Mise en garde des gynécologues contre une "épidémie de césariennes"
Le nombre de naissances par césarienne a quasiment doublé dans le monde en quinze ans, de 12% à 21% entre 2000 et 2015, dépassant même 40% dans 15 pays, conduisant les gynécologues à s'interroger sur cette "épidémie", dans un dossier publié dans le Lancet vendredi.
On estime entre 10 et 15% la proportion de césariennes absolument nécessaires pour des raisons médicales. Mais 60% des 169 pays passés en revue se situent au dessus de cette fourchette tandis qu'un quart des pays sont en dessous, mettant en danger la mère et l'enfant, relève l'étude basée sur les chiffres de l'OMS et de l'Unicef.
Dans 15 pays, ce sont plus de 40% des naissances qui ont lieu par césarienne (République dominicaine, Brésil, Egypte, Turquie, Venezuela, Chili, Colombie, Iran etc.).
"La forte augmentation des césariennes -pour l'essentiel dans des environnements aisés et sans raison médicale - pose problème à cause des risques associés pour la mère et l'enfant", souligne la coordinatrice de l'étude Marleen Temmermann (Aga Khan University du Kenya et Université de Gand en Belgique).
"Dans les cas où des complications surviennent, les césariennes sauvent des vies et nous devons favoriser l'accès des femmes (à cette opération) dans les régions pauvres, mais nous ne devrions pas en abuser".
Les disparités sont écrasantes entre l'Afrique sub-saharienne (4,1% de césariennes) et l'Amérique latine et les Caraïbes où le taux atteint 44,3% en 2015.
En Asie, le recours aux césariennes a augmenté en moyenne de 6% par an, grimpant de 7,2% à 18,1% des naissances entre 2000 et 2015. En Amérique du nord (32% de césariennes en 2015) et en Europe occidentale (26,9%), la hausse est d'environ 2% par an.
L'étude du Lancet, basée sur des données collectées par l'OMS et l'Unicef, ne permet pas de d'expliquer cette hausse vertigineuse de césariennes dans certains pays.
Elle constate toutefois un lien avec le niveau de revenu et d'éducation des femmes: par exemple au Brésil, les césariennes concernent 54,4% des naissances pour les femmes à haut niveau d'éducation contre 19,4% pour les femmes moins éduquées.
- La France stable autour de 20% -
Dans les pays à bas et moyen revenu, les femmes les plus aisées ont six fois plus de probabilité de donner naissance par césarienne que les plus défavorisées, et les opérations sont 1,6 fois plus nombreuses dans les cliniques privées.
Le Congrès mondial de gynécologie et d'obstétrique réuni au Brésil avance plusieurs pistes dans le Lancet sur les raisons de cette "épidémie": une baisse de compétence du corps médical pour accompagner un accouchement potentiellement difficile par voie naturelle, le confort de la programmation des naissances de jour, des tarifs plus attractifs pour les médecins et cliniques en cas de césarienne...
En France, le taux de césarienne (20,4% en 2016) reste stable depuis 2010, "ce qui suggère une attitude générale tendant à limiter la réalisation de cette intervention", relève la dernière enquête périnatale publiée par le ministère de la Santé.
Cédric Grouchka, membre du Collège de la Haute autorité de santé française parle de "stabilisation à la baisse" et fait une distinction entre "les césariennes réalisées dans l'urgence, soit après un accouchement qui se passe mal soit au cours du travail, qui correspondent à 60% du total en France, les césariennes programmées pour raison médicale (40%) et celles programmées pour une raison non médicale, à la demande des femmes", qu'il estime à "moins de 1%".
Pour Jane Sandall, de King's College London, si certaines femmes font le choix d'une césarienne, c'est généralement par "peur de l'accouchement, parfois après une première expérience traumatisante". La qualité des soins et des locaux, qui doivent préserver l'intimité des femmes et permettre la présence d'un proche, sont essentiels face à ces craintes, juge-t-elle.
Le Congrès mondial de gynécologie (FIGO) préconise plusieurs pistes pour limiter l'abus de césariennes: pratiquer un tarif unique pour les naissances, césarienne ou non, obliger les hôpitaux à publier leurs statistiques, mieux informer les femmes des risques, améliorer la formation à l'accouchement naturel.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.