Reconnaissance faciale : la startup américaine Clearview AI écope d’une amende de 30,5 millions d’euros aux Pays-Bas pour collecte “illégale” d’images
Une nouvelle amende pour Clearview AI. La société américaine de reconnaissance faciale a écopé mardi 03 septembre 2024 d’une pénalité de 30,5 millions d’euros de la part du régulateur néerlandais de la vie privée, pour avoir créé une base de données illégales contenant plus de 30 milliards de photos de personnes, sans leur permission. Clearview AI se défend en affirmant ne proposer ses services ... qu’aux agences de renseignement et d’enquête en dehors de l’Union européenne (UE) ... “C’est déjà assez grave”, martèle l’autorité néerlandaise.
Fondée en 2017 et financée initialement par Peter Thiel, milliardaire et membre du conseil d’administration de Facebook, Clearview AI est une startup américaine spécialisée dans la reconnaissance faciale, principalement destinée aux agences gouvernementales et aux forces de l'ordre. Son logiciel utilise un algorithme pour comparer des visages à une base de données comportant plusieurs dizaines de milliards d’images, récupérées, selon ses dires, sur le web.
Plusieurs sanctions en France et ailleurs
Contrairement à sa communication officielle, des sociétés privées comme Walmart ou la National Basketball Association ont fait appel à ses services, que Clearview AI a aussi bien proposé à des pays européens, sud-américains ou à des gouvernements du Moyen-Orient.
Une enquête du New York Times en 2020 dévoilait que l’outil était très populaire chez les forces de police locales aux États-Unis. Plus de 600 services avaient recours à ce logiciel, poussant même Twitter, Google ou YouTube à demander à Clearview AI de cesser de collecter les images de personnes à leur insu. “Google peut extraire des informations de tous les sites Web différents. Donc, si c'est public, cela pourrait être dans le moteur de recherche de Google, cela pourrait être dans le nôtre aussi”, se défendait ainsi Hoan Ton-That, fondateur de la startup.
Pas de quoi convaincre plusieurs pays, à commencer par la France. En octobre 2022, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a infligé à Clearview AI une amende de 20 millions d'euros pour traitement illégal de données personnelles, non-respect des droits des individus, et manque de coopération avec l'autorité de régulation. Clearview AI a été sommée de cesser de collecter et de traiter les données des personnes résidant en France sans base légale et de supprimer les données déjà collectées. En avril 2023, une pénalité supplémentaire de 5,2 millions d'euros a été imposée pour non-conformité à l'ordre initial.
Avant Paris, Canberra jugeait en 2020 la société américaine pour violation de la loi australienne sur la protection de la vie privée pour avoir collecté des images faciales sans consentement, ce qui constitue une collecte d'informations sensibles. L'Office of the Australian Information Commissioner (OAIC) a déterminé que Clearview AI avait un "lien australien" et était donc soumise à la loi australienne sur la vie privée, malgré l'absence de bureaux ou de serveurs en Australie.
“30 milliards de photos de personnes” collectées sans leur permission
Une nouvelle amende vient s’ajouter à cet outil très controversé. Le régulateur néerlandais de la vie privée (AP) a infligé mardi 03 septembre 2024 une nouvelle amende à Clearview AI, d’un montant de 30,5 millions d’euros. “Clearview dispose d'une base de données contenant plus de 30 milliards de photos de personnes sans que ces gens ne le sachent et sans leur permission”, a dénoncé cette autorité. Amsterdam justifie sa pénalité par le fait que “des photos de Néerlandais se trouvent dans la base de données illégale”.
AP a par la même occasion ordonné la fin des pratiques de la startup américaine, la menaçant d’une astreinte maximale de 5,1 millions d’euros en plus de l’amende. “La reconnaissance faciale est une technologie très radicale, qu'on ne peut pas simplement rendre accessible à tout le monde”, encore moins par des entreprises commerciales, explique Aleid Wolfsen, président du régulateur, dans un communiqué.
La startup se défend en affirmant fournir des services uniquement aux forces de l’ordre ainsi qu’aux agences de renseignement hors UE, ce qui est “déjà assez grave”, rétorque le même juriste.
“Nous devons tracer une ligne très claire lorsqu'il s'agit d'une utilisation incorrecte de ce type de technologie”, alerte-t-il. Certes, “la reconnaissance faciale peut contribuer à la sécurité et des enquêtes sur les criminels par les autorités officielles. Mais elle ne devrait certainement pas être gérée par une société commerciale”, a-t-il écrit.
Pour AP, “Clearview viole la loi et l'utilisation des services de Clearview est donc illégale. Les organisations néerlandaises qui utilisent Clearview peuvent donc s'attendre à de lourdes amendes”, avertit Aleid Wolfsen.
La même autorité néerlandaise fait remarquer que malgré les multiples sanctions écopées par Clearview AI, y compris aux Royaume-Uni ainsi qu’en Italie, “l'entreprise ne semble pas changer de comportement”.
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