage de l’une d’entre elles, qui a éprouvé le besoin de quitter la France pour se réfugier au Mexique et n’a pu se présenter au procès, est lu durant l’audience. Il y est relaté les violences subies, la souffrance qui s’en est suivie, les conséquences du syndrome post traumatique, le soulagement d’avoir réussi à porter plainte. 

« Avec elle, nous avons passé un moment formidable », s’exclame pourtant Salim B. 

La seule plaignante pour laquelle il concède avoir eu un comportement qu’il n’aurait « jamais dû avoir » est Léna. Elle a refusé de boire et explique que le photographe lui a sauté dessus quand elle lui tournait le dos et a tenté de l’embrasser, mais qu’elle a échappé au viol. Elle a porté plainte pour agressions sexuelles. 

Une maquilleuse utilise son compte FaceBook pour trouver d’autres victimes. 

La première à porter plainte, en 2017, est une jeune américaine de 26 ans, bientôt suivies de 3 autres victimes présumées. Salim B est alors mis en détention provisoire.  

Cette arrestation convainc une maquilleuse de lancer un appel visant à encourager d’autres victimes potentielles à contacter la policière chargée de l’enquête. Caroline N. a déjà travaillé avec le photographe et elle nourrit des soupçons. Elle a maquillé Léna avant le shooting qui a dégénéré, et cette dernière lui a ensuite fait des confidences qui l’ont troublée.  

Alors, quand la maquilleuse apprend l’arrestation du photographe, les propos de Léna lui reviennent en mémoire. 

« Ça s’est mis à tricoter dans ma tête, explique-t-elle, et je me suis dit s’il y avait quatre victimes, il y en avait probablement d’autres ».  

Catherine N. décide d’utiliser sa page Facebook aux nombreux « followers » pour vérifier son intuition et lance un appel à témoins.  

« Il y a eu un avant et un après» 

Une initiative couronnée d’un certain succès puisque les langues commencent à se délier, concernant cette affaire, mais aussi dans le milieu de la mode en général.  

« Il y a eu un avant et un après » commente Caroline N. à la barre. La jeune femme explique aussi à France-Soir que dans ce milieu comme dans d’autres, il y a beaucoup de rumeurs et de soupçons qui planent sur certains professionnels, mais que « personne ne dit rien ».   

Elle confie que son initiative lui a d’ailleurs valu certaines inimitiés, et que certains l’ont sommée de « fermer  sa gueule». 

Toujours est-il que deux victimes présumées, et un professionnel qui sera auditionné demain vendredi, relaient son appel sur Facebook ou Instagram et que douze nouvelles plaintes pour des faits identiques sont déposées contre Salim B. 

L’homme est cependant remis en liberté sous contrôle judiciaire en 2019. Il déménage à Marseille, recommence à appâter des jeunes femmes avec des séances photos, violant ainsi son contrôle judiciaire et est renvoyé en prison.  

Une information judiciaire est actuellement en cours, suite à 6 nouvelles plaintes d’agressions sexuelles ou viols présumés, commis durant sa liberté conditionnelle.  

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