Sécurité sociale : le retour dans le vert s'éloigne encore
Conséquence de la crise des "gilets jaunes" et d'une conjoncture économique moins bonne qu'espéré, les comptes de la Sécurité sociale ont replongé dans le rouge cette année, obligeant le gouvernement à repousser à 2023 le retour à l'équilibre, promis pour 2019.
Ce devait être l'année d'un historique retour à l'équilibre, attendu depuis 18 ans. En fin de compte, le déficit de la Sécurité sociale atteindra 5,4 milliards d'euros en 2019 et encore 5,1 milliards l'an prochain, selon le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) dévoilé lundi par le gouvernement.
Une lourde dégradation, en partie due à des prévisions trop optimistes: croissance, inflation et masse salariale n'ont pas augmenté autant qu'espéré, réduisant en proportion les recettes attendues.
L'ardoise a aussi grimpé à cause des "mesures d'urgence" (taux réduit de CSG pour certains retraités, exonération des heures supplémentaires) adoptées en décembre.
Contrairement au principe posé par la loi Veil de 1994, ces dépenses imprévues ne seront pas compensées par l'Etat, et la Sécu paiera plein pot la facture des "gilets jaunes".
"Nous avons pris des décisions qui sont coûteuses (...). Et comme nous ne l'avons pas intégralement compensé, cela se retrouve dans des déficits", a reconnu le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, tandis que le syndicat Force ouvrière accusait l'Etat de "mauvaise gestion".
Conséquence: le retour dans le vert promis pour 2019 est repoussé à 2023. Mais l'exécutif ne précise pas encore comment ni à quel rythme, entretenant le mystère sur ses prévisions de déficit à partir de 2021.
- Ombre sur les retraites -
Dans l'immédiat, ces choix plombent en particulier les résultats de l'assurance vieillesse, qui affichera un déficit de 2,1 milliards en 2019, puis 2,7 milliards en 2020.
En ajoutant le fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui finance les minima sociaux de la branche, la note gonflera à 4,4 milliards cette année et 4,1 milliards l'an prochain.
Là aussi, le gouvernement a péché par optimisme: les prestations ont été "plus dynamiques qu'anticipé", notamment à cause de la fin du relèvement de l'âge légal de départ, de 60 à 62 ans, décidé sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Emmanuel Macron ne s'est pas facilité la tâche en promettant pour 2020 de réindexer sur l'inflation les pensions inférieures à 2.000 euros par mois, mais aussi d'augmenter la retraite minimum pour une carrière complète à 1.000 euros.
Deux mesures dont le coût total est estimé à 1,5 milliard d'euros par la commission des comptes, qui ne chiffre pas encore la réindexation de toutes les pensions de retraite à partir de 2021, également annoncée par le chef de l'Etat.
Une ombre plane désormais sur les retraites, alors que l'exécutif vient de lancer une nouvelle phase de concertation sur la réforme "systémique" voulue par M. Macron, qui vise un retour à l'équilibre financier d'ici 2025, date programmée de la mise en place du futur "régime universel".
- Coups de rabot -
Ecartées dans le budget 2020, les mesures dites "paramétriques" sur l'âge de départ et la durée de cotisation pourraient ressurgir dans le rapport commandé au Conseil d'orientation des retraites (COR), qui devra d'ici fin novembre évaluer "l'ampleur des mesures" nécessaires au redressement des comptes.
En attendant, le gouvernement a de nouveau sorti le rabot pour limiter les pertes. Comme en 2019, les allocations familiales et les retraites supérieures à 2.000 euros n'augmenteront que de 0,3%, bien en deçà de l'inflation. Une "revalorisation maîtrisée" qui réduira les dépenses de 500 millions d'euros, selon Bercy.
Côté recettes, 400 millions supplémentaires sont attendus du "plafonnement" de la déduction forfaitaire spécifique, une niche sociale qui réduit les cotisations patronales dans le BTP, l'aviation ou les médias.
Trop peu toutefois pour desserrer l'étau sur les dépenses de santé, dont la progression restera limitée à 2,3%, quand leur progression naturelle serait plutôt de l'ordre de 4,5% en raison du vieillissement de la population et de l'augmentation des maladies chroniques.
Une différence équivalente à 4,2 milliards d'euros d'économies tous azimuts (hôpitaux, médecins libéraux, médicaments...) dans un secteur où les foyers de tensions se multiplient (urgences, psychiatrie, Ehpad...).
Pour se donner de l'air, certains députés de la majorité voulaient allonger le remboursement de la dette - le "trou de la Sécu". Mais le gouvernement a maintenu l'échéance à 2024.
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