Covid-19 : plaidoyer pour une approche juste des attentes des seniors

Auteur(s)
Anne Jauffret, docteur en lettres
Publié le 06 octobre 2020 - 16:29
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Grands parents
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Grands parents avec leurs petits enfants
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TRIBUNE : Parlons de la santé de Papy et Mamie. Elle sert à justifier toute une série de mesures drastiques mettant en péril l’économie et la liberté de nos concitoyens. Mais Papy et Mamie n’ont rien demandé. Et surtout pas cette attention gênante.

Pour les jeunes seniors, en bonne santé et profitant de la vie, ils ne se sentent pas plus menacés par la covid que le reste de la population. Et pour les plus anciens, cette épidémie semble bien insignifiante.

Comme certains me l’ont dit, ils ont connu la guerre, les privations, la reconstruction, les pandémies de grippe, la guerre du Vietnam et celle d’Algérie etc …

Une pandémie qui épargne les enfants et les jeunes est un soulagement. Ces super seniors demandent juste à profiter du peu de temps qui leur reste. C’est ça : profiter. De sa famille, des amis, écouter de la musique, rire.

Papy et Mamie ne veulent pas être enfermés dans une bulle. Papy et Mamy ne pensent pas qu’on puisse faire leur bonheur malgré eux.

 

Pour attirer l’attention des seniors, des publicité clivantes

Le gouvernement veut sensibiliser les seniors au danger de la Covid. Car les seniors n’ont probablement pas compris qu’ils étaient le coeur du problème.. Tant de morts, ce n’est pas suffisamment démonstratif. Alors, on va plus loin.

A qui s’adressent ces publicités gouvernementales ? Pas aux plus âgés, qui sont faciles à enfermer dans leurs Ehpad.

Elles s’adressent aux jeunes et moins jeunes seniors.

Quelques remarques : le choix du sexe. Le choix de la catégorie concernée.

Dans les deux publicités, les vedettes sont des femmes. Alors même que les hommes meurent plus de la covid que les femmes.

Et ce sont des enfants ou adolescents qui leurs donnent la réplique.

La première publicité montre une grand-mère et son petit-fils. C’est mamie gâteau. Elle fait tout bien. Elle a bien compris les consignes. Masques, distance de sécurité etc…une mamie à l’ancienne, confinée dans sa cuisine et dans son rôle de pourvoyeuse de douceurs.

Et le petit fils est parfait. Masque etc…pourvoyeur lui de distraction intelligente avec sa guitare.

Pour eux, tout va bien. Félicitations, applaudissements.

Mais il existe une deuxième mamie. Plus jeune que la première, plus urbaine, plus branchée. Dans ce spot tout le monde fait n’importe quoi ! Les petits enfants, non masqués, embrassent leurs amis. Et s’amusent, my God !

Mamie fête son anniversaire avec enfants et petits-enfants. Tout le monde rit et s’amuse. Mais Mamie n’est pas masquée, le reste de la famille non plus. Et surtout, Mamie fait une grosse bêtise : elle pose pour une photo de famille, sans respecter les distances de sécurité.

Mamie n’a pas écouté les consignes, alors, Mamie est punie : hôpital, tubes dans les veines, respirateur…on pense que mamie ne va pas s’en sortir.

Ces deux publicités racontent deux histoires, avec une morale qui doit nous interpeller.

On pourrait en rire, tant les messages de ces publicités sont linéaires.

Mais ces messages font passer l’idée que nos petits enfants sont des assassins potentiels, qu’ils ont la responsabilité de la vie et de la mort de leurs grands- parents.

Ces publicités font croire que le virus ne tue que si nous sommes désobéissants.

Cela enlève toute responsabilité à ceux qui nous gouvernent, et même à ceux qui nous soignent.

Les publicitaires, dans des cas aussi graves, devraient s’inspirer de la réalité plutôt que de raconter des contes de fées.

 

Mettre sur les épaules des personnes âgées des décisions absurdes, ça suffit !

Les plus de 65 ans représentent 19% de la population française. Certains exercent encore une activité professionnelle, bon nombre de séniors pratiquent des activités sportives, beaucoup sont engagés dans de multiples associations, présidents de club, en charge d’alphabétisation, garde d’enfants, jour, nuit, week-end et vacances, beaucoup voyagent.

Présenter les séniors comme des irresponsables ou des potiches est à la fois insultant et contreproductif : ils font tourner l’économie, contribuent à maintenir le liant et les liens dans une société qui s’atomise chaque jour un peu plus.

Papy et Mamie ont bon dos, pour eux on confine 66 millions de français, dans la Creuse comme à Paris intra-muros, on les sanctionne lorsqu’ils sortent à vélo pendant leur heure de sortie durant le confinement.

Pire, leurs enfants se sentent maintenant responsables de leur irresponsabilité présumée. Et oui, ils osent aller au supermarché ou à la plage, et même jouer au bridge ou aller au restaurant. Dépossédés de leurs statuts d’aînés, ils deviennent des choses à gérer, pris dans les filets de multiples interdictions, celle de sortir, voir leur famille, s’amuser.

Encore pire, que dire lorsque l’on voit dans les pharmacies des affichettes montrant un tout jeune garçon déguisé en clown demandant à ses grands-parents de se vacciner contre la grippe. « Papi, Mamie, pour profiter des bons moments…protégez-vous contre la grippe. » (Mylan)

Cela suggère qu’un petit enfant qui n’a même pas l’âge de traverser la rue seul a capacité à donner des ordres à ses grands-parents. Et cela suppose que les grands-parents sont moins responsables que des enfants.  

Justifier l’ensemble de mesures extrêmes par la protection des seniors a pour conséquence de leur ôter leur dignité, de les rabaisser dans leur statut, de les priver de la nécessaire considération qui leur est due.

Ca suffit.

 

Un peu de bon sens

Papy et Mamie ne demandent que du bon sens, et du bon goût si cela est encore possible.

Un peu de discernement dans l’action politique. On n’immobilise pas un pays, une jeunesse au bénéfice des personnes âgées. On gère le risque.

Ne faisons pas passer les seniors pour les enfants de leurs petits-enfants. En tant que parents et grands-parents, ils sont le ciment de la famille et de la société.

Les seniors ne sont pas une catégorie à part, ils ne veulent pas être stigmatisés. Ils veulent apporter un peu de leur expérience et de leur légèreté à une société anxiogène.

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