TTIP-TAFTA : le traité transatlantique a du plomb dans l'aile
Mal engagé, contesté par les opinions publiques et même remis en cause par des ministres allemand et français, le projet de traité de libre-échange transatlantique (TTIP) a du plomb dans l'aile, même si certains pays s'efforcent de les réanimer.
"Qu'un ministre dénonce ouvertement le TTIP, cela pose déjà de sérieux doutes sur son avenir. Mais qu'un second ministre fasse de même, cela pourrait être le coup de grâce, surtout s'ils représentent tous deux l'Allemagne et la France, les deux principales économies européennes", explique Daniel Bosgraaf, économiste de la banque ING.
Pour lui, le TTIP (Transatlantic Trade Investment Partnership, également connu sous un autre acronyme anglais, Tafta), fortement contesté par l'opinion publique tant en France qu'en Allemagne, "reste ainsi difficilement à flot", après avoir reçu deux attaques frontales en moins de 48 heures.
"L'état des négociations ne permet pas d'accord", a d'abord jugé dimanche le vice-chancelier social-démocrate allemand Sigmar Gabriel, également ministre de l'Economie. Le porte-parole du gouvernement assurait toutefois lundi que Berlin souhaitait la poursuite des pourparlers. "Il faut un coup d'arrêt clair et définitif à ces négociations pour repartir sur de bonnes bases", a renchéri mardi le secrétaire d'État français au Commerce extérieur Matthias Fekl.
Les négociations, lancées il y a trois ans, "ont du plomb dans l'aile et il va être difficile de les mener au bout", a affirmé à l'AFP Sylvie Matelly, directrice adjointe de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), pour qui les difficultés remontent à l'origine même des pourparlers.
"Ce traité a été très mal engagé. Il a été mal présenté et a fait polémique dès le départ", selon elle, car "les négociations ont toujours achoppé sur des différences de vue et sur un manque de pédagogie, de transparence sur ce qui allait être négocié".
Négocié dans le plus grand secret par le gouvernement américain et la Commission européenne, l'accord vise à supprimer les barrières commerciales et réglementaires de part et d'autre de l'Atlantique pour créer une vaste zone de libre-échange censée doper l'activité économique. Le but était de "rendre les produits européens et américains plus compétitifs et capables de concurrencer" ceux de la Chine, précise Mme Matelly.
Les partisans de l'accord assurent qu'il permettrait aux Etats-Unis et à l'UE d'imposer leurs critères et leurs normes dans le commerce international. Ses détracteurs reprochent au contraire aux Etats-Unis de ne pas vouloir garantir les appellations d'origine protégée (AOP) et s'insurgent contre la mise en place de mécanismes d'arbitrage qui feraient fi des règlementations sociales ou environnementales nationales, au profit exclusif des multinationales.
Aujourd'hui, le projet de traité devient "un boulet" pour les gouvernements à l'approche d'importantes échéances électorales aux Etats-Unis, en France ou encore en Allemagne, souligne Sébastien Jean, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).
"En France, je pense qu’il y a un peu la notion que personne ne va gagner une élection en défendant le TTIP. En revanche, on peut la perdre", explique-t-il. Une situation qui se répète dans d'autres Etats, selon M. Bosgraaf.
"Même si la Commission européenne garde toujours son mandat de négociation, il est difficile de croire qu'elles se poursuivront sans le soutien de l'Allemagne et de la France, d'autant plus qu'il y aura des élections dans ces deux pays en 2017", explique l'économiste. "Et même si les ministres européens décident à Bratislava à la mi-septembre de poursuivre les négociations, il y a de sérieux doutes sur la viabilité de cet accord commercial", prévient-il.
Outre-Atlantique, Barack Obama souhaite boucler l'accord avant son départ de la Maison blanche en janvier. Mais "ni Donald Trump, ni Hillary Clinton ne soutiennent cet accord commercial", rappelle M. Bosgraaf.
Ceux qui ont lancé les négociations "ont mal anticipé le fait que dans la période post-crise de 2008, l'idée de libéraliser encore plus, de déréguler encore plus, allait mal passer auprès des opinions publiques", constate de son côté Mme Matelly.
De plus, la décision britannique de quitter l'UE en juin plaide plutôt pour "une nouvelle orientation de ce que devrait être l'Europe, ce qui ne devrait probablement pas aller vers plus de libéralisme économique", estime-t-elle.
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