Netflix fait le pari risqué d’une plateforme financée par la publicité
Pour faire face à la fuite des abonnés et aux pertes financières, Netflix a annoncé la mise en place de son nouveau modèle économique avec publicité à partir du 1er novembre.
Les films en streaming sans publicité pour faire face aux pertes d'abonnées
Début 2021, Netflix a franchi la barre des 200 millions d’abonnés dans le monde. En France, pendant cette année sous crise Covid, la plateforme a consommé près de 20% du trafic Internet du pays. Cependant, cette croissance n’a pas pu freiner la tendance des pertes financières de la plateforme. Selon une étude menée par le média américain CordCutting en 2019, Netflix perdrait chaque mois 192 millions de dollars en raison des comptes partagés. Au deuxième trimestre 2022, entre avril et juin, Netflix aurait aussi perdu 970 000 abonnés.
Cela s'explique par un phénomène de "correction" (baisse des abonnés après une forte hausse), une concurrence de plus en plus variée et plus agressive que les années précédentes, ainsi que le partage de mots de passe dans un contexte économique tendu d’inflation et de crise énergétique.
Le partage de comptes, une balle dans le pied pour la plateforme
À l’occasion du Festival de la fiction de La Rochelle, le 19 septembre dernier, Damien Bernet, directeur du développement de Netflix en France, a déclaré qu’en plus des 10 millions d'abonnés en France, jusqu'à 5 millions d’autres utilisateurs ne paieraient pas d'abonnement, mais utiliseraient le compte d’un de leurs proches. Il est difficile d’évaluer avec certitude le nombre d’utilisateurs qui profitent grâce à l’abonnement d’une autre personne, mais l’entreprise a déjà identifié le partage de comptes comme une explication aux pertes d'abonnés.
En juillet dernier, Netflix a lancé un test pour facturer le partage de comptes à ses proches en Argentine, et d’autres pays d'Amérique latine. Selon ce modèle en phase d’expérimentation, il serait possible de facturer un surplus de de 2,99 dollars par mois si un utilisateur est localisé pendant plus de deux semaines dans un endroit autre que son logement habituel. Alors que ce modèle génère beaucoup de mécontentement là où il est testé, en France, la publicité se présente comme une solution possible à la perte de revenus.
Netflix estime que l’offre avec publicité atteindra 40 millions de téléspectateurs d'ici fin 2023
Selon le Wall Street Journal, l’offre de films avec publicité, prévue pour le 1er novembre aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, devrait atteindre environ 40 millions de téléspectateurs dans le monde d'ici le troisième trimestre 2023. Les dirigeants de Netflix et de son partenaire publicitaire, Microsoft Corp. auraient rencontré des annonceurs ces dernières semaines, cherchant à conclure des accords avant un lancement prévu plus tard cette année. La monétisation grâce à la vente d’espaces publicitaires est déjà connue comme une solution viable pour plusieurs plateformes en ligne comme Instagram, Facebook, Google, ou même des services d’assistance vocale. Selon Techcrunch, Amazon envisagerait aussi de proposer des recommandations publicitaires dans ses services d’assistance vocale, un modèle qui pourrait être perçu comme étant trop intrusif par les utilisateurs.
Consulter des films en ligne, une source de données comportementales très chère
Les plateformes de contenu en streaming comme Netflix, mais aussi Spotify, peuvent cibler très précisément leurs utilisateurs grâce à l’analyse du contenu consulté. Films, chansons ou livres numériques consultés sont analysés et ces données sont susceptibles d'être revendues à des fins publicitaires. Dans le cas de la plateforme de streaming audio Spotify, en fonction des chansons ou artistes sélectionnés par l’utilisateur (de la musique pour faire du sport, de la musique romantique, ou de la musique contre la déprime…), l’application peut analyser l’état d'esprit, le niveau culturel, les goûts, les envies, les préoccupations et les intérêts de l’utilisateur pour lui accorder un profil type qui sera fourni aux entreprises pour lui proposer des publicités en fonction. L’algorithme de recommandation de contenu de Netflix a été déjà signalé auparavant comme une technologie très poussée, capable de profiler les personnalités. Cet algorithme pourrait logiquement aussi être mis à disposition de la publicité.
Les abonnés Netflix n’aiment pas les pauses
Au cours de l'été de 2018, certains utilisateurs avaient déjà testé une offre Netflix qui intégrait de bandes-annonces entre deux épisodes d'une série d'autres productions, proposées selon l'algorithme de Netflix en accord avec les préférences du client. Ce test n'a pas plu aux clients de la plateforme, habitués au "binge watching", sans aucune pause, pas même pour les génériques des séries ! La majorité des inscrits actuellement préfère donc forcément ne pas perdre de temps en regardant des publicités. Reste à voir s’il existe un public prêt à ne pas payer d'abonnement, à condition de regarder des publicités.
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