Nouvelles vignes, nouveaux vins : un bouleversement en Europe ?
Il peut être blanc ou rouge, fruité ou très tanique, sec ou liquoreux. De quoi parle-t-on? Du vin et de toutes ses variétés en France et en Europe. Car depuis des centaines d’années, le vin est l’une des boissons les plus consommées dans l’Union européenne avec pas moins de 119 millions d’hectolitres de vin bu en 2013. Un chiffre qui n’est pas négligeable puisque l’Europe est le plus gros producteur de vin au monde. Elle possède 58% de la production mondiale dont les deux tiers sont consommés à l’intérieur du continent. Si à cela, on ajoute que le nombre de vignes cultivées en Europe se monte à 3,4 millions d’hectares soit treize fois la superficie du Luxembourg, il n’est pas étonnant que la Commission européenne se soit saisie du sujet. Dernières nouveautés datant de 2016: la création d’un nouveau label, les vins sans indication géographique (VSIG), et l’autorisation de planter plus facilement de nouvelles vignes.
Car, si la tradition vitivinicole est importante en Europe, celle-ci est extrêmement diversifiée en fonction des pays que ce soit dans sa consommation que dans la manière de créer un vin. Par exemple, si le Luxembourg et l’Allemagne pratiquent la chaptalisation, c’est-à-dire le fait d’ajouter du sucre dans le processus de production du vin, du fait des conditions climatiques, ce n’est pas le cas en France ou en Italie. Et ces divergences se voient sur d’autres sujets comme les normes liées à la plantation de vignes ou aux utilisations de cépages. Il fallait donc que la Commission européenne s’attaque au problème, ce qu’elle fit dès 1962 où la politique viticole intègre la Politique agricole commune (PAC) et en est même le premier bénéficiaire. Mais ce sera à partir de 1970 qu’une véritable stratégie sera mise en place avec la création d’un marché vitivinicole européen commun possédant une approche très large pour satisfaire tous les États-membres.
Les questions sur le sujet sont multiples: rachat des excédents de vins produits, politique d’arrachage des vignes, mise en place de règles plus strictes dans la fabrication de vin... Depuis une cinquantaine d’année, la Commission européenne tente de diminuer la production de vin et de mettre un terme aux pratiques les moins efficaces pour privilégier la qualité. Les buts affichés: maintenir une forte qualité des vins européens notamment espagnols, italiens et français (les trois plus grands producteurs) face à la concurrence étrangère montante et assurer les citoyens de la valeur des produits proposés. Pour cela, l’Union européenne a mis en place tous les dix ans des règlements visant à uniformiser le secteur vitivinicole tout en gardant les différentes spécificités régionales. C’est notamment le cas via la création en 1992 de deux labels certifiant la qualité des produits agricoles: l’Appellation d’Origine Protégée ou AOP (en France les vins peuvent garder leur appellation nationale AOC pour Appellation d’origine contrôlée) et les Indications géographiques protégées ou IGP. En 2013, on comptait selon le site E-Bacchus pas moins de 1291 AOP et 459 IGP de produits viticoles.
De jolis chiffres qui prouvent la qualité du vin européen. Pourtant, les nouvelles réformes de la Commission européenne initiées en 2008 inquiète quelque peu les vignerons concernant la réputation des vignobles européens dans le monde. Pourquoi? Car depuis le 1er janvier 2016, la plantation de nouvelles vignes est autorisée partout sur le territoire européen, même les moins propices, à condition que cette augmentation ne dépasse pas 1% du total de la surface viticole du pays concerné. La crainte est donc que ces nouvelles vignes ternissent l’image de produits régionaux comme les AOP ou les IGP. Pour éviter une telle confusion, un nouveau label a été créé: les vins sans indication géographique (VSIG). En France, ce type de vin existe déjà sous le nom de vins de table. Et certaines personnes accueillent même la nouvelle avec plaisir. C’est notamment le cas de Patrice Bersac, président de l’association des vignerons franciliens. Il précise ainsi que "la mesure était attendue de longue date". En Normandie, l’avis est plus nuancé mais tout de même positif: Gérard Samson, unique vigneron de la région, reconnaît que "pour les zones non viticoles, cela va donner un peu d’air", mais que le risque est désormais "de produire de très mauvais vin pour de pures raisons commerciales".
Pour autant, si certaines régions, comme la Champagne, sont très mécontentes d’un tel changement, il ne faut pas tirer la sonnette d’alarme trop vite. Tout d’abord car tout le monde ne sera pas forcément intéressé par des vins sans indication géographique (IG) situés en Auvergne ou en Bretagne par rapport à des vins plus réputés. Et d’autre part parce que les systèmes d’autorisations devraient rester sévèrement encadrés. C’est notamment le cas des AOP qui sont "protégées dans le cadre de ce nouveau système d'autorisation de plantation", puisqu’elles gardent "un régime distinct concernant les droits de plantation et l'extension de leurs surfaces plantées" comme le précise Damian Ciolos, membre de la Commission européenne lors d’un débat sur l’avenir du secteur vinicole le 24 octobre 2013 au Parlement européen.
Enfin, Jérôme Despey, président de la Commission Vin à France Agrimer (office appliquant en France les règles de la PAC et donnant les autorisations de plantation) tente de rassurer vignerons et consommateurs européens: "France Agrimer regardera de près les risques de détournement de notoriété ou de dérèglement de marché existant". Ainsi, bien que ces nouvelles règles soient en vigueur, les pays européens gardent leur mot à dire et pourront toujours protéger leurs vignobles et leurs appellations. Il ne reste maintenant plus qu’à savoir quels seront les répercussions de ces nouvelles vignes au niveau des prix et du goût pour les amateurs de vins.
(Avec la contribution de la Maison de l’Europe de Paris):
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