Vin rosé : la star de l'été

Auteur(s)
Pierre Plottu
Publié le 27 octobre 2014 - 16:44
Mis à jour le 17 novembre 2014 - 11:14
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Du vin rosé.
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©Arthur Caranta/Flickr
Toujours synonyme d’été, le rosé se vend pourtant désormais toute l’année.
©Arthur Caranta/Flickr
Débarrassé de son image de vin de piètre qualité par rapport au rouge et au blanc, le rosé a, ces dernières années, conquis ses lettres de noblesse. Il est désormais plébiscité par les consommateurs et ses parts de marché ont triplé en France depuis les années 1990. Un mouvement de fond qui semble parti pour durer et qui, signe de son succès, gagne les autres boissons alcoolisées.

Un grand soleil d’été inondant les pelouses, du ciel bleu, de la viande qui grésille sur les braises, le bruit des glaçons qui tombent dans un verre de rosé… le tableau estival idéal. Car c’est bien connu, l’été, pas de barbecue ou d’apéritif en terrasse sans un Tavel, un Bandol ou un Saint-Chinian rosé bien frais. 

Pourtant, si la période estivale est toujours synonyme de pic des ventes, la consommation importante de vins rosés en France est désormais une réalité tout au long de l’année. "C’est fini l’époque où la saison démarrait début mai pour s’achever en septembre", assure à FranceSoir Olivier Nasles, porte-parole de l’Union des œnologues de France (UEOF) et vigneron. "Désormais, il se vend du rosé toute l’année!".

De fait, la filière connaît une croissance sans modération sur les dernières décennies. La France est ainsi le premier producteur mondial de rosé (avec près d’une bouteille produite sur trois), mais aussi le plus gros pays consommateur. A eux seuls, les Français représentent 36% des ventes mondiales et 9 sur 10 déclarent "boire du rosé", selon une étude menée par le Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP) et l’institut FranceAgriMer.

Plus qu’un boom, il s’agit d’un mouvement de fond. Alors que le rosé ne représentait qu’à peine 10% de la consommation française de vins en 1990, il truste désormais près de 30% des ventes. Une croissance spectaculaire qui le place devant le blanc (17% des ventes) et qui le rapproche du sacro-saint vin rouge, passé de près de 80% de part de marché en 1990 à tout juste 53% en 2013. Des chiffres qui font dire à Olivier Nasles que le rosé devrait rattraper son rival d’ici une dizaine d’années.

Pas un, mais des rosés

Plus prudent, Christophe Delorme, vigneron de Tavel (domaine de la Mordorée), estime qu’il faut se méfier des modes "qui finissent toujours par passer", affirme-t-il. Même s’il reconnaît le potentiel des vins rosés, notamment à l’export. Selon ce producteur, le phénomène s’inscrit bien dans la durée car, au-delà d’une amélioration des techniques de production, les comportements des consommateurs ont changé

"Les Français n’ont plus les mêmes habitudes alimentaires", souligne-t-il, "on mange plus léger, plus international, notamment asiatique, et moins de plats en sauce…. Autant de recettes qui correspondent très bien au rosé". Et de fait, la plupart des spécialistes s’accordent pour dire que ce vin s’accorde facilement avec la plupart des plats: grillades, bien sûr, mais aussi viandes (avec un rosé du Rhône, par exemple), poissons (Provence), fromages (Loire)… il y en a pour tous les goûts!

Les viticulteurs ont bien compris que le secteur est porteur et un nombre croissant d’entre eux développent leur production en ce sens. Ainsi, au-delà des terres historiques des Côtes de Provence (où 90% des vins produits sont des rosés) ou, dans une moindre mesure, de la Loire (30%), la plupart des régions sont entrées dans la danse.

A l’image du Bordelais, haut lieu viticole s’il en est. Certes, la production de rosé y est marginale (environ 5%), mais elle n’en a pas moins quintuplé depuis 1990. "Face à la demande croissante, de plus en plus de domaines s’y mettent", assure à FranceSoir le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB). Signe de cette tendance, l’organisation va ainsi diffuser cet été, pour la troisième année consécutive, une campagne publicitaire radio nationale pour faire la promotion du vin rosé girondin.

Passé d’une image de vin au rabais –voire de piquette synonyme de sérieux mal de crâne les lendemains d’excès– à celle d’un breuvage frais et léger, le vin rosé séduit. Et, amélioration des techniques de production aidant, il est devenu globalement plus qualitatif

"Depuis le début des années 2000, les vignerons accordent beaucoup plus de soin à la vinification. Ils sont désormais nombreux à vendanger et égrapper à la main, comme pour un vin rouge de qualité", explique Frédéric Lizé, caviste parisien. Initiative originale, et efficace, un Centre de recherche et d’expérimentation sur le vin rosé (CDR) a même été créé en 1999 afin d’aider à tirer vers le haut la qualité de la production de la filière.

L’autre force du rosé, c’est son prix. Malgré une tendance à la hausse ces dernières années, il reste l’un des vins les moins onéreux. "En grande surface, il existe des produits très bien à partir de 4,50 ou 5,50 euros", assure ainsi l’œnologue Olivier Nasles. 

Le vigneron Christophe Delorme, lui, estime qu’il faut débourser environ 8 euros en supermarché pour un Tavel "correct", ou 6 euros pour un vin des Côtes de Provence. Ces derniers, secs, légers et très pâles, sont ceux qui correspondent le mieux aux tendances actuelles. Brad Pitt et Angelina Jolie eux-mêmes ont sorti l’an dernier leur propre cuvée de rosé varois, estampillée "Jolie-Pitt & Perrin".

Les vins rosés connaissent un succès tel que, bien que la France soit la première productrice mondiale, elle est également la première importatrice. Ainsi, si la production française a progressé de 24% en dix ans, ce ne sont pas moins de 2 millions d’hectolitres qui ont dû être importés en 2013. 

Rosé fraise

La mode du rosé californien, peut-être? "Non", assurent la plupart des spécialistes contactés. Les vins importés, majoritairement espagnols, sont plutôt bas de gamme et principalement utilisés pour les cocktails et l’élaboration des boissons aromatisées à base de vin (BABV). Un secteur qui cible les jeunes (18-30 ans) et les femmes, soit le même public que le rosé.

Aromatisés au pamplemousse (deux tiers des ventes), à la pêche ou même à la fraise, les dérivés du vin rosé ont le vent en poupe. Ce marché, après avoir triplé en 2012, a de nouveau doublé en 2013 pour atteindre 35 millions de bouteilles sur l’année.

Une réussite qui donne des idées aux géants du secteur. Leurs études de marché semblent le prouver: la couleur rose est à la mode et les consommateurs l’associent "à une notion de qualité et de luxe, notamment grâce à la parfumerie, qui l’a beaucoup utilisée", affirmait ainsi l’an dernier Laurence Berthines, de l’agence Team Créatif, aux Echos.

Désormais, en plus du vin, le rose colore la bière, le cidre et même… le pastis! Après ça, qui osera encore dire que le rosé est synonyme de piquette?

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