Les réseaux sociaux poussent les utilisateurs modérés à radicaliser leurs opinions politiques
Cela n’est un secret pour personne, les réseaux sociaux sont puissants, et influencent aujourd’hui de nombreux aspects de la vie quotidienne. Cela est maintenant prouvé : ils peuvent amplifier ou accélérer la transmission de courants idéologiques. Selon une étude de Yale, les "j'aime" et les "partages", qui récompensent l’engagement avec les publications des plateformes numériques, ont une forte influence sur la diffusion des contenus idéologiques, et ils vont même jusqu’à pousser les utilisateurs modérés vers des opinions politiques plus radicales.
L'indignation est récompensée par des "likes", ce qui encourage la propagation de l’indignation
Des entreprises comme Facebook ou Twitter prétendent fournir des plateformes numériques neutres, qui permettent simplement de transposer en ligne des échanges qui pourraient avoir lieu ailleurs, par email, ou dans la vie réelle. Mais certains considèrent que les réseaux sociaux ont un impact sur le contenu des échanges, en amplifiant l'indignation. Pour vérifier cette hypothèse, l'étude publiée le 13 août dans la revue Science Advances, s’est basée sur un logiciel d'apprentissage automatique capable de suivre l'indignation morale dans les publications sur Twitter. Les chercheurs ont mis en place des observations portant sur 12,7 millions de tweets provenant de 7 331 utilisateurs de Twitter, pour déterminer si les utilisateurs exprimaient plus d'indignation au fil du temps, et si oui, pourquoi. Les chercheurs ont constaté que les utilisateurs qui ont reçu plus de "j'aime" et de "retweets" lorsqu'ils ont exprimé leur indignation dans un tweet, étaient plus susceptibles d'exprimer leur indignation dans les publications ultérieures. Ainsi, le fait d'être récompensé pour avoir exprimé son indignation incite les utilisateurs à augmenter leur expression d'indignation au fil du temps.
L’indignation sur les réseaux sociaux a un impact réel sur la société
Selon l’article, l'indignation morale peut être une force puissante pour le bien de la société, motivant la punition pour les transgressions morales, favorisant la coopération sociale et stimulant le changement social. Mais sur les réseaux sociaux elle peut aussi avoir un côté obscur, en conduisant par exemple au harcèlement de groupes minoritaires, à la propagation de désinformation et à la polarisation politique. Les réseaux sociaux contribuent à la polarisation du débat politique. Selon les chercheurs, les utilisateurs véhiculant des messages politiquement polarisés s'expriment avec plus d'indignation que les utilisateurs politiquement modérés. Mais en revanche, ce sont les utilisateurs politiquement modérés qui sont en réalité plus influencés par les récompenses sociales comme les “likes” et les "partages". Il y sont sensibles, et sont donc encouragés à privilégier la publication de contenu plus radical. Cela peut s’expliquer par le fait qu’en réalité, exprimer de l’indignation sur les réseaux sociaux ne se traduit pas toujours par une réelle indignation, surtout quand il s’agit d’utilisateurs politisés habitués à utiliser du langage radical dans leurs discours. “Bien qu'en théorie, l'expérience et l'expression de l'indignation morale devraient être fortement corrélées, une possibilité intrigante est que la conception des plateformes de médias sociaux dissocie les expressions d'indignation de l'émotion elle-même” explique l’article.
La conception même des plateformes sociales leur donne la capacité d'influencer le succès ou l'échec des mouvements collectifs
Selon l'étude, les utilisateurs plus modérés pourraient devenir moins modérés au fil du temps, car ils sont encouragés de manière répétée par leurs contacts, à chaque fois qu’ils expriment de l’indignation. Cela peut pousser des groupes modérés à se radicaliser, et peut déterminer le succès ou l'échec des mouvements collectifs. Selon Molly Crockett, professeure agrégée de psychologie à Yale : “Nos données montrent que les plateformes de médias sociaux ne reflètent pas simplement ce qui se passe dans la société. Elles créent des incitations qui changent la façon dont les utilisateurs réagissent aux événements politiques au fil du temps."
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