Respect des droits des femmes. L’agence de biomédecine encourage le don d’ovocytes, un protocole douloureux, dangereux pour la santé, parfois mortel.

Auteur(s)
Laurence Beneux
Publié le 19 avril 2024 - 16:08
Image
ovocyte
Crédits
Unsplash+
Le don d’ovocytes n'est pas un geste anodin et peut représenter des risques pour la donneuse
Unsplash+

« Aujourd’hui, en France, le nombre de dons d’ovocytes n’est pas suffisant pour répondre à la demande de toutes les personnes concernées », déplore l’Agence de la biomédecine dans sa brochure. Les « personnes concernées » sont, en France, les femmes ne produisant pas, ou trop peu, d’ovocyte. Alors l’institution multiplie les campagnes pour encourager les femmes âgées de 18 à 27 ans à faire des dons d’ovocytes, en oubliant d’insister sur un point : le don d’ovocytes est dangereux, souvent douloureux, et potentiellement mortel pour la donneuse.

Les femmes souhaitant devenir mères, mais souffrant de problèmes d’ovulation, doivent parfois attendre des années avant de bénéficier du don d’ovocytes qui leur permettra d’exaucer leur vœu de maternité. En cause, des dons insuffisants face à une demande croissante.

Alors, en octobre dernier, l’agence de la biomédecine a lancé une nouvelle campagne « Faites des heureux - #FaitesDesParents » pour encourager les femmes, et notamment les jeunes, à faire des dons d’ovocytes.

Les étudiantes sont clairement visées puisque, sur la page internet du site de l’agence dédiée à cette campagne, on peut lire le slogan « Vous ne voulez pas d’enfants #FaitesDesParents » suivi de « Lorsque l’on est étudiante, on n‘a pas forcément envie – du moins dans l’immédiat – d’avoir des enfants. Mais en donnant vos ovocytes, vous offrez à d’autres le bonheur d’être parents. »

 « Tant la stimulation que la ponction peuvent induire des complications dont certaines très sérieuses et des décès »

Ces encouragements à la générosité féminine ne poseraient pas de sérieuses questions éthiques si le don d’ovocytes était un geste anodin ne présentant pas de risque pour la donneuse. Mais c’est loin d’être le cas.

« Le recueil d’ovocytes nécessite une très forte stimulation hormonale ovarienne de la jeune donneuse avec de multiples ovocytes développés qui vont être récupérés par ponction », explique la gynécologue et endocrinologue Nicole Athéa dans l’ouvrage collectif Les marchés de la maternité publié aux éditions Odile Jacob.

Et « Tant la stimulation que la ponction peuvent induire des complications dont certaines très sérieuses et des décès ont été observés après des hyperstimulations sévères », ajoute la spécialiste, qui précise aussi que le jeune âge constitue « un risque supplémentaire de ce type d’accident ».

Les complications sévères sont de l’ordre de 0,5 % d’après l’agence de biomédecine qui les qualifie de rares. La rareté est une notion relative puisque 0,5 %, c’est beaucoup plus que le risque de mourir du Covid pour la tranche d’âge concernée, au plus fort de la crise… Précisons que l’Agence de biomédecine relève du ministère de la Santé.

Et reste à savoir ce que l’agence considère comme une complication « grave ». Elle mentionne l’hémopéritoine, défini comme « un saignement dans l’abdomen, très douloureux, qui survient après la ponction et qui est causé par un saignement de l’ovaire » et le syndrome d’hyperstimulation ovarienne, souvent très douloureux et qui peut parfois « se révéler sévère et nécessiter une hospitalisation ».

L’agence ajoute aussi que « d’autres complications, plus rares, existent ». Elle ne les précise cependant pas et encourage les candidates au don à « poser toute question utile » au médecin qui les recevra.

Au-delà des risques cités, on pourrait ajouter ceux liés à l’anesthésie générale ou locale, et ceux liés à une possible infection suite à la ponction et préciser que l’hémopéritoine est une hémorragie qui n’est pas seulement très douloureuse, elle peut entraîner la mort.

Des donneuses se plaignent d’avoir été mal averties des risques encourus.

La loi française impose que les dons soient gratuits, anonymes, et que les donneuses soient informées des risques encourus à court et long terme. Ce dernier point questionne d’ailleurs puisqu’un rapport, rendu récemment par une Commission interministérielle allemande, sur « l'autodétermination reproductive et la médecine de la reproduction », explique que s’il « n'est pas possible de prouver avec certitude s'il y aura des effets secondaires à long terme chez les donneuses d'ovules à partir des données actuelles », il ne dit pas pour autant qu’il est possible de prouver le contraire.

Et pour cause. La journaliste allemande Annika Roos, souligne dans le magazine Emma que « la médecine de la reproduction ne veut même pas collecter ces données » sur les effets indésirables à long terme. Elle insiste aussi sur le fait qu’il n'y a pas non plus « d'études à long terme sur la question de savoir si le traitement hormonal augmente le risque de cancer du sein de la donneuse ».

Il faut dire que le don d’ovocytes n’existe que depuis un peu plus de 30 ans. C’est de toute façon un peu juste pour avoir un recul à long terme en la matière.

En Allemagne, comme en Suisse, en Norvège ou en Lituanie, le don d’ovocytes demeure interdit.

En tout état de cause, des donneuses françaises ou étrangères, qui témoignent sur internet, décrivent une procédure douloureuse, et déplorent avoir été fort mal averties des risques, et notamment du risque létal, qu’elles prenaient. Une étudiante espagnole qui est passée à un cheveu de la mort explique d’ailleurs au magazine Emma qu’elle milite désormais pour l’interdiction du don d’ovocytes (dont la vente est autorisée en Espagne).

À LIRE AUSSI

Image
indienne
Tourisme médical. L’Inde investit dans la greffe d’utérus
Tandis que l’on fait subir des hystérectomies aux ouvrières des champs de cannes à sucre du Maharashtra en Inde, c’est tout l’inverse qui se pratique à 450 kilomètres ...
05 avril 2024 - 14:51
Société
Image
uterus
Greffe d’utérus. Les expérimentations se développent en France, malgré de nombreux problèmes éthiques.
Les expérimentations sur la greffe d’utérus se multiplient en Inde et aux États-Unis, mais aussi en Europe et notamment en France. Présentée comme une alternative à la...
12 avril 2024 - 16:15
Société
Image
 Entretien essentiel Marie-Joe Bonnet et Nicolas Athea
Entretien avec Marie-Jo Bonnet et Nicole Athea : "La transition de genre, c’est le cheval de Troie du transhumanisme”
ENTRETIEN - L’historienne féministe Marie-Jo Bonnet et la gynécologue-endocrinologue Nicole Athea interrogent ce qu’elles nomment une “épidémie de demandes de transiti...
05 mars 2024 - 10:49
Vidéos

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Lula
Lula Da Silva : une barbe cache-misère politique ou masque de l’autoritarisme ?
Luiz Inácio Lula da Silva est un personnage simple en apparence mais complexe en substance. Sous sa barbe blanche, ses fossettes et son sourire aux dents refaites, le ...
27 avril 2024 - 14:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.