Twitter Files, partie 14 : comment des démocrates ont propagé un “hoax” sur le RussiaGate malgré l’absence de preuve

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France-Soir
Publié le 17 mars 2023 - 18:58
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Angela Weiss - AFP
Twitter n'a pas réussi à dissuader les Démocrates d'accuser sans preuves tangibles
Angela Weiss - AFP

#TwitterFiles - Matt Taibbi poursuit ses révélations sur les prétendues ingérences russes dans les élections américaines de 2016. Dans un thread publié en janvier 2023, le journaliste raconte l’un des “mensonges du RussiaGate” : comment des représentants démocrates du Congrès américain et des médias mainstreams ont délibérément ignoré les avertissements de Twitter, “martelant” sans preuve tangible que des “bots russes” étaient derrière des hashtags visant à discréditer les agences de renseignement américaines.

Janvier 2017. Le site Internet Buzzfeed divulgue le "dossier Steele", commandé par les Démocrates, qui accuse Donald Trump d’avoir bénéficié d’une campagne d’ingérence russe avant son élection en 2016. Le dossier fait état d’une collaboration étroite entre des Russes et l’équipe du candidat républicain afin de saboter la campagne de son adversaire démocrate, Hilary Clinton. À l'origine du dossier, Christopher Steele, ancien agent britannique du contre-espionnage, dont une des sources, Igor Danchenko, a été inculpée en novembre 2021 par le département américain de la Justice de cinq chefs d'accusation, dont  faux témoignage dans le RussiaGate. 
 

Preuves ou pas, des Démocrates accusent des bots russes


En janvier 2018, le représentant républicain Devin Nunes soumet une note à la commission du renseignement du Congrès des États-Unis. Elle détaille les abus commis par le FBI, sur la base du "dossier Steele", pour obtenir un mandat FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) contre Trump et son entourage. Une note dont le contenu est “entièrement confirmé par le rapport de l’inspecteur général du Département de la Justice, Michael Horowitz en décembre 2019”, précise Matt Taibbi.

Le hashtag #ReleaseTheMemo (Dévoilez la note, NDLR) est lancé le 19 janvier sur Twitter pour demander la publication de la note accusant le FBI.

Dans la foulée, des élus démocrates, Dianne Feinstein et Adam Schiff, publient une lettre ouverte, adressée à Jack Dorsey et à Mark Zuckerberg, dans laquelle ils affirment que la campagne #ReleaseTheMemo “aurait obtenu une attention et une aide immédiates sur les réseaux sociaux de la part de comptes liés à des influences russes”. De leur avis, la note de Devin Nunes “a déformé” des informations classées. Un autre sénateur démocrate, Richard Blumenthal, dénonce dans une seconde lettre à Jack Dorsey le fait “répréhensible que des agents russes aient manipulé d’innocents Américains”.

Matt Taibbi explique que la source de ces trois élus démocrates et des médias est le Hamilton 68 Dashboard, une plateforme d’analyse de données créée par Clint Watts, ex-employé du FBI, sous l’égide de l’Alliance for Securing Democracy (ASD), jeune organisation créée après le RussiaGate. Cette entité, qui a abouti aux conclusions selon lesquelles des bots russes étaient derrière le hashtag #ReleaseTheMemo, reste vague sur ses moyens d’enquête. Et "personne ne vérifie leurs conclusions auprès de Twitter", note le journaliste.

Emily Horne, une des responsables en chef de la communication de Twitter, invite ses équipes au scepticisme. Selon elle, il n'existe aucun indice que des bots russes influencent la campagne #ReleaseTheMemo. Elle parle de “coup de com” de l'ASD, qui n'a pas accès au données internes de Twitter, et peut difficilement affirmer quoi que ce soit sur l'origine des comptes. “Si l’ASD ne vérifie pas les faits avec nous, nous devrions nous sentir libres de rectifier les conclusions de leur travail”, abonde un autre employé de Twitter, Carlos Monje.

Roth Yoel, responsable de l’équipe de modération, prend le relais et explique à ses collègues avoir passé en revue les comptes qui ont écrit les 50 premiers tweets portant le hashtag #ReleaseTheMemo : “Aucun d’eux ne montre des signes d’affiliation avec la Russie. Nous avons enquêté et trouvé que la participation à ce hashtag provenait surtout d’utilisateurs très suivis (Very Important Tweeters), dont WikiLeaks et le représentant républicain Steve King”.

La même équipe chez Twitter prend contact avec le personnel de la sénatrice Dianne Feinstein. Un de ses collaborateurs admet “qu'il serait utile de connaître comment Hamilton 68 a abouti ses conclusions”. Twitter prend également contact avec un collaborateur du sénateur Richard Blumenthal pour l'avertir que les enquêtes internes du réseau social ne démontrent l’existence d’aucun bot russe. “Cela vaut peut-être le coup de prévenir le personnel de Blumenthal que c’est dans l’intérêt de son patron qu’il ne devrait pas poursuivre dans cette voie, car cela pourrait le faire paraître idiot", estime même un membre de Twitter.

Matt Taibbi rapporte que le sénateur du Connecticut, Richard Blumenthal, a préféré entraîner Twitter dans un “cercle sans fin” de requêtes sur d’éventuelles influences russes, sans jamais accepter “de solutions réelles et nuancées”. “Il veut juste obtenir du crédit pour avoir fait pression sur nous”, estime encore Carlos Monje.
 

“Malhonnêteté avide des politiciens et des journalistes”


Mais malgré leur conviction de ne pas avoir eu affaire à des bots russes, “Twitter a continué à suivre un modèle servile et de ne pas contester les affirmations sur une implication russe”, explique le journaliste dans son thread. Les avertissements aux politiciens démocrates n’auront pas dissuadé ces derniers de publier leurs lettres, ni les médias comme AP, Politico, NBC ou encore Rolling Stone, de “marteler” l'histoire des bots russes.

Les Russes n'ont pas été blâmés seulement pour la campagne #ReleaseTheMemo. Les hashtags #SchumerShutdown, #ParklandShooting et #GunControlNow ont aussi été accusés d'être soumis à des influences russes, alors qu'en interne, Twitter savait que ce n'était pas le cas.

Pour finir, Matt Taibbi explique avoir sollicité, sans succès, les trois politiciens démocrates afin d'obtenir un commentaire sur ses révélations. Devin Nunes, auteur de la note au Congrès, enfonce le clou : ”En propageant le mensonge de la collusion russe, ils ont créé une des plus grandes hallucinations collectives de l'histoire américaine.” Le scandale de Russiagate a été construit sur la malhonnêteté avide des politiciens et des journalistes”, déplore enfin Matt Taibbi.

De nombreux élus démocrates ont exigé la poursuite des investigations, faisant pression sur Twitter, l’obligeant à mettre sur pied une “task force”. Les investigations se sont encore révélées infructueuses, comme révélé dans la partie 11 des Twitter Files.

Les éventuelles interférences russes dans l’élection de Trump ont également fait l’objet d’une enquête officielle de la part du Congrès. En mars 2019, l'enquête conclut qu'il n'existe pas de preuve d’une collaboration entre l’équipe de Donald Trump et la Russie.

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