Belles hôtesses et grosses cylindrées, le Mondial de l'automobile est-il sexiste ?
D'aucuns affirment que "l'hôtesse plante verte n'existe plus!" Mais au Mondial de l'automobile, certains constructeurs continuent d'user de l'attrait sur le public de jeunes femmes en tenues affriolantes, au grand dam des associations et des autorités françaises.
"On est à l'égal du commercial", "pas la potiche à mettre le pied sur la calandre", lance Mathilde, 21 ans, embauchée pour ce "job alimentaire" pour lequel elle a été formée sur le stand, blanc impérial, de Volkswagen.
Chemise bleue ciel sur un jean foncé et tennis blanches, la jeune étudiante fortement maquillée en est à sa deuxième expérience dans un salon automobile. De la première avec une autre marque, elle a appris à "accueillir et renseigner le client", mais parfois aussi à entendre des propos salaces de "clients plus âgés".
"Une fois, il y en a un qui m'a dit: est-ce que tu es aussi chaude que le moteur?". "Une autre fois, c'était +est-ce que vous pouvez monter sur n'importe quel châssis+?". Cette discussion, comme la plupart des autres menées avec les hôtesses de divers constructeurs, est vite repérée et écourtée par l'encadrement qui s'enquiert aussitôt du sujet.
"Cette sexualisation de la voiture, associée au pouvoir masculin, est insupportable", s'insurge auprès de l'AFP Florence Montreynaud, fondatrice de l'association féministe Les chiennes de garde. "On a l'impression qu'on a la fille avec la voiture pour le même prix!" et "quand les constructeurs nous font croire qu'ils ont besoin de ça pour le commerce, ils se moquent de nous".
Pourtant, les professionnels de l'accueil événementiel constatent une évolution depuis "environ trois ans", insistant sur la "formation d'un à trois jours" suivie par les jeunes recrues. "L'hôtesse plante verte n'existe plus!", assure Carole François, responsable clientèle showroom à l'agence Pénéloppe qui a recruté près de 300 hôtesses pour le salon.
S'il arrive encore que certains constructeurs réclament du "1m80 avec taille 36, soit l'impossible", dit-elle, "on ne voit plus autant de chair". Une raison? "Les constructeurs savent que les photos vont faire le tour des réseaux sociaux". Dans les pavillons, nombre de constructeurs ont imposé le look pantalon et chaussures plates. Les sobres robes évasées laissent rarement percevoir le milieu des cuisses.
"Ca reste macho. Les pires sont les Italiens", accuse-t-on cependant dans une autre grande agence parisienne du 7e arrondissement qui a recruté 400 hôtesses pour le Mondial. Sur le podium tournant du sud-coréen Ssangyong, une séance photo ubuesque. Perché sur des talons de 12 cm, un binôme d'hôtesses, l'une blonde et l'autre brune, moulées dans une robe très courte au dos nu croisé, est prié de se joindre à trois hommes asiatiques pour un selfie... sans voiture en toile de fond.
Contrairement à leurs congénères, elles n'ont pas de tablette pour assurer leur mission d'accueil. Notre rôle consiste à "soulever le voile" du nouveau modèle Liv2 et "d'être une vitrine pour attirer la clientèle", explique Irina.
"Il s'agit de pratiques typiques à la fois d'une hypersexualisation des corps des femmes et de leur marchandisation", déplore Raphaëlle Rémy-Leleu chez Osez le féminisme. Après une récente campagne gouvernementale contre le sexisme, un rapport de la délégation du Sénat aux droits des femmes a pourtant tiré la sonnette d'alarme mercredi, à la veille de l'ouverture du salon aux professionnels. Son mot d'ordre: éradiquer les clichés de la femme au volant. La délégation appelle à "prévenir les messages sexistes" dans les publicités automobiles. Elle préconise "le port de tenues vestimentaires qui ne réduisent pas la femme à un rôle de faire-valoir de l'automobile" et "le recrutement à parité d'hôtes et hôtesses".
Chez Citröen - seule marque française à être dirigée par une femme, la britannique Linda Jackson - la parité est affichée, avec autant de garçons d'accueil que de filles. "Je trouve ça tout simplement juste", sourit le jeune Riwan, 19 ans, pantalon rouge veste beige. Pour la fondatrice de l'association féministe, Les chiennes de garde, "c'est bon signe qu'une marque évolue dans le sens d'une démarche égalitaire". Mais elle souligne un paradoxe sociétal, où "la mentalité égalitaire cohabite avec la mentalité archaïque des années 1950 avec les tenues provocantes". Et de conclure: "la notion d'hôtesse est trouble".
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