Médiatisation de la mort de Nahel, liberté d'expression et complotistes "dernier échelon"

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Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 09 juillet 2023 - 19:45
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Image par Gerd Altmann de pixabay.com
Les complotistes "dernier échelon" sont ceux qui voient un complot derrière chaque événement, dans ses moindres détails.
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ÉDITO - Comme annoncé dans un édito précédent, Dans une ‘démocratie défaillante’, que peut signifier ‘Justice pour Nahel’ ?”, jetons un regard critique sur ce que disent les personnes qui réfutent complètement la “version officielle” de l’enquête (toujours en cours) du décès de Nahel et dont les élucubrations vont bon train. Selon eux, l'affaire serait instrumentalisée par le gouvernement et relayée par les médias. En résumé, les émeutes seraient voulues et ce chaos contribuerait à instaurer en France, une “démocratie autoritaire à la chinoise”. 

En même temps, des articles au sein de plusieurs projets de loi paraissent octroyer des pouvoirs de plus en plus importants à l’exécutif. Notamment avec la “nouvelle loi de programmation militaire” dont certains observateurs se demandent si celle-ci n’annonce pas une sorte de coup d’Etat masqué, analyse à l’appui. Après tout, Emmanuel Macron, qui a déclaré “Nous sommes en guerre” au moment de la crise du Covid, s'est déjà montré capable d’excès en tous genres...

Mais, ce n'est pas tout. Selon les contempteurs de la version officielle, l’affaire Nahel ne serait qu'une cabale. Tous les protagonistes seraient de mèche avec le gouvernement. Tant Nahel que sa mère, son avocat, le passager de la voiture et les deux individus “habillés en policiers” vus dans la vidéo, celle qui a mis le feu aux poudres. Pareil pour les journalistes, les experts et les commentateurs... Idem aussi pour l'infirmier qui est en prison, condamné à 18 mois de prison dont 6 fermes, pour avoir rendu publique l'identité de l'auteur désigné du coup de feu mortel. Et évidemment, un coup de feu “prétendument” mortel car, en outre, ces contestataires jusqu’au-boutistes du récit officiel vont jusqu'à affirmer qu'en réalité Nahel... ne serait pas mort !

"Quand il y a trop de coïncidences, ce ne sont plus des coïncidences : c'est un faisceau d'indices" est l’argument avancé par ces personnes. Certes, si au départ tous les enquêteurs de police procèdent ainsi avec leur intuition, il faut ensuite pouvoir disposer de preuves solides. La pratique policière et la logique judiciaire doivent confirmer ou infirmer ce “faisceau d’indices”, cette suspicion, afin ensuite d’établir la vérité. En somme, il faut des faits avérés et vérifiables. 

Quels sont dont les arguments de ces complotistes “dernier échelon” qui présentent leur(s) théorie(s) ? Il faudra évidemment, comme l’exercice journalistique le demande, d’apporter la contradiction et le questionnement de leur nature. 

Premier argument : les médias ont tous relayé les mêmes affirmations avec des éléments de preuves absents, ou insuffisants, tant sur la matérialité des faits que des responsabilités des différents protagonistes désignés de l'affaire. Durant la Covid, il est vrai que certaines affirmations unanimes de la part des médias, rabâchées sans cesse auprès du public, ne reposaient sur aucun élément tangible, aucune étude scientifique sérieuse, aucune démonstration fiable. S’il faut donc être particulièrement prudent en telle situation, il ne faut pas oublier ensuite de démontrer cette absence de rationalité dans plusieurs prises de décisions du gouvernement ou de la part des autorités sanitaires, justement pour ne pas oublier et exposer que cela a bien participé in fine à réduire nos libertés individuelles et à marquer durement la population. 

Deuxième argument : dans la vidéo reprise sur les réseaux sociaux, le coup de feu tiré par le policier est quasiment imperceptible à l'oreille, ni détonation, ni recul, ni expulsion de poudre. Et l'éjection de la douille ne serait pas visible. L'arme de service des policiers est un 9mm, un pistolet automatique de gros calibre. Le coup de feu devrait ainsi être accompagné d'une forte détonation et d'un recul apparent. Or, alors que les propos échangés par les protagonistes du drame sont audibles dans l'enregistrement, la détonation ne l’est presque pas. Cette détonation à plus de 160 décibels ne devrait-elle pas être l'élément le plus audible de la vidéo ? 

Voilà pourquoi ici ces complotistes "dernier échelon" sont formels : “Une balle à blanc a été tirée par le policier, pas une vraie balle”. Une détonation quasi nulle, pas de recul, nettement moins de fumée... Bref, des éléments manqueraient à la scène. En tout cas, si l'on prend comme source unique une vidéo dont on ne connaît tous les détails techniques de la réalisation. L'absence d'éjection de la douille demeure toutefois un sujet, qu’il s’agisse d’une vraie balle ou d’une balle à blanc. Mais peut-être que je me trompe... Ou surtout qu'ils se trompent !

Voyons alors leur troisième et quatrième arguments. Comment l'infirmier, qui a rendu publique l'identité du policier auteur du coup de feu, l’a-t-il eue ? Qui la lui a donnée ? Cette information n’est pas accessible, à ce jour, à quiconque n'est pas de la brigade du policier ou à quelqu'un qui ne le connaît pas personnellement. Cela semble être le cas : l'infirmier en question n’est pas une connaissance de ce policier. Il l’a sans doute eue autrement. L'enquête dira de quelle manière.

Enfin, aucune image de l'extraction du corps de Nahel de la voiture n'a été publiée. Et bien qu'il existe une vidéo présentée comme la tentative de réanimation de Nahel par l'infirmier, deux choses sont questionnables pour les complotistes “dernier échelon”. Étant donné que le coup de feu mortel a été porté - visiblement - en direction du cœur du jeune homme, non seulement son corps allongé au sol devrait reposer dans une mare de sang, mais surtout comment envisager dans ces conditions pouvoir prodiguer un massage cardiaque ? Ce geste d'urgence n’aurait-il pas eu plus l’effet de l’achever, en aggravant l’énorme hémorragie dont il devait souffrir consécutivement à sa blessure ? 

Le cinquième argument évoque que l’on n'a aucune retranscription précise, ni du rapport d'autopsie, ni du rapport balistique. Que l’on soit d’accord ou non avec les arguments précédents, ces deux points précis interpellent. D'ordinaire, lors de la mort par balle d'un homme, un communiqué officiel est établi par les autorités. Il reprend avec précision les mentions du rapport du médecin légiste, afin que la matérialité des faits et la cause du décès soient sans équivoque. Ces éléments factuels sont ensuite repris dans les médias.  

Mais dans le cas présent, en l'occurrence, non. Ah si ! Pardon. Il y a quelques jours, un homme a parlé dans une vidéo du rapport d’expertise de l’autopsie de Nahel par le médecin légiste. Une autopsie à laquelle, lui, aurait eu accès. L'homme affirme que, d'après cette autopsie, la balle tirée sur Nahel est entrée par le bras gauche, et qu'elle a ricoché (manifestement après avoir heurté le bras, donc) dans le thorax. Ces précisions ne règlent pas la question de l'existence véritable de cette autopsie. Comme celle-ci n'a nullement été rendue publique, c’est un autre argument avancé par les complotistes "dernier échelon". Mais alors “comment ce Monsieur a-t-il eu connaissance de cette autopsie ?”, ajoutent-ils. “Et c'est qui d'abord ce Monsieur ?”, disent-ils, un brin moqueur, sans donner pour autant d'explications détaillées à propos de leurs vues, ce qui est un peu facile.

Cependant, mis à part leur mauvaise foi à potentiellement mettre de côté des éléments qui n’iraient pas dans le sens de leur thèse ou à ne rien démontrer vraiment, on remarque que l'expertise balistique que la justice a nécessairement diligentée n'a pas été rendue publique. Si je dis que cette expertise balistique a nécessairement été diligentée par la justice, c'est parce qu'il s'agit d'une formalité exigée par la loi quand un coup de feu a été tiré. Oui, afin de déterminer si le projectile qui a atteint la victime a bien été tiré par l'arme désignée comme étant à l'origine du tir. Ceci s'impose à la justice, même lorsque l'auteur désigné du coup de feu reconnaît les faits et affirme avoir tiré ce coup de feu avec cette arme. 

Pourquoi ? Parce qu'en droit français, l'aveu n'est pas une preuve irréfutable. Et comme la loi impose au juge d'instruction d'instruire à fois à charge et à décharge, il a l'obligation de vérifier l'authenticité de tous les éléments de preuve qui lui sont présentés. Y compris donc les éléments exprimés dans l'aveu. Les journalistes spécialistes des faits divers le savent bien. Ainsi, effectivement, cette absence de référence, dans la communication officielle du parquet, aux mentions et conclusions du rapport balistique interpelle. Le juge en a-t-il véritablement diligenté une ? Et s'il ne l'a pas fait, pour quelle raison ?  

L'expertise balistique requise en pareil cas consiste à répéter le tir par balle, avec l'arme incriminée, dans un “corps” factice correspondant peu ou prou en consistance à celle de la victime et dans des conditions similaires. Cela permet à l'expert de comparer ce qu'il reste de la balle après l'impact avec le reste de la balle qui a causé la mort de la victime. Il observe notamment les marques sur la balle, comme les rainures qu'il y a dans le canon de l'arme, afin d'obtenir des informations. Car l'empreinte d'une balle est unique, comme le sont les empreintes digitales d'un être humain.   

Voilà qui pourrait éventuellement interroger davantage que les questionnements de nos complotistes "dernier échelon" à propos de l’enterrement de Nahel en catimini, un autre "argument" de leur part. Selon eux, cette intimité autour d'une cérémonie sans image contraste de façon suspecte avec l’exubérance de la mère de Nahel (exprimée dans des conditions très particulières d’une marche blanche mouvementée).  On peut plutôt se dire qu’après la mort de son fils, après les manifestations et les émeutes qui ont suivi et l’ultra médiatisation donnée à la moindre de ses réactions, cette maman a simplement préféré à ce moment-là que l’enterrement de Nahel soit réalisé en privé et sans caméra afin d’éviter tout nouvel emballement.  

Les complotistes "dernier échelon" ont à faire valoir d'autres vues relatives à la médiatisation exhaustive de cette triste affaire. D'abord à propos de la captation de la scène, là encore réalisée “par le plus grand des hasards” (et certains n’oublient pas de rappeler qu’il s’agit ici de l'expression utilisée par Emmanuel Macron à propos de l'attaque au couteau d'Annecy), qui a permis de médiatiser immédiatement le drame. Ensuite au sujet du flocage ultra rapide et en très grand nombre qui a été fait de tee-shirts mentionnant les mots “Justice pour Nahel”... Désolé messieurs-dames les complotistes "dernier échelon", mais s’il fallait disserter sur les vidéos disponibles de cette intervention des forces de l’ordre dans le cadre d’un délit de fuite, la vidéo faite depuis l'arrière gauche de la voiture m’interpelle davantage. 

Prise de près, il est difficilement concevable que celle-ci ait pu l’être par un passant. Sinon, comme leur mission de protection des civils le demande, les policiers auraient ordonné à cette personne de s'éloigner, afin d’assurer sa sécurité. Dès lors, n'est-il pas intéressant de savoir qui est cette personne ? Évidemment, les complotistes "dernier échelon" ont déjà la réponse et affirment que, si les policiers ne se sont nullement occupés de cette personne, c’est tout simplement parce qu’il s’agissait... d’un de leurs collègues. Un protagoniste de plus à la cabale, donc.

Selon eux, tout ceci est une pièce de théâtre à laquelle se sont prêtés tous les participants dont la presse a fait état. Y compris l’infirmier, qui a été mis en prison “exprès”. Pourquoi ? Parce qu’une fois mis en prison “par le système”, les déclarations de cet infirmier feront foi sans qu'on puisse décemment remettre en question leur authenticité et affirmer que lui aussi fait partie de la cabale. Imparable ! Il faut vraiment avoir l'esprit mal placé pour tenir un tel discours, n'est-ce pas ? 

À propos du flocage des tee-shirts “Justice pour Nahel”, si celui-ci a été réalisé sur un grand nombre de pièces dans un délai très court, cela ne prouve en rien qu’il ait été décidé avant la réalisation du drame... Comparablement, au rayon des pensées (trop) rapides, billevesées et calembredaines, figure aussi l’évocation de la participation de Nahel dans un clip du rappeur Jul intitulé Ragnar. Preuve ultime de la cabale d'après eux ? Nahel réalise le signe distinctif bien connu de l’artiste Jul, en joignant les mains pour former ce que certains estiment être des cornes. Voilà donc la preuve de la matérialisation du diable ! Idem avec un autre clip, celui du rappeur 25G, qui en interpelle quelques-uns avec l’histoire d’un jeune à qui il arrive malheur, au volant d’une voiture jaune du même acabit de celle au volant de laquelle Nahel a trouvé la mort. Bigre. La date de sortie de l’album de 25G s’est produite le 7 juin, le clip sur YouTube a été diffusé avant le drame...

Peut-être faudrait-il plutôt se dire qu’aux rayons des hasards et des coïncidences, il peut y avoir simplement le fait que la personne qui a prêté la voiture à Nahel s’est inspirée de son rappeur préféré en voulant se procurer le même bolide. Une forme d’influence qui arrive de façon régulière et banale. Mais peut-être que le prêteur de la Mercedes pourra en dire plus lors de l’enquête ? Voilà qui augmenterait notre connaissance des faits de meilleure façon que d'étranges hypothèses. 

Pure coïncidence également le fait que Maître Yassine Bouzrou, l’avocat de la mère de Nahel, interprète le rôle de l'avocat dans le film Athéna. Sujet du long-métrage ? Des émeutes terribles surviennent à la suite de l'homicide d'un jeune de banlieue mineur au volant d'une voiture sportive jaune, par un policier, pour un refus d'obtempérer... Le policier fait alors feu à l’intérieur du véhicule, duquel on ne peut voir à l’intérieur du fait de vitres teintées, en tenant des propos comparables à ceux qui ont été rapportés par l’enregistrement lors de la mort de Nahel (et dont l’étude pour être certain de leur contenu est toujours en cours) : “Shoote-le”, “Arrête le moteur ou je te mets une balle dans la tête !” Ici, un avocat a simplement joué le rôle d’un avocat, son rôle. 

Est évoquée aussi, au rayon des thèses présentées comme tenant d'un complot une corrélation entre la réception en grande pompe à l’Élysée par Emmanuel Macron du fils de George Soros, une semaine avant l'affaire Nahel, et l'ultra médiatisation de celle-ci. Soros est ce milliardaire fondateur de l’ONG Open Society dont le but est de “promouvoir la gouvernance démocratique, les droits de l'Homme et les réformes économiques, sociales et légales” de divers pays. D’ailleurs, le fils, Alexander, qui semble vouloir continuer l’œuvre de George, affirme être “pire que son père”. Nous voilà rassurés : aucune raison de penser que derrière une philanthropie de façade se cacherait quelque mauvaise intention, comme par exemple, celle de mettre à vif les sociétés gérées de façon trop conservatrices afin d’amorcer de profonds changements. Les complotistes y voient tout de suite l'acceptation soumise à un nouvel ordre mondial...

Toutefois cela n'est là que fanfaronnade. Nous sommes en démocratie. En France, aucun intervenant extérieur, encore moins un particulier, ne peut influer à ce point sur les décisions qui sont prises par le président de la République, bien entendu. Voilà qui serait proche de la haute trahison. Un président qui sait qu’il ne doit aucunement, sans s’en expliquer au peuple, recevoir en catimini et de façon répétée des hommes d’affaires qui n’iraient que dans le sens de la défense de leurs propres petites affaires ou intérêts particuliers. 

Sornettes également l'ordre que des faux policiers masqués disent avoir reçu, de laisser le chaos s'accentuer afin qu'Emmanuel Macron puisse lancer l'opération “ronce”, ou ortie ? Je ne sais plus, ces histoires sont à se perdre. La “fameuse” opération militaire, dont font état les rumeurs les plus folles, évoquerait l’abandon dans une cité d’une voiture pleine d’armes à feu, par les policiers, une sorte de cadeau pour les émeutiers “sur ordre de l’Élysée”. Le même genre de récit apparaît à propos de la mise à disposition des casseurs de très nombreux sacs de pavés tous neufs, rue Marignan, à 100 mètres à peine des Champs-Élysées. Tout cela est un peu comme tiré par les cheveux sur la tête d’une personne qui porte une perruque : ça ne tient pas. 

Quant à la description de nombreux appariteurs qui seraient en fait des policiers déguisés en "racailles" et qui auraient participé au pillage et à la casse, ça non plus, objectivement, ça ne peut pas être considéré comme la preuve d'une cabale “ourdie et menée par le gouvernement” de façon à pouvoir instaurer “une dictature totale justifiée par la peur”. Pourquoi ? Parce que dans toutes les manifestations et émeutes, il y a toujours eu des appariteurs sans que cela ne change la face du monde au-delà des petites tambouilles politiciennes. Coluche en parlait, déjà, il y a plusieurs dizaines d’années et leur exercice à ses limites. 

Autre vision “complotiste” de la crise des émeutes liée à la mort de Nahel : les caïds de banlieues auraient intimé l'ordre aux "racailles" de s’apaiser pour ne pas nuire au trafic de stupéfiant, négativement impacté par tant d’agitation. Mais alors, les appariteurs auraient-ils été eux aussi rappelés dans leur bercail ? Le réel peut-il se contrôler et se résumer aussi facilement ? Difficile à penser. 

Un élément apparaît toutefois certain. Le regard des citoyens portés sur les émeutes, évoquées sans cesse dans les médias avec des images qui n’aident ni vraiment à comprendre le fond de l’affaire et ses faits, ni à saisir comment et pourquoi notre société en est arrivée là, ne se concentre pas sur ce qui pourrait vraiment changer la donne : s’occuper à nouveau des affaires de la Cité, soit faire de la véritable politique, démocratiquement, s’intéresser aux lois en cours votées en France.  

Le tapage médiatique n’aide pas à retrouver le calme et ne propose pas des analyses qui permettent d’aller au fond des choses, d’expliquer, de détailler par une pensée réfléchie les événements. Les citoyens, n’y trouvant pas leur compte, vont alors sur les réseaux sociaux en quête d’explications, de sens, de vérité. Ils ont raison. Vouloir leur couper ces sources, certes parfois brutes, ces éléments qui ne sont jamais pris au 20 Heures et qui pourtant devraient être vérifiées, débattues, approfondies, et penser que celles-ci ne font qu’aggraver les émeutes, est un contre-sens démocratique. Pourtant, il existe bel et bien une volonté de censure de la part de l'exécutif, très déplacée.

Il apparaît ici une problématique particulière. Les citoyens ont-ils encore le droit d’accéder à toute la vérité à propos d’un événement ? Pourquoi certains représentants politiques ou experts médiatiques ne devraient jouer que sur le registre de l’émotion et de la pagaille pour expliquer la situation et décrire notre société ? Pourquoi instaurer autant de manières de voir clivantes et polémiques ? Ne serait-ce pas là le signe que ceux-ci ont abandonné tout espoir de faire authentiquement de la politique et du journalisme ?

En ce sens, manipuler quelques symboles, attiser quelques rancunes, censurer ici ou là, trouver quelques boucs émissaires et en profiter pour placer quelques projets de loi peu digestes est tellement plus simple que de convaincre les citoyens et mener l’enquête. Traiter tout le monde de “complotiste” est plus facile. Mener un raisonnement complotiste sans preuve l’est aussi. Pour le politique et le journaliste, il faut les faits. Pour les citoyens, il faut l’effet d’une politique qui défend la démocratie et un système médiatique qui puisse y veiller. 

Je pense alors à cette phrase de Victor Hugo, reprise par Georges Brassens dans l'une de ces chansons sous la forme suivante, bien plus directe : “Ceux qui ne pensent pas comme nous sont des cons”. Cette phrase évoque la liberté d’expression, un principe fondamental garanti par la Constitution, un principe constitutionnel dont le respect est indispensable à l'effectivité de la démocratie : 

"Vous proférez, Monsieur, des sottises énormes. Mais jusqu'à ma mort je me battrai pour qu'on vous les laissât tenir."

Correspondance de Victor Hugo, lettre adressée à M. Jules Janin.

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