Un "nouvel accord" sur l'Iran, le pari de Macron pour gagner du temps

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Par Francesco FONTEMAGGI - Washington (AFP)
Publié le 25 avril 2018 - 22:52
Mis à jour le 26 avril 2018 - 06:00
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Pour surmonter leurs divergences sur l'Iran, Emmanuel Macron propose à Donald Trump un "nouvel accord" au-delà des seules questions nucléaires. Mais les inconnues l'emportent sur les chances d'aboutir, et ce pari semble voué à gagner du temps et à préparer l'avenir en cas de retrait américain.

- Quelles divergences? -

Les Etats-Unis et la France ont signé en 2015, avec l'Iran mais aussi la Russie, la Chine, l'Allemagne et le Royaume-Uni, l'accord censé empêcher Téhéran d'avoir l'arme atomique.

Mais l'actuel président américain a promis de "déchirer" ce texte, auquel il reproche de ne faire que repousser de quelques années l'échéance d'une bombe iranienne. Il a donné jusqu'au 12 mai aux signataires européens pour trouver, avec Washington, des solutions pour le "durcir" -- sans impliquer l'Iran. Faute de quoi, il rétablira les sanctions américaines, synonyme de mort probable pour l'accord iranien.

Les Européens jouent le jeu en négociant des solutions avec les Etats-Unis. Objectif: sauver l'accord lui-même.

- Que propose Macron? -

Avec son "nouvel accord" plus "large" présenté mardi, le président français "présente intelligemment le même problème d'une manière différente", dit à l'AFP Behnam Ben Taleblu, du groupe de pression Foundation for Defense of Democracies très en pointe dans la critique du pacte de 2015.

Ces nouvelles négociations devraient porter sur les préoccupations exprimées par Donald Trump, mais en préservant l'accord d'origine qui deviendrait le premier des "quatre piliers" d'un futur texte. Les autres "piliers" concernent l'après-2025, quand certaines clauses vont expirer, mais aussi les missiles balistiques très controversés de Téhéran et son rôle jugé "déstabilisateur" dans la région.

Principale nouveauté: il ne s'agit plus de rustines discutées entre Occidentaux, mais d'une vraie négociation impliquant l'Iran et les autres puissances. "Il est nécessaire de négocier avec l'Iran", acquiesce Behnam Ben Taleblu. Sinon, "à un moment donné vous aurez un problème car l'objectif final c'est que l'attitude iranienne change".

- Que fera Trump le 12 mai? -

Personne ne connaît vraiment les intentions du président des Etats-Unis. Mais son homologue français n'a pas caché son pessimisme mercredi, estimant qu'il risque de sortir de l'accord de 2015, surtout "pour des raisons de politique intérieure".

"Macron et Trump ne se sont mis d'accord sur rien", rappelle d'ailleurs Luigi Scazzieri, spécialiste du Moyen-Orient au Centre for European Reform, soulignant que l'Américain n'a rien promis, en public, au Français. "Mais Trump a semblé relativement ouvert à l'idée de Macron de garder l'accord actuel tout en l'élargissant."

La proposition française semble en tout cas avoir donné de l'espoir aux partisans du texte de 2015. Créé par l'ex-secrétaire d'Etat américain John Kerry pour défendre ce pacte dont il est l'un des "pères", le groupe Diplomacy Works salue une initiative "judicieuse" qui, dit-il à l'AFP, renforce "la possibilité de maintenir les Etats-Unis dans l'accord nucléaire iranien tout en s'appuyant sur ses réussites pour bâtir d'autres accords portant sur le reste des activités de l'Iran".

"J'espère que l'accord iranien a été sauvé dans le cadre des défis posés par le président Trump", a aussi osé mercredi à Genève le diplomate américain Christopher Ford, chargé de la non-prolifération. Mais le principal négociateur des Etats-Unis, Brian Hook, s'est montré plus prudent. "Il est trop tôt pour dire si nous pourrons trouver un accord avec les Européens, il y a encore des divergences", a-t-il dit à la radio publique américaine.

- Quelles chances d'aboutir? -

L'urgence reste un accord américano-européen. Pour cela, encore faut-il que les pays de l'Union européenne s'entendent entre eux. "C'est le cas pour Londres, Berlin et Paris", assure Luigi Scazzieri, alors que la chancelière allemande Angela Merkel est aussi attendue à la Maison Blanche vendredi. "C'est moins vrai pour l'Italie", peu enthousiaste à l'idée de nouvelles sanctions contre les missiles iraniens, ajoute-t-il, "mais son opposition paraît surmontable".

Ensuite, tout dépend de la décision de Donald Trump le 12 mai. Mais même en cas de rétablissement des sanctions, le nouveau cadre proposé par Emmanuel Macron "évite", selon ce dernier, "de tomber dans l'inconnu si la décision américaine est une sortie sèche". Et Washington laisse désormais entendre que la diplomatie poursuivra son chemin.

"Le 12 mai n'est pas la fin de l'histoire", "Trump peut toujours choisir de rétablir les sanctions sans les mettre en oeuvre immédiatement ou trouver d'autres moyens juridiques pour amoindrir leur impact", estime Behnam Ben Taleblu.

Mais convaincre la Russie, la Chine, et a fortiori l'Iran de négocier un "nouvel accord" semble, à ce stade, mission impossible. "A chaque jour suffit sa peine", élude-t-on côté français au sujet de l'opposition iranienne.

Pour la chercheuse française Célia Belin, du think tank Brookings Institution à Washington, la proposition d'Emmanuel Macron "est si ambitieuse qu'elle semble totalement infaisable". "Difficile d'imaginer comment ce pari extrêmement ambitieux peut réussir", estime-t-elle sur Twitter.

"C'est un effort de long terme, donc pour l'instant, cela sert surtout à gagner du temps", conclut Luigi Scazzieri.

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