Levothyrox : "La mise en examen du laboratoire Merck n’est qu’un début" Me Colin-Chauley

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Xavier Azalbert, pour FranceSoir
Publié le 20 octobre 2022 - 19:35
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"J’attends d’autres mises en cause."
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ENTRETIEN - Ce 18 octobre, le laboratoire Merck a été mis en examen pour tromperie aggravée dans l'affaire du changement de formule du médicament Lévothyrox. Victime en 2017 de lourds effets indésirables suite à la prise de ce médicament contre les troubles de la thyroïde, Me Anne-Catherine Colin-Chauley, avocate au barreau d'Ajaccio et présidente de l’association mouginoise Alerte Thyroïde, est la première personne à avoir porté plainte contre la société. Elle répond à nos questions :

FranceSoir : Pourriez-vous rappeler les contours de l'affaire du Lévothyrox ?

MCC : En mars 2017, le laboratoire Merck a adopté une nouvelle formule du Lévothyrox (nouveaux excipients avec le remplacement du lactose par de l’acide citrique et du mannitol) pour soi-disant rendre le médicament plus stable. Ils l'ont fait sans avertir les patients, qui ont été nombreux à subir des effets secondaires. En 2020, le laboratoire a été condamné par la Cour d'appel de Lyon à indemniser plus de 3 300 victimes du Levothyrox. En mars, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du laboratoire, confirmant cette condamnation.

FS : Comment vous êtes-vous personnellement impliquée dans cette affaire en tant que patiente et avocate ?

MCC : Les utilisateurs de ce médicament (nouvelle formule), dont j'ai fait partie, ont pour beaucoup d'entre eux rapidement ressenti des effets indésirables : grande fatigue, vertiges, douleurs articulaires, maux de tête, gastriques et brûlures dans la bouche. Pour certains malades, leur taux de TSH (hormone de stimulation de la thyroïde) était totalement déréglé. Pour d’autres, si leur taux était normal, ils avaient des symptômes. Des médecins, vraiment perdus, ont donc interrogé l’ANSM, qui a prétendu qu’il « suffisait juste d’adapter le dosage et que c’était dans la tête des patients ». Pourtant, même en modifiant le dosage, les symptômes persistaient.

Pour ma part, ayant subi une ablation totale de la thyroïde, je ne pouvais me passer de ce médicament. Mon mari médecin a essayé trois fois de réadapter le dosage : sans résultat. J’ai donc décidé de porter plainte contre le laboratoire Merck (une première).

FS : Aujourd'hui, vous êtes présidente de l'association Alerte Thyroide. Combien de victimes des effets indésirables de ce médicament avez-vous recensé ?

MCC : Devant la multitude d’appels téléphoniques, j’ai décidé de monter l’association Alerte thyroïde pour informer les gens qu’ils n’étaient pas seuls. Je me suis déplacée dans toute la France pour donner des conférences et monter des délégations. Par la suite, des victimes ont voulu, comme moi, porter plainte. Je les ai aidées dans leur démarche judiciaire. De fil en aiguille, je me suis retrouvée à déposer des paquets de 200 dossiers auprès du parquet. À ce jour, l'association compte plus de 1 500 membres.

FS : Seul le laboratoire a été mise en examen. Quel rôle a joué l'ANSM dans cette affaire ?

MCC : Le Dr Pigement, vice-président de l’ANSM, fut le seul à demander de pratiquer de nouveaux examens du médicament. Il n’a pas été écouté et a donc démissionné.

J’ai sollicité la juge d’instruction pour demander une confrontation entre le Dr Pigement et M. Martin, ex-directeur de l'ANSM. À ce jour, je n’ai pas encore obtenu satisfaction. Cependant, je ne désespère pas de mettre l'ANSM devant ses responsabilités.

FS : Attendez-vous d'autres mises en examen ?

MCC : J’attends effectivement d’autres mises en cause, notamment contre ceux qui ont suggéré ce changement. En outre, je soulève d’éventuels conflits d’intérêts. Il m’a en effet semblé suspect d’invoquer le changement de formule au motif d’un problème de stabilité. Alors que l’ancienne formule avait une durée 3 ans, la nouvelle n’avait qu’une durée de 2 ans.

FS : Les victimes vont-elles se satisfaire de cette mise en examen ?

MCC : J’ai d’autres recours ainsi que d’autres demandes à solliciter auprès de la juge d’instruction. Maintenant, nous avons un interlocuteur en face de nous.

Parmi les adhérents de l’association, il y a plusieurs décès à déplorer, notamment une jeune fille de 22 ans. S'il est vrai qu’il n’est pas facile de démontrer le lien de causalité, cependant, les rapports d’expertises sont tout de mêmes accablants.

Je sollicite également le prolongement de l’importation de l’ancienne formule, particulièrement celle destinée à la Russie au-delà de la fin de l’année 2022, et un retour définitif de notre médicament par le transfert de la licence obligatoire à un laboratoire concurrent.

L’Espagne a par ailleurs le même problème et nous avons donc installé une délégation de l’association près de Burgos afin d’informer les Espagnols.

Par ailleurs, nous sommes en train de montrer que le laboratoire Merck a décidé d’imposer sa nouvelle formule sur toute l’Europe.  En conséquence, j’ai attaqué le brevet de la nouvelle formule : on est désormais devant la Cour de cassation. Par cette action, j’ai obtenu le droit au patient d'attaquer un laboratoire sur son brevet.

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