La bêtise cathodique : une arme de destruction massive

Auteur(s)
Sébastien Ménard pour FranceSoir
Publié le 23 octobre 2020 - 12:37
Image
Sebastien Ménard
Crédits
FranceSoir
Sébastien Ménard
FranceSoir

J’ai hésité à publier cet édito. Car comme d’autres avant moi, j’ai aimé et même applaudi les pitreries cathodiques de l’électron libre de la télévision, Cyril « Baba » Hanouna. Et oui, notamment lorsqu’il officiait sur le service public et sur la chaine jeunesse France 4. J’ai aussi félicité l’audace et le panache de ceux qui ont eu l’intelligence de profiter d’un mercato télévisuel bâclé chez France Télévisions pour le transférer sur C8, la chaine généraliste du groupe « tenu » par Vincent Bolloré. Car Cyril Hanouna a indéniablement du flair et talent. Jusqu’ici tout va bien…

L’hypothèse de travail consistant à donner à l’un de ses meilleurs talents les moyens de divertir à bas coûts les tout-sauf ménagères de moins de trente ans eut été, en son temps, une vraie belle idée. Mais aujourd’hui nous nous sommes éloignés, perdus, fourvoyés… Cyril et sa tribu sont tout partout, et parlent de tout sur tout, en ayant pour toute une génération de candides et de crédules, un avis de tout sur tout !

Dans une émission quotidienne de divertissement, quel risque peut-on prendre à parler de tout et de rien avec bigoterie et gourmandise ? Aucun me direz-vous… Et pourtant de Zemmour Eric à Cyril Hanouna, il n’y a qu’un pas. Nous pouvons, pour l’un comme pour l’autre, leur reconnaître du talent, du panache et de la constance. Leurs audiences n’ayant d’égales que leurs succès. Mérités ou pas nous pourrions d’ailleurs en débattre. Félicitations à eux. Mais là n’est pas mon sujet.

Chez « Baba », l’actualité malheureusement riche en mauvaises nouvelles, en informations nauséeuses, en controverses intellectuelles, alimente en permanence ce grand cirque télévisuel où le sens de  l’équilibre, d’autres diront mesure, devient une lâcheté critiquée par la meute. Son émission est un rendez-vous télé à succès, où la liberté d’expression peut me sembler muselée quand elle ne fait pas le consensus auprès de celui qui est devenu en quelques années le dépositaire de la panacée cathodique. Et c’est bien dommage. Car chez Cyril on s’amuse de tout, on rigole de tout et on y dit beaucoup de vérités mais aussi beaucoup de conneries pour notre plus grand plaisir. Mais attention, on se moque de presque tout. Oui presque, parce quelques nouveaux censeurs veillent et ces moralistes 2.0 perfusés aux réseaux sociaux assènent régulièrement de graves jugements de valeurs qui nous éloignent de Cyril et nous rapprochent d’Eric.

Et pourtant, je n’ai pas de honte à aimer moi aussi, à dose homéopathique, la franche niaiserie et la bonne potacherie de la tribu Hanouna quand elle ne se prend pas au sérieux. Mais quand au nom de la tolérance, on distille des bêtises intolérantes et contraires aux valeurs de la République, j’ai un problème. Et j’espère ne pas être le seul.

Il ne m’a pas échappé que face aux réseaux sociaux triomphants, la raison ne fait plus recette. Indéniablement « Touche Pas à Mon Poste » ne fait parfois pas exception au prêt-à-penser moutonnier. Car aligner intellectuellement l’une de nos libertés fondamentales, énoncée à l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, en l’occurrence la liberté d’expression, de Charly Hebdo, de la jeune blasphématrice Mila, et les propos révisionnistes et antisémites d’un artiste urbain obscurantiste, m’a profondément déçu. Surpris non. Déçu oui. Le droit de blasphémer est autorisé par la loi française. Les élucubrations artistiques d’un antisémite non. Tout ne se vaut pas, cher Cyril.

Contrairement à quelques plumes lâches et liberticides, battons-nous pour permettre à des Hanouna,  Zemmour, Onfray, Polony, El Rhazoui, Fourest pour ne citer qu’eux d’adresser, dans le respect des lois de notre pays, des vérités, les leurs, parfois difficiles  à entendre, dire ou diffuser. Tel est le fruit tarifé de notre démocratie. Mais attention, le monde a basculé.

Nous l’avons déjà écrit et publié : « La bienséance intellectuelle et la pudibonderie morale nous poussent à nous méfier de tout, de toutes et de tous et pire de nous-mêmes. » Et le rôle d’un grand frère, fût-il télévisuel, est de rappeler quelques règles de bon sens. Le bon sens qui fait défaut à notre époque. Mais il ne tient qu’à chacun de nous pour dire non à la bêtise intellectuelle et à la laideur morale. Et un plateau de télévision à succès est une arme de destruction ou d’éducation massive, c’est selon. Nous avons tous le choix. L’exception culturelle française et le génie français, même hanounesque, est à ce prix. A la télévision numérique comme à la ville où sur les réseaux sociaux, n’est pas Michel Pollacq qui veut…

 

Lire aussi Mort pour la France

À LIRE AUSSI

Image
Sebastien Ménard
Mort pour la France
Edito : « Adieu monsieur le professeur, on ne vous oubliera jamais… Et tout au fond de notre cœur, ces mots sont écrits à la craie. Nous vous offrons ces quelques fleu...
21 octobre 2020 - 16:14
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.