L'interdiction des soins funéraires aux personnes séropositives a été levée (Journal officiel)
C'est la fin d'une "discrimination" vieille de 30 ans, se réjouissent les associations de lutte contre le sida : les personnes séropositives décédées pourront désormais recevoir des soins funéraires de conservation du corps, ce qui leur était interdit depuis 1986.
La levée de cette interdiction, qui concerne aussi les personnes décédées atteintes d'hépatites virales, est parue jeudi au Journal officiel et prendra effet le 1er janvier 2018.
Elle était réclamée de longue date par les associations et a été annoncée à trois jours de l'ouverture de la conférence internationale de recherche sur le sida, dimanche à Paris.
L'interdiction était "une discrimination et une situation indigne pour les familles. Quand elles rendaient visite au corps, celui-ci était dans un état de délabrement du fait de la maladie", a réagi pour l'AFP Joël Deumier, président de SOS homophobie.
Les soins de conservation des corps (thanatopraxie), qui visent à retarder la décomposition, consistent notamment à injecter un produit antiseptique et conservateur à la place du sang.
En 2013, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA) estimait que la thanatopraxie concernait environ 200.000 des 545.000 personnes décédées en France.
Par crainte de contamination, ces soins étaient interdits aux personnes décédées séropositives et atteintes d'hépatites virales, en vertu de deux textes datant de 1986 puis 1998.
- "Tellement anachronique" -
Selon l'arrêté publié jeudi et signé par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le sida et les hépatites ont été retirés de la liste des maladies concernées par cette interdiction.
Cela "s'inscrit pleinement dans la lutte contre les discriminations à l'égard des personnes porteuses du VIH ou d'une hépatite virale", a déclaré la ministre dans un communiqué.
"C'était une mesure tellement anachronique. Elle datait du temps de la terreur du VIH, une maladie dont on ne savait rien. On voulait alors placer les personnes séropositives dans des cercueils plombés", a rappelé à l'AFP Christian Andreo, directeur général adjoint de l'association Aides.
A l'inverse, le président du Syndicat professionnel des thanatopracteurs indépendants et salariés (SPTIS) s'est dit "défavorable" à la levée de l'interdiction. "Il y a des risques de coupures très importants sur une personne décédée (...). Je ne vois pas pourquoi les thanatopracteurs prendraient des risques", a déclaré son président, Cédric Ivanes, à l'AFP.
Ce syndicat dit regrouper 158 thanatopracteurs sur 800 en exercice. "63% de nos adhérents ne sont pas du tout favorables" aux soins funéraires à des défunts porteurs du virus du sida, a ajouté M. Ivanes.
"Il n'y a jamais eu un seul thanatopracteur infecté par le VIH", a fait valoir à l'AFP Jean-Luc Romero, conseiller régional d'Ile-de-France et militant de la lutte contre le sida.
- "Lenteur" -
De précédents ministres de la Santé, Xavier Bertrand en 2012 puis Marisol Touraine en 2014, s'étaient déjà prononcés en faveur de la fin de l'interdiction. Elle avait également été recommandée par plusieurs organismes publics.
"Si nos associations saluent cette avancée historique, sa lenteur nous laisse un goût amer", ont souligné les principales associations de lutte contre le sida et l'homophobie dans un communiqué commun.
L'interdiction aurait pu être levée par la loi Santé en 2015 mais cela avait été rendu impossible par un amendement.
Objet du litige : l'obligation alors envisagée de réaliser ces soins dans de "lieux appropriés". Les élus qui avaient déposé l'amendement estimaient que cette obligation revenait à interdire les soins funéraires à domicile.
Le processus a ensuite repris par la voie réglementaire. Un décret a d'abord été publié en décembre dernier pour rendre obligatoire la vaccination des thanatopracteurs contre l'hépatite B.
Puis, le 11 mai, deux textes ont précisé les conditions d'intervention des thanatopracteurs (information des familles, équipement des lieux, soins à domicile sous certaines conditions).
Les soins funéraires restent en revanche interdits aux personnes décédées de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, de tout "état septique grave", de la rage, du choléra ou de la peste.
pr-jf-abb-BC/alu/phc
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.