INTERVIEW : les médecins peuvent-ils prescrire le Plaquenil ? Me Krikorian répond.

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Publié le 09 juillet 2020 - 17:36
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INTERVIEW : Après le communiqué de presse du 27 mai du Ministère de la Santé, plusieurs de nos lecteurs, nous ont posé la question suivante : comment interpréter ce communiqué de presse ? Est-ce que les médecins peuvent oui ou non prescrire le Plaquenil et si oui dans quel cadre ? Nous avons posé les questions à Me Philippe Krikorian qui nous répond :

« Dans l’état actuel des choses, il n’existe, de mon point de vue, en accord avec l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 22 avril 2020, aucun obstacle légal qui empêcherait les médecins de prescrire ce médicament. »

Celui-ci nous éclaire dans les détails :

 

FS : Me Krikorian, que dit la loi à ce jour ?

PK : le législateur (article L. 5121-12-1, I du Code de la santé publique) dit :

« I.-…En l'absence de recommandation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu'en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. »

Dans l’ordonnance du 22 avril 2020, le juge des référés commence par rappeler le texte de loi applicable faisant référence à l’article L. 5121-12-1, I du Code de la santé publique (CSP) :

« …Par ailleurs, ces recommandations ne font en rien obstacle, ainsi que le préconise le Haut Conseil, à l’inclusion de patients dans des essais cliniques existants ou à venir, nécessaires pour disposer des données permettant, le cas échéant, une prescription beaucoup plus large, sur le fondement de l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, de l’hydroxychloroquine aux patients atteints de covid-19 »

Et reprend dans le paragraphe 7 la loi : « …Son administration, si   elle peut être le fait de médecins de ville, suppose ainsi non seulement le respect de précautions particulières, mais également un suivi spécifique des patients, notamment sur le plan cardiaque. Enfin, compte tenu des espoirs suscités par les premiers résultats rendus publics par une équipe de l’institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection, une forte augmentation des ventes de Plaquenil en pharmacie d’officine a été enregistrée, faisant apparaître des tensions dans l’approvisionnement de certaines officines et des difficultés à se la procurer pour les patients ayant besoin de cette spécialité dans les indications de son autorisation de mise sur le marché. »

Donc au 22 avril avec effet rétroactif au 25 mars 2020, les médecins peuvent prescrire en toute liberté comme le droit leur a été conféré par le législateur dans le cadre de leur mission de médecin.

 

FS : qu’écrit le Ministre de la Santé le 27 mai 2020 ?

PK : le communiqué de presse du Ministre de la Santé du 27 mai 2020 publie les éléments suivants :

« …Le décret publié ce 27 mai tire une nouvelle fois les conclusions de l’avis du HCSP et modifie les conditions dérogatoires de prescription de l’hydroxychloroquine : que ce soit en ville ou à l’hôpital, cette molécule ne doit pas être prescrite pour les patients atteints de Covid-19… »

 

FS : est-ce une interdiction ou une recommandation appuyée ?

PK : les mots utilisés par le ministre chargé de la santé sont : « que ce soit en ville ou à l'hôpital, cette molécule ne doit pas être prescrite pour les patients atteints du Covid-19».

Le « ne doit pas être » a été interprété par les médias et donc les médecins et les Français comme une « interdiction de prescrire ». 

Dans les faits, ceci n’est pas si clair que cela :

  • Le ministre de la santé ne dispose pas du pouvoir d’interdiction qui seul est conféré au législateur (article L. 5121-12-1, I CSP ).
  • Cependant, par l'effet de la jurisprudence du Conseil d’Etat relative au droit souple ( CE Ass. 21 mars 2016, Société Fairvesta ; Société Numéricâble), le ministre dispose d’une latitude pour « émettre des avis, des recommandations, des mises en garde ou prises de position » qui ne sont pas des décisions comme peuvent l’être un décret et/ou un arrêté.
  • Le ministre de la Santé en faisant usage de la formule syntaxique « ne doit pas être » excède donc les prérogatives qu'il tient de ce droit souple dès lors qu’une personne raisonnable interprèterait cette formulation comme une interdiction ferme.
  • Dans les faits, les médecins, pour éviter des poursuites disciplinaires et malgré le droit de prescrire que le législateur leur a conféré, ont arrêté dans leur majorité la prescription de ce médicament pour soigner la covid-19.
  • Ceci entraîne donc une interdiction de fait de prescrire et empêche les médecins de satisfaire à leur mission sacerdotale de soigner.

Puisque c’est une interdiction de fait, elle entre en contradiction avec les termes de la loi et ne doit pas demeurer dans l’ordonnancement juridique, circonstance justifiant un recours en annulation pour excès de pouvoir que j’ai dans l’intention de porter prochainement devant le Conseil d’Etat.

 

FS : quelle est donc votre conclusion ?

PK : dans l’état actuel des choses, il n’existe, de mon point de vue, en accord avec l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 22 avril 2020, aucun obstacle légal qui empêcherait les médecins de prescrire ce médicament.

 

Me Philippe Krikorian est avocat au barreau de Marseille dont le droit administratif est l'une des matières dominantes de son cabinet pour avoir attaqué le décret du 23 mars modifié les 25 et 26 mars qui interdisait la dispensation en pharmacie du Plaquenil et indirectement la prescription de ce médicament par les médecins de ville.

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