Dérembourser ou non l'homéopathie ? Le dénouement est proche
Dernière ligne droite avant le verdict sur un éventuel déremboursement de l'homéopathie : la Haute autorité de santé (HAS) publiera son avis définitif le 28 juin et il reviendra ensuite au gouvernement de trancher cette question très polémique.
La commission de la transparence de l'organisme public auditionnera les trois laboratoires concernés (Boiron, Lehning et Weleda) le 12 juin pour entendre leurs arguments.
Elle adoptera ensuite son avis le 26 juin, avant de le rendre public le 28, selon le calendrier communiqué jeudi par la HAS.
Controversée au sein du corps médical, l'homéopathie consiste à administrer des substances en quantité infinitésimale, dans l'espoir de soigner certaines affections.
Certains médicaments sont remboursés à 30% par la Sécurité sociale, bien que leur efficacité n'ait pas été évaluée scientifiquement.
L'an dernier, le remboursement de l'homéopathie a représenté 126,8 millions d'euros sur un total d'environ 20 milliards pour l'ensemble des médicaments remboursés, selon l'Assurance maladie.
Dans son avis provisoire, adopté mi-mai, la HAS prônait l'arrêt du remboursement de ces produits, en l'absence d'efficacité prouvée.
Cette conclusion provisoire, censée rester confidentielle, avait fuité dans la presse avant d'être confirmée par Boiron. Reste à savoir si l'avis définitif ira dans le même sens.
"Un changement semble assez peu probable", déclare à l'AFP le cardiologue Jérémy Descoux, président du collectif Fakemed.
Ce collectif a été créé par les 124 médecins auteurs en mars 2018 d'une tribune véhémente contre l'homéopathie et d'autres "médecines alternatives". C'est sa publication qui a relancé le débat sur le déremboursement.
"La vraie question, c'est : est-ce que la décision politique suivra l'avis scientifique ?", souligne le Dr. Descoux.
Car l'homéopathie est appréciée des Français : 72% "croient en ses bienfaits", selon un sondage Odoxa publié en janvier.
Par ailleurs, Boiron, leader mondial de la fabrication de médicaments homéopathiques, affirme que le déremboursement menacerait 1.300 emplois sur ses 2.500 en France.
- Solution de compromis? -
"L'efficacité de l'homéopathie n'est pas prouvée et son service médical rendu est insuffisant", fait valoir le Dr. Descoux. "Il faut rationaliser les remboursements et les orienter vers ce qui marche : le fonctionnement des hôpitaux, la psychologie, la diététique..."
A l'inverse, les pro-homéopathie mettent en avant la "colère" des patients devant l'hypothèse d'un déremboursement.
"Ils ne comprennent pas", a assuré Charles Bentz, président du Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF) lors d'une conférence de presse.
"On ira jusqu'au bout pour les mobiliser", a renchéri le Dr. Antoine Demonceaux, président de l'association SafeMed, en promettant de manifester "devant les caisses d'assurance maladie s'il le faut".
Début avril, les pro-homéopathie (labos, médecins et patients) ont lancé la campagne "Mon homéo, mon choix", avec une pétition qui revendique pour l'heure 850.000 signatures.
Des élus ont pris position contre le déremboursement : le leader écologiste Yannick Jadot, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez et le maire de Lyon Gérard Collomb (le siège de Boiron est en région lyonnaise), ou encore Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France (où Boiron a un site).
Selon le Dr. Bentz, "une cinquantaine de députés, dont des LREM, ont écrit à la ministre".
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a dit "reste(r) attentif aux impacts possibles pour l'entreprise", dans un récent courrier à des salariés de Boiron.
"Est-ce que (la ministre de la Santé) Agnès Buzyn va décider de continuer à rembourser pour satisfaire un labo, dans un contexte où les urgences sont en crise et où on impose des économies à la Sécu à un niveau catastrophique ? A notre sens, ce serait aberrant", argumente le Dr. Descoux.
Une possible porte de sortie politique serait de couper la poire en deux en baissant le taux de remboursement, de 30 à 15%.
Cette éventualité a été évoquée par M. Le Maire, mais ne satisfait aucun des deux camps.
"Ce que nous demandons, c'est le maintien du remboursement actuel", commente Charles Bentz.
De son côté, Jérémy Descoux estime qu'un "médicament qui a zéro efficacité doit avoir zéro remboursement".
"Sinon (...), dit-il, n'importe quel médicament à efficacité nulle pourrait exiger le remboursement à 15% au motif qu'il représente des emplois en France".
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