France : une friche industrielle se transforme en musée du street art

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France-Soir, avec AFP
Publié le 21 juin 2023 - 15:55
Cet article provient directement de l'AFP (Agence France Presse)
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DÉPÊCHE — Chaque week-end, l'historienne de l'art Thomasine Zoler fait visiter l'ancienne usine Babcock en banlieue parisienne, une friche industrielle qui a mué en musée informel du street art le temps de la pandémie de Covid.

"On n'est pas dans un white cube aseptisé avec un commissaire artistique", souligne celle qui connaît tout des œuvres produites durant cette "résidence artistique sauvage et libre".

Lettrages dans la pure tradition du graffiti parisien, fresques monumentales, créations au pochoir ou par projections de peinture à l'extincteur : ce sont 150 artistes qui ont investi trois hectares de bâtiments à l'abandon depuis une décennie.

En janvier 2020, au hasard d'une fenêtre cassée, le graffeur Zkor est le premier à pénétrer dans l'usine désaffectée.

Une échelle rouillée permet ensuite à l'artiste, fan d'"urbex" (exploration urbaine), d'accéder au cœur de ces cathédrales modernes, via les toits voûtés à 15 mètres de hauteur. "On ne savait même pas où se poser tellement c'était énorme", se souvient l'artiste de 33 ans.

Le champ des possibles donne presque le vertige au cercle d'amis qu'il met dans la confidence. "C'est vraiment Noël : on arrive dans un lieu qui est tout vierge", rigole encore son ami Panzer, 38 ans.

Au printemps 2020, alors que le monde se fige face à la menace du Covid, que musées et galeries sont contraints à la fermeture, ces artistes font de l'ancienne manufacture de chaudières industrielles leur terrain de jeu quasi quotidien.

"Très rapidement, il y a eu le premier confinement, mais on arrivait quand même à venir ici de temps en temps pour se poser et peindre tranquilles", se rappelle Zkor.

"Réhabilitation"

Tranquilles, mais sous surveillance : depuis le trottoir d'en face, les caméras de la Banque de France observent les allées et venues des artistes.

Car une partie de la friche Babcock, qui dans les années 1960 s'étalait sur 17 hectares à La Courneuve (nord de Paris), a déjà entamé une seconde vie avec, en 2018, la construction sur le site du plus grand coffre-fort d'Europe.

Face à ce grand bunker moderne, les bâtiments investis par Zkor et ses amis sont également voués à de nouveaux usages : dès 2016, l'agence nationale pour la rénovation urbaine avait lancé un appel à projet pour la réhabilitation des milliers de mètres carrés de friche.

La "Fabrique des cultures", candidature présentée par les promoteurs Emerige et La Compagnie de Phalsbourg, remporte le chantier, notamment par son ambition d'éviter la gentrification de cette banlieue nord de Paris.

Emerige, par la voix de son directeur de la stratégie Arthur Toscan du Plantier, assure vouloir "rapprocher la culture de ceux qui en sont éloignés", tout en faisant "de Babcock un lieu de destination pour tous les publics du grand Paris".

La construction de près de 300 appartements, dont 20 % de logement social, a débuté, mais le volet culturel du projet — incluant cinéma, ateliers d'artistes, espaces éducatifs — est encore en phase de concertation.

"Le Covid a rebattu les cartes, les acteurs n'ont plus les mêmes besoins", justifie Arthur Toscan du Plantier.

Ce flou engendre la suspicion des graffeurs qui, réunis au sein du collectif La Babcockerie, craignent la récupération de leurs œuvres à des fins mercantiles.

Dans la plus grande des cinq halles encore debout, ils ont coordonné leurs œuvres pour valoriser la monumentalité du site, se limitant à trois couleurs chrome, rouge et noir, faisant de l'espace la plus grande galerie de street art français.

"Si les aménagements nécessaires, notamment à la venue d'un cinéma, permettent de garder certaines œuvres, évidemment on les conservera", assure Arthur Toscan du Plantier. "Aujourd'hui, on ne le sait pas", concède-t-il.

Les membres de la Babcockerie, eux, sont intransigeants quant à l'avenir de leurs créations.

"S'il y a des entreprises qui investissent les lieux et que ça ne plaît pas à certains artistes, bah ils viendront et ils effaceront", résume fermement Zkor.

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