Macron tient salon...
CHRONIQUE — Si vous n'aviez rien de prévu en ce mercredi 15 décembre, vous pouviez toujours vous connecter sur TF1 ou LCI. Ce n'était pas "Au théâtre ce soir", mais "Macron tient salon". Le président de la République recevait, en son palais, deux personnes de bonne compagnie, avec lesquelles il allait deviser deux heures durant.
Certes, il n'allait pas en sortir grand-chose, sinon que l'homme - "quelqu'un d'affectif, mais qui le cache" - avait trouvé "terriblement blessant" d'être comparé au néant par Éric Zemmour, lui qui n'avait pourtant pas hésité à dire que, dans une gare, on rencontre "des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien", entre autres compliments dont il a pu gratifier le peuple français. Et, deux journalistes publient ces jours-ci, sur l'hôte de l'Élysée, un livre intitulé : "Le traître et le néant"...
On a coutume de dire que, pour assister à un beau match de football, il faut qu'il y ait sur le terrain deux équipes décidées à produire du jeu, du spectacle, et pas simplement à défendre becs et ongles l'accès à leurs filets. Sans doute en est-il de même pour une interview normale d'un chef d'État par des journalistes. L'autre soir, on avait plutôt le sentiment que les journalistes étaient d'autant moins enclins à pousser le chef de l'État dans ses retranchements qu'ils savaient pertinemment que les conditions de l'émission - en différé, c'est plus facile, n'est-ce pas ? - permettaient ensuite de passer les ciseaux si nécessaire... Et, quand on enregistre le dimanche pour diffuser le mercredi suivant, on a tout le temps pour peaufiner l'ouvrage !
Comme il ne s'est pas dit grand-chose, le commentateur en est aussi réduit à observer... ce qui n'a pas été évoqué ! "Je ne vais pas refaire l'histoire", a affirmé M. Macron à propos de la pandémie de Covid-19. Mais, c'était tout de même un peu ressemblant.
Dans les 20 minutes qui ont été consacrées au Covid-19, on a évidemment entendu - il faut bien continuer à entretenir un climat de terreur ! - qu'on "voyait la mort roder" en Italie au début de la pandémie, et dans le sud de la botte. Bigre ! Que l'on a eu recours à "la solution la plus archaïque, le confinement ; on ferme tout". Que "la Chine a confiné, confine encore". Là, on se demande si la Chine n'est pas son modèle, et l'on sait jusqu'où va le contrôle de la population dans l'empire du Milieu. Juste un mot pour la Suède, et le contre-exemple est balayé d'une boutade. S'agissant des masques, le président concède : "Il n'y avait pas de stock de précaution, comme si nous étions en guerre".
Sur la "vaccination", M. Macron a fait le demi-aveu de son envie de la rendre obligatoire pour tous. Il la considère comme "souhaitable" pour les enfants, "tous les experts le lui ont dit" ! "C'est le choix des parents" ; "aujourd'hui, il n'y a pas d'obligation". Et, pour le reste de la population, parce que "nous sommes vulnérables", "il est vraisemblable qu'on va aller vers des rappels réguliers". Bientôt, on ne comptera plus les doses !
Les journalistes de service à l'Élysée auraient pu demander à M. Macron s'il n'avait pas été avisé par M. Salomon, son conseiller Santé avant la présidentielle, que la France n'était pas en état de faire face à une pandémie, dès... octobre 2016. Mais, cela aurait été lui faire une mauvaise manière. Ils auraient pu lui parler des traitements de la maladie, même et y compris ceux qu'il avait annoncé aux Français pour la mi-décembre 2021. Cela ne se fait pas quand on est invité au salon présidentiel. Ils auraient pu l'interroger sur la mise entre parenthèses prolongée du fonctionnement normal de la démocratie parlementaire, quand il avançait, non sans audace : "On oublie de dire le nombre de débats qu'il y a eu". Mais, il n'était pas davantage convenable de lui faire observer que le pouvoir s'exerçait désormais dans le secret du Conseil de défense...
Sur les affaires de M. Benalla, qui fut un de ses proches collaborateurs, le chef de l'État banalise : "ce n'est "pas une affaire d'État, mais une affaire d'été". Sur les Gilets jaunes, il estime que "toutes les paroles ne se valent pas" et que "des gens ont été démocratiquement élus pour porter la voie du peuple". Et, là, il était facile de lui rappeler que c'est bien lui, Emmanuel Macron, qui avait mis en place un comité Théodule (aurait dit de Gaulle) pour réviser et "verdir" la Constitution en son article premier. Mais, le comité et le projet de révision constitutionnelle sont passés à la trappe...
Quant au pauvre M. Hulot, "en 2018, nous avons vu M. Hulot avec le Premier ministre ; il a nié". Et les deux têtes du pouvoir exécutif ont eu, en face d'eux, "un homme manifestement blessé". Alors, que dire des victimes ? Samuel Paty décapité ? "Je ne ferai pas de hiérarchie" des moments difficiles. Les minutes de silence sifflées ? "Nous triompherons" ; "il faut convertir les esprits". Mais pas un mot pour les catholiques et les attentats dont ils ont été l'objet. Un grand remplacement ? "Il n'est pas là" ; "on a ségrégé notre pays".
À propos de la politique stricto sensu : "Les candidats de l'opposition font de la politique". Sous-entendu : moi, non ! Est-il le président des riches, se hasarde à demander la journaliste. Là, agacement mal contenu : "Je vous remercie de faire la publicité de mes opposants". Et, les ciseaux ne sont pas passés sur cette réplique ! Enfin, question saugrenue : Êtes-vous en campagne ? "Au moment où je vous parle, je me dois de passer ce cap de la 5ᵉ vague".
Tout le monde avait bien compris, dès l'annonce de cette intervention télévisée, que M. Macron avait pour objectif de saturer l'espace cathodique. D'abord, comme le titre le Figaro du jour, "Macron s'invite à la table des réveillons". Sa candidature à un second mandat sera donc annoncée plus tard. Peut-être quand les sondages lui seront plus favorables... Pour le moment, d'après un récent sondage d'Odoxa Backbone Consulting, 63 % des Français ne souhaitent pas qu'Emmanuel Macron se présente à nouveau en 2022.
Ultime déclamation : "Je ne suis pas là pour conserver le pouvoir". Encore heureux ! C'est le peuple français, et lui seul, qui détient la souveraineté nationale. Rendez-vous en avril 2022...
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