Comment les conspirationnistes du Covid 19 contournent la censure sur Youtube
La pandémie qui touche la planète depuis plusieurs mois a généré, surtout en début de confinement, une confusion généralisée chez les citoyens et un environnement favorable à la diffusion de thèses conspirationnistes. L’audience très importante de ces articles, vidéos et partages sur les réseaux sociaux ont poussé les plateformes prendre des mesures pour interdire, démonétiser ou minimiser l’audience de ces théories. Selon un article du MIT, malgré ces mesures, les personnalités qui incarnent ces théories continuent à exister sur Youtube, en utilisant les méthodes classiques des influenceurs, à savoir, les collaborations.
Internet regorge de multiples théories conspirationnistes sur le Covid-19, la plus connue étant une hypothèse qui prétend que le virus a volontairement été créé dans un laboratoire chinois ou américain. Selon une enquête d’opinion exclusive réalisée par l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch , 26% des Français partage de cet avis. En France, une vidéo dénonçant l’Institut Pasteur d’avoir contribué à fabriquer le Covid-19 a été vue plusieurs millions de fois…
Selon cette même étude, les personnes diplômées ont plus tendance à croire les sources officielles gourvernementales, alors que les moins diplômées seront moins confiantes vis-à-vis des élites et des autorités. Il y a pas d'âge pour les adhérents à ce type de théories. 19 % des “complotistes” appartiennent a la tranche d'âge 35-49 ans et 16 % sont dans la tranche 50-64 ans.
Cela s'explique par la généralisation de l’usage des réseaux sociaux, canaux privilégiés pour diffuser les théories conspirationistes.
YouTube, Facebook et Twitter, travaillent sans relâche pour modérer et censurer les fake news. Cependant, le modèle économique de la plateforme de vidéo Youtube, basé sur la monétisastion des vidéos, ajoute une difficulté supplémentaire à la modération de ce type de contenu.
Selon les règles de YouTube, les vidéos contenant des «informations médicales erronées» sur le covid-19 sont contraires aux directives des annonceurs, et donc, non éligibles à la publicité. Cela est efficace sur les comptes des conspirationnistes récidivistes, qui sont identifiés, démonétisés et souvent supprimés. Cependant, les vidéos complotistes peuvent tout de même générer des revenus, car le délai de démonétisation ou de suppression d’une vidéo est rarement inférieur à un jour. Or avec le potentiel viral de ces contenus polémiques, elles peuvent quand même générer des millions de vues en 24h. De plus, en règle générale, quand Youtube identifie des vidéos qui touchent légèrement les théories du complot, elles ne sont pas supprimées, elles sont simplement retirées des recommandations et pénalisées dans les résultats de recherche.
Ce mode de fonctionnement permet donc à des personnalités d’apparaître dans d’autres vidéos Youtube, alors même que leur propre chaîne a été supprimée de la plateforme.
La journaliste Abby Olheiser a repéré trois vidéos sur le complot anti-vaccin contre le Covid 19, dont une où intervient la polémique Judy Mikovit, qui avant sa suppression, a recueilli plus d'un million de vues.
Avec l’explosion de la pandémie, YouTube a introduit des politiques spécifiques interdisant les vidéos qui remettent en question la transmission ou l'existence de la maladie, promeuvent des remèdes sans fondement ou encouragent les gens à ignorer les conseils officiels. Pour contourner ce contrôle, les conspirationnistes utilisent les mêmes techniques que les influenceurs, qui utilisent les collaborations pour devenir célèbres, atteindre de nouveaux publics, et ainsi faire grandir leur communauté et mieux monétiser leur contenu.
Collaborer avec des personnalités populaires et respectées est un des moyens les plus répandus chez les youtubers pour devenir viraux, gagner des vues et des abonnés. Cette stratégie semble bénéficier aux complotistes: ils ont un potentiel viral et sont suivis par des communautés massives et très engagées. Il peut donc être tentant, pour des Youtubers plus respectables, de les inviter dans leurs émissions, pour gagner en visibilité. Même s’ils ne se rangent pas derrière les thèses complotistes, cela attire les utilisateurs. En revanche, cela donne aussi une crédibilité et une notoriété supplémentaire à des personnalités sulfureuses, qui peuvent ainsi continuer à exister sur Youtube malgré les interdictions.
Une stratégie de rentabilisation?
Les théories alternatives au discours officiel ont le vent en poupe, et le fait de critiquer les consignes sanitaires officielles en temps de Coronavirus peut donc s’apparenter à un bon coup de com’. Selon Sebastien Seibt pour France 24, qui reprend l’exemple de Judy Mikovit, depuis que sa vidéo a fait son apparition sur les réseaux sociaux, son livre est devenu best-seller sur Amazon.
Est-elle réellement convaincue par sa propre théorie, ou souhaite-t-elle simplement se faire de la pub?
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