Vague de froid : quelle responsabilité pour EDF en cas de coupures de courant ?
Les températures glaciales annoncées font redouter des coupures d’électricité. Des pics de consommation jusqu’à 100.000 MW sont en effet annoncés qui pourraient mobiliser l’ensemble des capacités de production (129.000 MW, dont la moitié de nucléaire), avec des craintes légitimes puisqu’une partie du parc nucléaire est actuellement à l’arrêt.
Afin d’éviter des coupures, un plan a été déclenché afin d’encourager d’une part les usagers à réduire leur consommation, mais aussi d’autre part à redémarrer plusieurs réacteurs en maintenance pour passer ces moments critiques de grand froid.
On veut ainsi éviter une nouvelle panne géante de courant affectant la France comme en 1978 ou 1987 et plus récemment lors du black-out européen de novembre 2006 qui avait touché plus de cinq millions de Français. En février 2012, l’intense vague hivernale avait conduit à des pics de consommation record de 102.100 MW et avait fait craindre de nouveaux incidents de grande ampleur.
C’est que l’électricité n’est pas un bien comme les autres: elle est encadrée en France par un contrat de service public (CSP) qui a été signé le 24 octobre 2005 avec l’Etat. Ce contrat a pour rôle de fixer les engagements de service public d’EDF en France et précise le contenu et les objectifs des missions de service public confiéesau fournisseur d'éléctricité. Il est articulé en trois parties distinguant notamment l’accès à l’énergie, la production (EDF), la distribution de l’électricité (ERDF devenue Enedis), du transport et de la sûreté du système électrique (RTE).
S’agissant d’EDF, le contrat de service public porte notamment, selon la loi du 9 août 2004, sur la sécurité d'approvisionnement et la qualité du service rendu aux consommateurs. Selon la jurisprudence, le fournisseur d’électricité est tenu d’une obligation de résultat et est donc responsable à l’égard de ses clients consommateurs d’énergie de la bonne exécution de cette obligation.
Dès lors, il appartient à EDF de mettre en place des solutions préventives pour éviter le pire. Par exemple l’importation jusqu’à 12.000 MW des pays voisins, grâce aux interconnexions développées au cours des dernières années avec les pays riverains dont l’Allemagne ou l’Espagne, ou procéder à la réduction de la tension sur le réseau afin d’économiser l’équivalent de l’énergie nécessaire au Grand Paris.
EDF peut également interrompre la consommation de 21 sites industriels dits "électro-intensifs", très gourmands en électricité, afin de réduire la consommation de 1,5 GW. Les sites sont rémunérés par RTE en compensation de la coupure d’électricité à laquelle ils consentent (70.000 euros/MW interruptible). En dernier recours, EDF peut avoir recours à des délestages, soit des coupures programmées d’une durée maximum de deux heures.
Alors que faire en cas de coupures ou de défaillance du réseau lié au grand froid et ayant provoqué des dégâts dans votre foyer?
EDF et Enedis se réfugient en pareil cas derrière la notion de force majeure pour tenter de s’exonérer et invoquent les "phénomènes atmosphériques irrésistibles par leur cause ou leur ampleur" qui impacteraient dans la même journée plus de 100.000 clients ou de délestage de "points de livraison non prioritaires" si l’alimentation en électricité est de nature à être compromise (arrêté du 5 juillet 1990).
En cas de dommages au sein de votre maison occasionnés par une éventuelle défaillance du réseau électrique, il faut vous tourner obligatoirement vers votre fournisseur d’énergie (EDF, Poweo, Direct Energie…), démontrer que vous avez subi un préjudice particulier (car la coupure en elle-même n’est pas suffisante pour justifier d’un dommage) et adresser votre demande d’indemnisation solidement argumentée dans le délai de 20 jours à votre fournisseur (par lettre recommandée avec AR) qui transmettra votre demande à Enedis. Prévenez parallèlement votre assureur en faisant une déclaration.
En cas de refus d’indemnisation et après un délai de deux mois, vous pourrez alors saisir le Médiateur national de l’énergie ou assigner directement Enedis devant le tribunal, mais il vous faudrait alors prouver que tout n’aurait pas été mis en œuvre en amont pour éviter le pire. Peu de consommateurs ont donc recours à une solution judiciaire aléatoire et en tout état de cause de longue haleine.
Retrouvez d'autres analyses de l'actualité juridique sur le blog de Thierry Vallat
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