Face à la crise, les préfets ont tenu bon
TRIBUNE : Comme le dispose la Constitution, dans chaque département, le préfet, « représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. » Chargé de la mise en œuvre des politiques publiques, il dirige l’action des services de l’Etat et participe à l’animation des territoires aux côtés des collectivités locales, avec lesquelles l’unissent des liens anciens. Chargé de l’ordre public et de la sécurité des populations, il veille à l’aménagement et au développement du territoire, en matière économique, environnementale, sociale, culturelle.
Mais c’est dans les temps durs, face aux adversités, que traditionnellement les préfets sont le plus attendus. La crise sanitaire que nous avons connue en a été une nouvelle illustration. Quand début janvier, l’OMS a annoncé l’apparition d’un nouveau virus en Chine, les préfets ont su qu’ils devaient se préparer à une éventuelle crise. Dans les semaines qui ont suivi, il leur a été demandé de préparer l’accueil de nos ressortissants qui quitteraient la région de Wuhan pendant que les agences régionales de santé (ARS) se mettaient en mesure de répondre à une possible épidémie.
Le mois de février a constitué un basculement inédit : quand les préfets continuaient à gérer d’importantes manifestations notamment les 15, 21, 28 février et 5 mars, l’épidémie se propageait en Italie du Nord, dans l’Oise, en Haute-Savoie et, surtout, dans le Haut-Rhin, et le ministre de la santé annonçait la mise en alerte, le 23 février, de 70 hôpitaux. Les préfets basculaient alors d’une gestion d’ordre public dans une crise sanitaire, avec la mise en œuvre d’un confinement progressif ; en plusieurs étapes, les grands rassemblements étaient interdits et nos concitoyens devaient rester chez eux, les préfets étant chargés, en mobilisant les policiers et gendarmes, du respect du confinement.
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Dans tous les départements, pour répondre à la demande des structures hospitalières, les préfets mobilisaient les stocks de masques dans les services de l’Etat mais aussi dans les entreprises et les collectivités qui s’en dessaisissaient volontairement au profit des soignants. Des achats massifs de masques étaient décidés aux niveaux national et régional. En Grand Est, par exemple, la préfète de région et l’ARS faisaient distribuer plus de 70 millions de masques aux hôpitaux, EHPAD et autres établissements médico-sociaux. Des évacuations sanitaires par avion et train étaient organisées en mars vers des régions françaises, allemandes et belges moins touchées, avec l’aide des sapeur-pompiers, de la Croix-Rouge et des associations de protection civile, et le président de la République ouvrait un hôpital militaire à Mulhouse. Le confinement, les évacuations sanitaires et le doublement des capacités de réanimation, grâce à une réactivité remarquable de nos hôpitaux, permettait d’éviter la saturation du système de santé. Une politique de tests, de suivi et d’isolement des personnes touchées est conduite maintenant pour éviter toute reprise massive de l’épidémie ; chaque jour, les équipes des ARS et des préfectures traitent de nouvelles apparitions de la maladie afin d’en éviter la propagation.
Deuxième temps de la crise, les préfets furent ensuite chargés, à partir du 11 mai, des mesures de déconfinement et de l’accompagnement progressif de la reprise, secteur par secteur, avec la mise en œuvre de protocoles sanitaires définis par une cellule de crise interministérielle. Avec les rectorats et les maires, puis les conseils départementaux et régionaux, il faut, en plusieurs étapes, rouvrir, en tout ou en partie, les écoles, collèges et lycées, dans la concertation locale. Les préfets mettent en place également avec les services du travail, des finances publiques, de la Banque de France, des mesures d’accompagnement des entreprises par le financement de l’activité partielle, des prêts de trésorerie et des reports de charges. Tous les jours, des centaines de situations particulières sont analysées, en coordination avec la cellule nationale, afin de répondre aux questions légitimes de nos concitoyens qui cherchent à reprendre leur activité en toute sécurité.
Troisième temps de la crise, les préfets de la République s’apprêtent maintenant à gérer une reprise qui sera difficile, avec des difficultés économiques qui touchent déjà les entreprises les plus fragiles. Le rôle des conseils régionaux dans le soutien aux entreprises et dans la formation, des conseils départementaux dans l’insertion et de Pôle emploi dans l’accompagnement sera primordial pour guider les demandeurs d’emploi avec les chambres consulaires et les branches professionnelles. Les maires, dans chacune de leur commune, et les présidents d’intercommunalités, qui relayent les consignes gouvernementales et qui prennent les initiatives adaptées à leur territoire, seront encore au premier plan.
Tout au long de cette crise inédite, les préfets, avec le réseau des sous-préfets, ont pu s’appuyer sur les administrations économiques et sur les forces de l’ordre en concertation avec tous les acteurs du territoire et en premier lieu les collectivités locales. Avec les ARS, ils ont bénéficié de l’excellence de notre système de santé, hôpitaux d’Etat, cliniques privées et professionnels libéraux de santé. En recourant massivement aux visio et audio-conférences, ils sont restés en contact pendant toute la crise avec les parlementaires et les collectivités locales ; en intervenant sur les réseaux sociaux, ils ont, sans relâche, écouté, informé, expliqué.
Comme après toute crise, il faudra tirer les leçons des mois que nous venons de vivre et notamment s’interroger sur les rôles respectifs des préfets et des ARS en période de crise. L’amélioration de l’appareil statistique devra leur permettre de jouer au mieux leur rôle de pilote. Enfin, une plus grande marge de manœuvre pourra leur être confiée localement.
A ces trois conditions, les préfets seront à même de mieux tenir leur rôle de chef d’orchestre et de s’assurer de la meilleure coopération possible avec les acteurs des territoires, à commencer par les collectivités locales.
Hommes et femmes de décision mais aussi de dialogue, les préfets ont tenu bon le gouvernail dans la tempête, sous l’impulsion des plus hautes autorités de l’Etat. Ils ont été les représentants actifs d’un Etat résilient et ne demandent qu’à voir consolidé ce rôle de responsables de premier plan.
Michel CADOT, président de l’association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur, préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris
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