Gastronomie : les cheffes brisent le plafond de verre
Elles ont brisé le plafond de verre dans le monde jadis très macho de la gastronomie. Opposées à l'approche genrée en cuisine, les cheffes arrivent en force et veulent être mises en lumière pour donner l'exemple.
"On essaie de se rendre visibles", déclare à l'AFP Julia Sedefdjian, 26 ans et une étoile Michelin, qui fait déguster ses plats méditerranéens pendant le Taste of Paris.
Organisé au Grand Palais Ephémère au pied de la tour Eiffel, ce festival met les femmes à l'honneur.
"Je n'ai jamais croisé autant de femmes cheffes (...) Cela montre qu'on est là, qu'on arrive en force".
De telles rencontres donnent envie aux jeunes filles de se lancer, assure Julia Sedefdjian, la plus jeune des chefs étoilés en France en prédisant une véritable parité et l'épanouissement des femmes dans le métier "dans 10 ans".
- Effervescence des femmes -
"L'ADN de Taste of Paris, c'est de représenter la scène culinaire parisienne à l'instant t et aujourd'hui c'est l'effervescence des femmes", résume Mathilde Delville, directrice de la programmation du festival durant lequel le public déguste des plats étoilés pour 8 à 12 euros.
Interrogée par le passé sur la sous-représentation des femmes, elle a changé la programmation du festival qui accueille chaque chef sur une journée et plus quatre ce qui permet aux petites maisons avec des brigades réduites d'y participer.
"C'est un rendez-vous incontournable pour nous", déclare à l'AFP Stéphanie le Quellec, 2 étoiles Michelin et gagnante en 2011 de la populaire émission Top Chef.
Si au début de sa carrière, elle avait l'impression de devoir donner dix fois plus pour réussir face à ses confrères, "c'est de moins en moins le cas. Le métier a muté, mais il y a encore des choses à faire".
- Milieu +macho+, zéro modèles -
"J'ai la chance d'avoir un peu de caractère mais aujourd'hui il faut que les personnalités qui sont plus dans la discrétion n'aient jamais à vivre ça", dit-elle.
La trentenaire Nina Metayer, élue à deux reprises cheffe pâtissière de l'année, confie se livrer à un "jeu d'équilibriste" entre sa vie de mère de deux petites filles et d'entrepreneure chargée d'une boutique en ligne.
"Il ne faut pas de sélection homme/femme en gastronomie, mais il faut parler d'inégalités qui sont toujours présentes (...) On va mettre de cinq à six générations pour se débarrasser de mauvais réflexes", dit-elle à l'AFP.
Elle a commencé dans la boulangerie, suscitant l'incompréhension de son entourage. "Mes copains m'ont dit: +tu vas rater ta vie+".
"Il y avait zéro modèle" à suivre à l'époque.
- Assiette "féminine"? -
"Je suis très heureux que les femmes soient mises en avant pendant ce festival", déclare à l'AFP le chef pâtissier Jeffrey Cagnes.
"Il n'y a pas assez de femmes cheffes aujourd'hui. Cela tient à certains côtés macho d'hommes".
Les guides et classements gastronomiques, pointés du doigt pour avoir ignoré les femmes, ont multiplié des trophées pour distinguer les cheffes.
La Péruvienne Pia Léon a ainsi été élue meilleure femme cheffe de l'année par le prestigieux classement britannique 50 Best.
Un prix "genré" qui n'est pas du goût de tous.
"Je déteste l'idée de genrer la cuisine, le débat de l’existence des femmes en gastronomie va au-delà", souligne Stéphanie Le Quellec. "J'ai du mal avec ça", soutient Julia Sedefdjian.
Mais Hélène Darroze, 5 étoiles Michelin dont deux gagnées l'an dernier, revendique une cuisine féminine, "plus émotive que technique". "On a une sensibilité différente, obligatoirement ça se voit dans l'assiette".
"C'est un peu sectaire de faire des catégories, en cuisine on n'a pas besoin de force physique, mais de la force mentale, de la souplesse des mains et du goût. Qu'est-ce qu'une femme a de différent d'un homme?", lance Jeffrey Cagnes.
Interrogée par l'AFP, Pia Léon estime que son trophée ne la récompense "pas en tant que femme" mais comme leader de ceux qui se lancent sur la voie de la gastronomie.
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