La justice déboute une victime de l'"agent orange" pendant la guerre du Vietnam

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AFP
Publié le 23 août 2024 - 13:28
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Epandage d'"agent orange" pendant la guerre du Vietnam par les forces armées US
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Epandage d'"agent orange" pendant la guerre du Vietnam par les forces armées US
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La justice française a débouté jeudi une Franco-Vietnamienne de 82 ans qui avait assigné 14 groupes agrochimiques fournisseurs du défoliant ultra-toxique "agent orange" utilisé par les Etats-Unis durant la guerre du Vietnam et responsable, selon elle, de graves pathologies dans sa famille. 

La cour d'appel de Paris a jugé "irrecevables" les demandes de Tran To Nga en raison de "l'immunité de juridiction" dont bénéficient les entreprises incriminées, dont les géants Bayer-Monsanto et Dow Chemical, au motif qu'elles agissaient pour le compte des États-Unis pendant ce conflit (1955-1975). 

Hanoï a aussitôt qualifié de "regrettable" ce jugement, conforme à celui rendu en première instance en 2021 par le tribunal d'Evry, en banlieue parisienne. 

Tran To Nga, dont des enfants et petits-enfants sont atteints de pathologies qu'elle attribue à "l'agent orange", compte désormais se pourvoir en cassation, selon ses avocats. 

L'octogénaire, qui a appris la décision depuis Hô Chi Minh-Ville, compte se pourvoir en cassation, ont annoncé ses avocats, Mes William Bourdon et Bertrand Repolt. 

"Nous allons continuer à prouver au monde que la justice est de notre côté", a assuré Mme Tran To Nga dans un entretien au quotidien français communiste L'Humanité jeudi soir, reconnaissant simplement une décision "qui ne nous arrange pas". 

"Plus déterminée que jamais", elle a également indiqué son intention de tenir en France une conférence de presse et d'appeler "à un rassemblement". 

Née en Indochine française en 1942, Mme To Nga est une journaliste de 24 ans quand elle est exposée au défoliant utilisé par l'armée américaine pour détruire les forêts vietnamiennes, où se cachent les combattants de la guérilla communiste Vietcong, mais qui a provoqué des troubles de santé pour plus de trois millions de personnes, selon l'association Vietnam Dioxine. 

"L'avion est passé avec un nuage blanc derrière lui. Ça tombe très rapidement et c'est comme ça que je me suis retrouvée enveloppée d'un liquide gluant et, tout de suite, j'ai commencé à tousser, à m'étouffer", avait relaté Tran To Nga lors d'une conférence de presse en avril. 

Sa fille, née en 1969, est décédée d'une malformation cardiaque au bout de "17 mois", précise le collectif, en ajoutant que ses deux autres filles et ses petits-enfants sont atteints de "pathologies graves". 

Tran To Nga souffre quant à elle de "tuberculoses à répétition, d'un cancer et d'un diabète de type II", dénonce Vietnam Dioxine. 

- "Regrettable" pour Hanoï - 

"Nous trouvons regrettable la décision de la cour. Nous avons souvent expliqué que, même si la guerre est finie, ses effets sur le pays et le peuple vietnamien se font toujours sentir, y compris à travers les conséquences à long terme de l'agent orange", a déclaré à la presse Pham Thu Hang, porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères. 

"Nous apportons tout notre soutien aux victimes qui réclament que les entreprises qui ont produit et fourni l'agent orange utilisé par les États-Unis prennent leurs responsabilités et s'occupent des conséquences", a-t-elle ajouté. 

L'association Vietnam Dioxine a, pour sa part, évoqué un "déni de justice pour les victimes de l'agent orange" et assuré ne pas baisser "les bras", dans un communiqué. 

Aux États-Unis, le combat contre l'"agent orange" a conduit en 1970 à la création du terme d'"écocide" pour décrire la destruction délibérée de l'environnement. 

Si des vétérans ont été indemnisés par certaines entreprises sans qu'un procès ait lieu, la justice a débouté en 2005 une association vietnamienne de victimes au motif que l'"agent orange", qui tient son nom de la couleur du bandeau peint sur les barils contenant ce défoliant, était un herbicide et non une arme chimique. 

Pour les entreprises qui répondaient aux commandes de l'État américain, "la marge de manœuvre était inexistante et le contrat était un carcan", avait plaidé en mai devant la cour d'appel de Paris Me Jean-Daniel Bretzner, avocat de Bayer-Monsanto. 

"Dans cette affaire qui est une affaire de principe, les juges ont endossé une attitude conservatrice à rebours de la modernité du droit et contraire au droit international et au droit européen", arguent au contraire les conseils de Mme To Nga. 

En marge de l'audience en mai, des soutiens s'étaient rassemblés au cœur de Paris, place de la République, pour dénoncer l'"écocide" de "l'agent orange". 

En raison de son âge avancé et de sa santé défaillante, Mme To Nga avait alors lancé à ses soutiens : "Peut-être que ce sera à vous de continuer le combat". 

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