Réforme : le permis de conduire en révision

Auteur(s)
Amandine Zirah
Publié le 16 mai 2014 - 18:38
Mis à jour le 05 novembre 2014 - 18:41
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Le permis de conduire.
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Lcham/Sipa
Le permis de conduire est sur le point d’être réformé.
Lcham/Sipa
Attente interminable, tarifs abusifs, inégalités entre les départements: le permis de conduire est devenu un sujet de préoccupation pour le gouvernement. Alors que les candidats ont de plus en plus de mal à obtenir le «papier rose», un rapport d’experts a émis certaines pistes pour rendre l’examen plus accessible… ou presque.

Trop cher, trop lent, trop compliqué: le permis de conduire est sur le point d’être réformé. Dans un rapport remis le 22 avril au nouveau ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, certaines pistes ont été ébauchées pour repenser le permis dans sa globalité. 

Alors que les auto-écoles se sont engorgées dans les années 2000, après la disparition du service militaire et l'allongement de la durée de l'épreuve, Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, avait missionné en septembre dernier un groupe d'experts pour fluidifier le système.

Plus d’inspecteurs

Composé de membres de la commission "Jeunes et éducation routière" du Comité national de la sécurité routière (CNSR), de responsables d'écoles de conduite, d’usagers, d’inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière, le groupe de réflexion a travaillé sur plusieurs pistes, qui devraient être rendues public dans les prochains jours. Mais certaines ont fait l'objet de fuites dans la presse. L’un des objectifs principaux: réduire les délais d’attente jugés interminables. 

Une réalité qui n’a pas échappé à François Hollande qui a promis de réformer le permis de conduire, le 6 mai dernier, lors d’une visite consacrée à la jeunesse et à l’apprentissage à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise).

Ces dernières années, les délais de passage du permis de conduire se sont considérablement allongés en France. En 2013, les 530.000 recalés du premier tour (40% des candidats) ont dû patienter en moyenne 98 jours avant de pouvoir se représenter, soit un peu plus de trois mois. Un délai jugé trop long, qui atteint même les 120 jours dans certains départements comme les Côtes-d’Armor (30 à 40 jours dans les autres pays européens). 

Outre la patience dont les candidats doivent faire preuve, cette attente a un coût prohibitif puisqu’elle les oblige à financer des leçons supplémentaires pour se maintenir à niveau. Un surcoût financier chiffré à 500 euros en moyenne.

Pour mettre un frein à cette attente, l’une des idées avancées par la commission d’experts consiste à augmenter le nombre de places d’examen, notamment grâce à l’embauche de nouveaux inspecteurs. Les experts évaluent à 150 les postes supplémentaires nécessaires. Mais pour financer ces embauches, le rapport propose de rétablir le droit d’examen supprimé en septembre 1998. L’examen de passage redeviendrait donc payant.

Cela représenterait une somme de 35 à 40 euros (250 francs à l’époque, avant 1998), payée par l’intermédiaire de timbres fiscaux, qui viendrait s’ajouter aux 1.500 euros que coûte en moyenne le permis de conduire. Si, selon le ministère, cette somme est dérisoire par rapport aux coûts des délais d’attente pour repasser son permis (500 euros en moyenne), cette mesure passe mal auprès des associations de consommateurs. "Le problème est que l’on va transformer cette épreuve en un luxe, alors que le permis c’est tout sauf ça. Réfléchissons à un autre mode de facturation, à un autre mode de financement", explique à FranceSoir Olivier Gayraud, chargé de mission à la CLCV (Consommation Logement et Cadre de Vie). 

Si cette recommandation pourrait régler en partie le problème des délais d’attente selon le groupe d’experts, elle ne pourra être efficace qu’après une redéfinition des tâches des inspecteurs. A l’heure actuelle, selon les chiffres de la Délégation à la sécurité et la circulation routière, 1.289 inspecteurs seraient opérationnels en France pour faire passer le permis de conduire. 

Bien qu’en nombre insuffisant, tous ne travaillent pas à plein temps et beaucoup ne consacrent que la moitié de leur temps à examiner les candidats. L’autre moitié étant consacrée essentiellement à des tâches administratives ou de contrôle, comme l’examen du code de la route. "L’embauche d’inspecteurs réglerait le problème. Mais si c’est pour qu’ils ne travaillent qu’à 40% de leur temps pour examiner, on ne va pas régler la situation. Si les inspecteurs examinaient à 85 voire à 90% de leur temps, il n’y aurait pas de problème de délais", explique à FranceSoir Alain Duneufjardin, secrétaire général de l’ECF (Ecole de Conduite Française).

Enseigner la conduite plus tôt

Ainsi, pour parvenir à réorganiser le temps de travail des inspecteurs, la commission préconise de rappeler, sur la base du volontariat, des examinateurs fraîchement retraités pour faire passer l’examen théorique du code, ou bien de déléguer la surveillance des épreuves théoriques à des agents assermentés. Une mesure qui permettrait aux examinateurs en activité de se consacrer uniquement au passage des épreuves pratiques. 

"Le code est un examen totalement automatisé. Il suffit d’appuyer sur un bouton. Il y a juste besoin d’une personne qui surveille que le candidat ne triche pas. Aujourd’hui le code est assuré par un inspecteur du permis de conduire qui n'a aucune valeur ajoutée sur cette épreuve", pointe Olivier Gayraud.

Si le rapport tente de diminuer les délais d’attente excessifs du permis de conduire, il vise aussi à réduire l’accidentalité des jeunes conducteurs. Aujourd’hui, 25% des accidents corporels sont causés par les nouveaux détenteurs du papier rose. Pour remédier à ces mauvais chiffres, le rapport valorise la conduite accompagnée, insuffisamment utilisée par les jeunes et leur famille. L’objectif: renforcer la formation, en enseignant la conduite plus tôt dès 15 ans, au lieu de 16 aujourd’hui. 

Une mesure qui n'aura, selon Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, qu'un impact sur 50% des cas. "Quand on analyse les causes de mortalité chez les jeunes au volant, dans la moitié des cas, le problème vient de l’alcoolémie. Donc, sur 50% des cas, ça n’aura aucun impact", explique-t-il à FranceSoir.

Au-delà de l'accidentalité, la conduite accompagnée peut s’avérer moins coûteuse qu’une formation basique. Accessible à partir de 16 ans, cette formation payante se déroule en trois étapes: 20 heures de conduite en auto-école, au moins 3.000 kilomètres parcourus avec une personne accompagnatrice, et une présentation à l’épreuve pratique. 

Si au départ, cette formule peut sembler plus chère (1.100 euros en moyenne) qu’un simple forfait 20 heures (1.000 euros en moyenne), ce surcoût initial est au final compensé par une meilleure réussite à l’examen: 70% des jeunes qui choisissent la conduite accompagnée obtiennent leur permis du premier coup, contre près de 50% pour l’apprentissage classique. Ces derniers évitent ainsi les surcoûts imposés par l’échec. 

Pour Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, cette mesure pourrait s’avérer «inadaptée» en raison du manque de maturité des jeunes de cet âge. Néanmoins, elle souhaiterait que le code de la route "soit enseigné dans les établissements scolaires".

Label qualité

Et ce n’est pas tout. Si la commission de réforme du permis de conduire valorise l’apprentissage de la conduite dès le plus jeune âge, elle souhaite aussi mettre en place une formation de deux ans après l’obtention du "papier rose". Une "période probatoire" avant la délivrance définitive du permis. "Tous les conducteurs novices seraient assujettis au suivi d'une formation obligatoire durant la période probatoire préalable à la délivrance du permis", souligne le rapport. A l’heure actuelle, deux ou trois rendez-vous pédagogiques, dont le contenu et les modalités restent encore à définir, sont à envisager.

Une mesure jugée incohérente, selon Pierre Chasseray. "Déjà que le permis de conduire est une contrainte énorme, si en plus de ça, on met aux jeunes des espèces de formations, de post-formations, de choses qui sont extrêmement lourdes et contraignantes, on va se retrouver dans un système où finalement plus personne ne passera le permis", dit-il, regrettant que les nouvelles technologies soient totalement absentes de la formation pratique. "Il y a une carte extrêmement intéressante à jouer et on ne le fait pas. L'intégration du simulateur de conduite permettrait d'appréhender une multitude de situations en délivrant seulement cinq heures aux candidats, en complément bien sûr".

Une des dernières idées avancées par la commission serait d’améliorer la transparence des auto-écoles afin que les clients puissent plus facilement comparer les tarifs. 

Le rapport préconise également la création d’un label qualité qui permettrait aux consommateurs de connaître le taux de réussite de l’école de conduite et de faire un tri au-delà des simples tarifs. Une mesure approuvée par Olivier Gayraud. "Ce que nous demandons, c’est que les tarifs soient présentés de manière standardisée. La présentation doit être la même, de manière à ce qu’un jeune puisse comprendre facilement combien ça va lui coûter et surtout à ce qu’il puisse facilement comparer. Un affichage sur les prix qui soit accompagné par un indicateur de qualité, pour aider les gens à choisir".

Si la réforme du permis de conduire ne voit pas encore le bout du tunnel, elle est pour certains sur la bonne voie. Le Sénat a d’ailleurs adopté le 30 avril une proposition de loi ajoutant une formation aux premiers secours dans le cadre de la préparation au permis de conduire. Une mesure qui pourrait, selon les experts, sauver 300 vies sur les routes chaque année. Si le texte doit encore recevoir l'aval de l'Assemblée nationale, il est approuvé par nombre de professionnels de la route. "Cette formation est indispensable. En cas d’accident, il faut savoir protéger la victime et le lieu d’accident afin d'éviter le sur-accident. Tous les gestes de premiers secours doivent être connus de tous", conclut Chantal Périchon. Prochaine étape de cette réforme du permis: le ministère de l'Intérieur devrait soumettre un projet de loi, qui pourrait être discuté au Parlement d'ici la fin de l'année.

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