L'impossible second mandat présidentiel

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Alain Tranchant, pour FranceSoir
Publié le 14 octobre 2022 - 14:40
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L'avis Tranchant d'Alain
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"Quand on regarde l'histoire de la Vème République, il faut bien convenir qu'une espèce de malédiction pèse sur ce second mandat."
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CHRONIQUE -  Il l'a voulu. Il l'a eu. Après une campagne présidentielle totalement insipide, et surtout à la faveur du 24 février 2022, c'est-à-dire de l'entrée en guerre de la Russie contre l'Ukraine, Emmanuel Macron a donc obtenu le renouvellement de son mandat à l'Élysée.

Estimant la jouer fine, comme on dit en langage populaire, le président de la République a alors considéré que les mêmes causes produisant les mêmes effets, il obtiendrait sans coup férir une large majorité à l'Assemblée nationale, lui permettant de disposer des moyens de gouverner le pays à sa main. Ne l'entendant pas de cette oreille, le peuple français ne lui a accordé qu'une majorité relative de députés au Palais Bourbon, qui n'est au fond que le reflet de la confiance relative portée à l'élu du scrutin présidentiel.

Quand on regarde l'histoire de la Vème République, il faut bien convenir qu'une espèce de malédiction pèse sur ce second mandat. 

C'est le général de Gaulle, confortablement réélu en décembre 1965 -même s'il a fallu deux tours de scrutin, mais aucun président n'a depuis été élu au premier tour - qui n'obtient qu'une voix de majorité aux élections législatives de mars 1967, et qui voit son pouvoir, ébranlé par les évènements de mai 1968, s'achever avec le référendum manqué du 27 avril 1969, plus de trois ans et demi avant le terme constitutionnel de décembre 1972.

Ce sont Valéry Giscard d'Estaing et Nicolas Sarkozy, candidats à un second mandat, qui sont battus par François Mitterrand et François Hollande.

C'est François Mitterrand qui, par l'effet prévisible de la cohabitation avec Jacques Chirac entre 1986 à 1988, est réélu en 1988, mais dont le second mandat se termine par un autre gouvernement de cohabitation, avec Edouard Balladur, entre 1993 et 1995.

C'est Jacques Chirac qui est facilement réélu en 2002 face à Jean-Marie Le Pen, mais qui ne sait que faire de son mandat, au point d'être relégué parmi "les rois fainéants" par son successeur, Nicolas Sarkozy.

C'est François Hollande qui, en 2017, renonce même à solliciter les suffrages des Françaises et des Français.

Et, aujourd'hui, alors que le quinquennat n'a que 6 mois, c'est Emmanuel Macron qui apparaît comme empêché et brandit la menace de la dissolution de l'Assemblée nationale, prérogative certes accordée par la Constitution de 1958 au chef de l'Etat, sans contreseing de qui que ce soit, au contraire des Républiques antérieures. Mais la décision de renvoyer les députés devant le corps électoral est à prendre avec précaution. Si les élections consécutives à la dissolution apportent une majorité confortable au général de Gaulle en 1962 -c'était après l'attentat du Petit-Clamart et sa décision de recourir au référendum direct de l'article 11 pour réviser la Constitution et inscrire dans nos institutions l'élection du président de la République au suffrage universel - en revanche la dissolution de 1997 amène une majorité de gauche à l'Assemblée nationale et impose à Jacques Chirac cinq longues années de cohabitation avec Lionel Jospin.

Tout cela pour dire qu'à mon point de vue, c'est sans doute Michel Debré qui avait raison quand il préconisait, dans l'après de Gaulle et pour l'après de Gaulle, un mandat présidentiel d'une durée plus longue (sept ans) que celle des députés (cinq ans), et surtout un mandat unique, sans reconduction possible, à la seule exception de circonstances exceptionnelles.

À l'heure où M. Macron évoque une refondation, voilà au moins une révision constitutionnelle qui mériterait d'être soumise au peuple français par un référendum direct, comme au temps de la République gaullienne. On m'objectera - c'est l'éternel argument ! - qu'un président en fin de mandat unique verrait son autorité fortement contestée et diminuée. Mais n'est-ce pas déjà le cas quand des membres du gouvernement se précipitent dès maintenant au portillon pour l'élection présidentielle de... 2027 ? À cette objection, je répondrai aussi, et surtout, qu'un chef d'État qui ne serait pas soumis à l'obligation sinon de droit, du moins de fait, de se représenter aurait les mains entièrement libres pour faire valoir, et surtout pour faire prévaloir "ce qui est salutaire à la nation" et "ne va pas sans blâmes dans l'opinion et sans pertes dans l'élection", comme l'écrit le général de Gaulle dans ses Mémoires d'espoir.

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