Jouets : victime du commerce en ligne, Toys'R'Us ferme boutique aux Etats-Unis
Internet a eu raison de Toys'R'Us: le célèbre distributeur de jouets, qui emploie 65.000 personnes dans le monde, ferme boutique aux Etats-Unis, tandis que l'avenir de ses magasins à l'étranger semble très compromis.
Célèbre pour ses supermarchés de jouets ouverts dans les années 1980 et 1990 à la périphérie des villes, le groupe né après-guerre à Washington baisse le rideau faute d'avoir pu apurer son passif et trouver un repreneur.
Toys'R'Us, qui s'était déclaré en faillite en septembre 2017, lui permettant de continuer à fonctionner normalement à l'abri de ses créanciers, attend désormais le feu vert de la justice américaine pour "procéder à la liquidation de l'inventaire" de ses 735 magasins aux Etats-Unis.
Cette décision annoncée jeudi menace une trentaine de milliers d'emplois, la moitié des effectifs mondiaux du groupe.
Si un grand nombre d'analystes avaient prédit récemment sa liquidation judiciaire, le constat n'en est pas moins amer pour le directeur général de l'enseigne, Dave Brandon.
"Nous ne disposons plus du soutien financier pour poursuivre nos activités américaines", a-t-il reconnu, en ce "jour profondément triste pour nous et pour des millions d'enfants et familles que nous avons servis ces 70 dernières années".
L'entreprise va toutefois tenter de sauver ses activités au Canada, et peut-être quelques magasins aux Etats-Unis. Elle est "en discussions avec des parties intéressées à une transaction qui pourrait combiner jusqu'à 200 américains les plus rentables avec ses opérations canadiennes".
Dans le reste du monde, Toys'R'Us prévoit une "réorganisation" et un "processus de vente" en Asie, en Allemagne, en Autriche et en Suisse.
Par ailleurs le groupe "étudie les options", dont "des processus de cessions potentielles" pour ses opérations en France, où la marque est implantée depuis 1989, mais aussi en Australie, en Pologne, au Portugal et en Espagne.
La filiale française de Toys'R'Us, qui compte 53 magasins et 1.300 collaborateurs, négocie avec "plusieurs parties intéressées" par une reprise et "l'activité se poursuit" en attendant, a indiqué jeudi son directeur général Jean Charretteur, à l'AFP.
Au Royaume-Uni, les administrateurs avaient indiqué mercredi qu'aucun acheteur ne s'était manifesté pour la reprise du groupe, ce qui devrait entraîner la fermeture d'une centaine de magasins britanniques dans les six prochaines semaines et menacer 3.000 emplois au total.
Les nouvelles formes de concurrence que représentent les cybermarchands généralistes, comme Amazon ou Cdiscount, ont fragilisé les acteurs traditionnels du secteur.
Toys'R'Us, dont le siège se situe à Wayne dans le New Jersey (est), indique qu'il détaillera "prochainement" ses projets de liquidation de ses magasins américains et de cessions d'actifs à l'étranger.
"Impact social" à l'étranger
Quelle que soit leur forme, ces projets devraient avoir d'importantes conséquences sociales même si, selon M. Brandon, "le groupe et ses conseillers s'efforcent de minimiser l'impact de la liquidation sur les marchés canadien et à l'étranger".
Maigre consolation: un "arrangement" de poursuite d'activité est mis en place "pour les 60 prochains jours", a-t-il indiqué.
Les grands fabricants de jeux, à commencer par l'américain Mattel, propriétaire de Barbie, qui avait réalisé 11% de ses ventes grâce à Toys'R'Us en 2016, mais aussi le fabricant du Monopoly, Hasbro ou le danois Lego, devraient eux aussi essuyer les plâtres.
Créé en 1948, le magasin de puériculture de Charles Lazarus a prospéré jusqu'à voir naître dix ans plus tard le premier supermarché du jouet représenté par sa mascotte ludique, une girafe tout sourire aux taches étoilées.
Dès le début des années 1980, le groupe veille à diversifier son portefeuille, notamment avec la marque vestimentaire Kids'R'Us puis Babies'R'Us (1996) et commence à s'implanter à l'étranger, en ouvrant son premier magasin au Canada.
Mais il attendra 1998 pour lancer son site en ligne et signera un partenariat avec le géant américain du commerce en ligne Amazon en 2000.
"Si la chaîne avait adopté plus tôt le commerce en ligne au lieu de l'externaliser à Amazon entre 2000 et 2010, les choses auraient été différentes". Idem "si la chaîne avait fait preuve d'audace (...) en repensant ses magasins", estime Tim Barrett, consultant chez Euromonitor International.
"Eparpillée dans trop de pays avec trop de magasins et trop de dettes, elle s'est elle-même fabriqué son destin actuel", observe l'expert, pour qui les mastodontes américains "Amazon, Walmart, et Target ressortent clairement gagnants" de la sortie de jeu annoncée de Toys'R'Us.
Dès 2004, le groupe avait effectué "un examen stratégique" avant d'être racheté par endettement en 2005 par les fonds d'investissement Bain Capital et KKR ainsi que l'investisseur immobilier Vornado Realty Trust.
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