Nutri-score : "la santé publique a perdu face aux intérêts économiques" estime Serge Hercberg
Lors de l'examen du projet de loi agriculture et alimentation défendu par le ministre Stéphane Travert, les députés ont rejeté la mise en place du Nutri-Score sur les produits alimentaires. Ce dispositif devait permettre aux consommateurs de comparer la qualité nutritionnelle des aliments sous forme d'un classement (par une lettre, un chiffre ou un coloris), afin de rendre visuel et facilement accessible leurs qualités, ou défauts, nutritionnels.
Le professeur Serge Hercberg, président du Programme national nutrition santé (PNNS) qui défend la mise en place de ce dispositif, explique à France-Soir que le Nutri-Score"traduit ce qui est écrit sur l'étiquette, de façon illisible et incompréhensible, sous une forme compréhensible pour tous". Selon l'épidémiologiste, de très nombreux travaux scientifiques publiés tant français qu'internationaux confirment "que ce système est très efficace et surtout supérieur à tous les autres en termes de compréhension, perception, utilisation et impact sur la consommation des aliments achetés". "C'est vraiment un outil de santé publique utile", poursuit-il. Et d'ajouter: "il pousse les industriels à reformuler les aliments pour être mieux classés".
Serge Hercberg fait part de sa déception après le rejet de l'amendement sur la mise en place du Nutri-Score: "on peut légitimement s'interroger sur les lobbys très puissants qui se sont exprimés contre le Nutri-Score". "On a eu les chaînes de télévision, qui ont été jusqu'à écrire au Premier ministre, ainsi que certaines multinationales qui fabriquent des produits gras, sucrés et salés, et qui ne souhaitent pas une transparence sur la réalité de la composition nutrionnelle de leur produit" analyse-t-il. "Malheureusement, ces pressions, avec le chantage à l'emploi et tout un tas d'arguments discutables, ont fait perdre la santé publique par rapport aux intérêts économiques ", se désole le professeur.
Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert était opposé à rendre une telle mesure obligatoire, invoquant une possible contradiction avec le droit européen. Un argument qui laisse froid Serge Hercberg: "C'est un mensonge. Il n'y a pas du tout incompatibilité avec la règlementation européenne". "Le règlement InCo (Informations consommateurs, NDLR) empêche les Etats de rendre obligatoire l'imposition d'un logo sur l'emballage des aliments", concède-t-il, "mais il ne concerne pas la publicité". "De la même façon quand le ministre dit «il faut être prudent parce qu'en France le Nutri-Score est une expérimentation», c'est faux et Stéphane Travert le sait très bien puisqu'il a signé le 31 octobre un arrêté qui officialise ce système comme le logo officiel de la France", poursuit Serge Hercberg, qui ajoute que "l'Union européenne avait donné son aval sur cet arrêté".
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Pour le professeur, si d'autres lois pourront ouvrir des fenêtres d'actions possibles pour mettre en place le Nutri-Score, l'adoption de ce système pourrait aussi passer par une action de la société civile pour palier à un manque de volonté politique. "Si les firmes agro-alimentaires comme Coca-Cola, Pepsi, Nestlé ou encore Unilever refusent de mette le Nutri-Score, le consommateur pourra arbitrer ses choix. S'ils ne mettent pas ce système en place c'est qu'ils ont des choses à cacher. Le consommateur devra s'en souvenir au moment de ses achats", estime Serge Hercberg. Puis de conclure: "Les initiatives populaires, pétitions ou boycott peuvent permettre de contourner l'absence de volonté politique de certains de nos élus... ou ministres".
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