Effets des vaccins et corruption, l'analyse de Didier Raoult
Le professeur Didier Raoult a publié ce mardi 11 mai sur sa chaîne Youtube IHU Méditerranée-Infection son analyse de la situation de l'épidémie. FranceSoir vous propose la retranscription des moments essentiels de cette vidéo.
Professeur Didier Raoult, comment évolue l'épidémie à Marseille ?
Pour l'instant, tous les marqueurs sont à la baisse. Si on prend Marseille, on est sur une tendance à la baisse. Sur les patients en réanimation, le nombre de personnes en réanimation n'a pas dépassé ce que nous avons eu pendant la première épidémie.
Concernant les décès, malgré des moyens de prise en charge meilleurs, il y a beaucoup plus de patients décédés du fait que l'épidémie dure depuis longtemps. Par contre la moyenne d'âge des patients décédés est la même.
Il y a une évolution qui a l'air d'être satisfaisante. L'IHU n'est pas plein, le nombre de patients diagnostiqués diminue. On était à un moment à 200 par jour, on est passé à 100 par jour. Maintenant, on est plus à 50 par jour diagnostiqués ici sur place, donc on voit bien le taux diminuer.
Avez vous des éléments qui permettent d'évaluer l'efficacité de la vaccination ?
On a des éléments préliminaires. Il y a eu 350 personnes vaccinées et diagnostiquées, ici. L'incidence chez les vaccinés, première ou deuxième dose, quel que soit le vaccin, est de la moitié de ceux qui ne sont pas vaccinés. Il y a 20% des gens qui viennent se faire tester ici et qui ont été vaccinés et la proportion de vaccinés dans la population est de 25%, ces chiffres sont assez représentatifs, quand on voit ça on est plus autour d'une protection de 50%. C'est ce qu'on voit en pratique, ce qui n'est pas antagoniste de ce qu'on a dans la littérature si on veut bien lire non pas les communiqués de presse ou juste simplement les résumés (abstract) des études. Il faut regarder les vrais chiffres. Dans beaucoup de publications, on met des cas qui ne sont pas documentés. Quand on veut montrer que le vaccin marche, on inclut uniquement les gens qui ont à la fois le PCR positif et qui sont symptomatiques, sachant que la définition de symptomatique est une définition qui est partiellement subjective.
Dans l'abstract d'AstraZeneca, c'est 70% de protection pour le virus anglais des formes symptomatiques et 30% de protection chez les gens qui sont asymptomatiques. Si vous comparez cela aux données que nous avons nous aussi, cela veut dire qu'il y a 50% des gens protégés contre l'infection par le covid 19 avec AstraZeneca.
Pour Pfizer, les seules données qu'on a sont celles d'Israël, où il n'y avait que l'ancienne souche (Wuhan) qui circulait. Il n'y avait pas le variant anglais, il faut prendre les taux de protection avec précaution. Le résumé et les conclusions ne portent que sur les gens qui sont symptomatiques et ne comptent pas les gens qui sont asymptomatiques. Quand on vous dit qu'on a un taux de protection de 95%, ça n'est pas la vraie vie. Il faut aller regarder vraiment les données dans le texte, pas les abstracts. C'est la première fois que je vois ça mais dans les abstracts on ne dit pas la même chose que dans le texte. Ça ne représente pas l'intégralité de ce qui est trouvé.
Voir aussi : Efficacité des vaccins : tout est une question de présentation !
Donc, je vous ai dit on a à peu près 350 vaccinés qui sont positifs. Et bien entendu, on ne sait pas très bien ce qui va advenir de cette protection compte tenu de ces variants qui circulent. En plus, on a maintenant ce Variant 501 qu'on vient de publier.
Parmi les vaccinés, il y a moins d'hospitalisations, mais il n'y a pas moins de morts. On a 1% de morts. Et parmi les morts, on a un mort avec ce variant 501 qui présente un spike différent lui aussi, qui est peut être moins bien protégé. On sait que l'anglais et surtout le sud africain et le brésilien sont moins bien protégés par les vaccins qui sont basés sur la souche de Wuhan et qui sont seulement sur la protéine spike et non pas sur l'ensemble du virus.
Avec les données actuelles, on ne peut pas dire que les vaccins protègent d'une manière significative la circulation des virus parce que la proportion de porteurs asymptomatiques reste extrêmement importante. Donc, l'idée du vaccin fait pour protéger le reste de la population n'est pas réaliste dans cette situation. La deuxième chose, c'est que compte tenu des mutants qui circulent, il faudra faire attention.
Ensuite, il y a une dernière chose que je veux dire sur les vaccins, on a 46 patients qui ont fait un covid dans la semaine qui a suivi l'injection et c'est significatif par rapport à tout ce qu'on fait ici. Est ce que ce sont des personnes qui étaient porteurs, asymptomatiques, et chez qui la vaccination a déclenché une réaction qui fait qu'ils sont devenus symptomatiques ? c'est une vraie question. C'est un phénomène nouveau et important dont il faut tenir compte.
Avez-vous des éléments qui permettent d'expliquer que les abstracts dont vous parliez soient différents du texte ?
Je sais que ça amuse beaucoup les gens de parler de complotisme, d'être dans la négation du fait que la circulation de l'argent à ce niveau-là risque d'être associée à de la corruption. La corruption, c'est vieux comme le monde, et donc j'ai fait un petit travail pour qu'on arrête de dire des bêtises, car tous les partenaires que nous avons ont tous déjà été condamnés pour corruption.
Gilead condamné à 97 millions de dollars ; Pfizer a été condamné à une amende de 60 millions de dollars pour corruption ; AstraZeneca a été condamné à payer aux États-Unis 5,52 millions pour de la corruption à l'étranger ; GSK a été condamné pour corruption en Chine. Donc, il ne faut quand même pas penser que j'invente le fait que la corruption existe dans l'industrie pharmaceutique.
La publication scientifique est un secteur rentable, 35% de bénéfice par an pour les grands groupes de journaux et une partie extrêmement significative des recettes des journaux scientifiques de cette taille là vient directement des contacts avec l'industrie pharmaceutique. Par exemple, Merck avait acheté pour 500.000 dollars de bons à tirer, c'est à dire d'articles théoriquement faits pour être distribués. En pratique, ils ont versé 500.000 dollars au journal qui l'a publié. Ce qui a constitué une partie importante de ses recettes. C'est de la corruption déguisée.
Quand il y a d'un côté beaucoup d'argent, et de l'autre côté moins, il y a un phénomène de mécanique des fluides. On ne donne pas d'argent à quelqu'un si on en n'attend pas un service. On n'invite pas quelqu'un à un congrès, à déjeuner sans rien attendre en retour. C'est connu depuis bien longtemps, c'est Milton Friedman qui dit ça "il n'y a pas de repas gratuit".
Quand j'étais interne, j'ai été invité avec ma femme en business class à aller à Boston, dans un hôtel extraordinaire où on avait fait venir les meilleurs scientifiques. Étaient là une trentaine de leaders d'opinion ou futurs leaders d'opinion. A la fin, le type qu'ils avaient invité me tutoyait et tutoyait ma femme et créait des liens qui sont anormaux dans des rapports professionnels. Parce qu'ensuite vous avez des difficultés quand quelqu'un est devenu un copain à lui refuser ce qu'il a à vendre. L'affaire ici, était celle d'un médicament qui n'avait pas d'utilité et qui était devenu brutalement prescrit parce qu'un collègue avait épousé la fille qui vendait ce médicament. Ceci existe, ça fait partie de la nature humaine. Ce n'est pas horrible mais c'est la loi qui doit le régler. Donc, il faudra bien aller au bout de la loi qui avait été mise en place avec Dominique Maraninchi et Xavier Bertrand sur les conflits d'intérêts. Je suis très content car ça avance. J'ai un collègue qui m'a dit que dans son CNU ils obligent les candidats à déclarer leurs conflits d'intérêts et ne nomment pas les gens qui ont des conflits d'intérêts depuis moins de cinq ans.
La corruption des grands journaux scientifiques est un énorme problème. Les personnes qui réfléchissent à cette problématique en sont à dire qu'il faut avoir des journaux à part ou pas de journaux du tout pour les essais thérapeutiques de manière à ce qu'on ait des commentaires fiables. Mais que les mêmes journaux ne servent pas à faire rapporter de la science qui est indépendante et de la science qui s'apparente à du marketing. Parce que tripoter les données, les analyses méthodologiques et mathématiques pour rendre quelquechose efficace, vous savez, c'est très banal. Et dès qu'un journal scientifique atteint une audience suffisante, il devient une cible du marketing.
Il faut recréer de l'étanchéité entre les activités publiques et l'industrie. C'est une chose essentielle. Théoriquement, la loi impose de déclarer ses conflits d'intérêts à chaque fois qu'on intervient y compris pour tous ces personnages qui passent sur les plateaux télévisés, cela éviterait d'avoir un mélange des genres et des suspicions justifiées ou pas de corruption.
Je pense que c'est un point qui est négligé en France et il faut arrêter de dire que c'est du complotisme parce qu'il y a des gens qui ont été condamnés à des sommes absolument colossales pour corruption.
Personnellement, je ne trouve pas que participer à des essais thérapeutiques dirigés par les laboratoires contribue à la connaissance. Il y a une partie de ces essais qui sont faits parce qu'il faut que quelqu'un les fasse, que ce soit en France ou en Angleterre ou en Espagne, peu importe. Ensuite, il faut que ce soit confirmé sur le terrain, indépendamment de l'industrie pharmaceutique, de manière à ce que l'on puisse avoir une véritable évaluation.
Et ce n'est pas faire de la recherche que d'inclure des malades dans un programme qui a été réalisé par l'industrie pharmaceutique, dont l'analyse est faite par l'industrie pharmaceutique, dont la méthodologie a été mise en place par l'industrie pharmaceutique et dont même le papier a été rédigé par l'industrie pharmaceutique et ensuite proposé et accepté dans les plus grands journaux du monde.
Il faut revenir à la science pour contribuer à la connaissance. Ce n'est pas pour fournir des malades ou créer un doute sur le lien du contrat théorique que l'on a avec le malade qui est de s'occuper de lui et de lui seulement, ce qui est un vrai problème intellectuel et philosophique qui n'est pas assez soulevé. Et deuxièmement, il faut que le comité d'éthique, plutôt que de se pencher sur la méthodologie, devrait se poser les questions sur la morale des essais thérapeutiques. Et ce que je regrette, c'est que certaines décisions du Comité de protection des personnes du comité d'éthique ne me paraissent pas avoir été analysées d'abord sur le plan de la morale avant d'avoir été analysées sur le plan de la méthodologie.
Mais le fait que l'on fasse ça pour faire du bien aux gens ou qu'on fasse ça pour voir que ce n'est pas plus mauvais, bien que ce soit plus cher, que le traitement précédent qui sont les essais de non-infériorité, ça pose un problème moral.
Voir aussi : Les essais de non-infériorité sont-ils éthiques ? Dominique Costagliola invitée aux Jeudis de l'IHU le 14 février 2020
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