Qui sème le vent récolte la tempête !

Auteur(s)
Cédric d'Ajaccio
Publié le 30 mars 2023 - 12:45
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Manifestation réforme retraites
Crédits
F. Froger / Z9, pour France-Soir
Manifestation contre la réforme des retraites, le mardi 28 mars 2023, à Paris.
F. Froger / Z9, pour France-Soir

TRIBUNE/OPINION - On pourrait s’en tenir à ce proverbe biblique, qui dit tout. Car c’est un vent violent qui souffle depuis longtemps sur la France et les Français. Les rues parisiennes jonchées de poubelles, un Élysée en état de siège, conséquences de la froide violence légale qui se décide et s’obstine dans des réunions feutrées.

Des gens du même monde y lient de pesants fardeaux dont ils chargent les épaules du peuple laborieux : ils ne tiendraient pas une journée sur un chantier du bâtiment, une chaîne automobile, dans un abattoir, à débarrasser les ordures ménagères, comme aide-soignante ou à conduire un métro. Il n'y a pas de génération spontanée de la tempête sociale, elle est suscitée. 

Le gouvernement et les députés « Renaissance » (1) ont raison de dire que les syndicats n’ont pas réussi à « mettre la France à l’arrêt » et à « mettre la France à genoux ». 

Il faut bien le reconnaître : seul le président peut se targuer d’être parvenu à ces deux résultats.  La France à l’arrêt, ce fut chose faite le 16 mars 2020 après sa déclaration de guerre donquichottesque au Sars-CoV2, au moyen d'un brillant repli stratégique (le confinement dans nos logements, propice à la tranquille contamination familiale).  

Avouons-le : il n’y a eu que lui pour avoir osé faire cela dans toute l’histoire de France, et pour noyer la vague de protestation que cette folle décision devait soulever, sous la perfusion budgétaire d’un déraisonnable « quoi qu’il en coûte », portant le déficit public de 73 Mds € à la bagatelle de 211 Mds € en 2020. Feignons aussi d’oublier que cette déclaration de guerre du chef des armées invitant au repli général avait opportunément permis d’éviter la déroute de la majorité présidentielle aux élections municipales de 2020.  

Et il est en train de faire sous nos yeux la preuve qu’il peut encore le refaire aujourd’hui, sourd à la protestation de fond contre une réforme inutile, puisque l’allongement de la durée de cotisation y compris dans les régimes spéciaux est déjà réalisé, sous la forme de décotes en cas de départ à la retraite avant une carrière pleine, en vertu de la Loi Touraine. Marisol Touraine s’est d’ailleurs exprimée clairement contre le projet actuel (2), qu’il vaudrait mieux nommer projet de dégradation des conditions de vie des moins bien lotis.  

Quant à mettre la France à genoux et l’humilier, il s’agit là, si l’on relie la chaîne des propos et du langage corporel du personnage, d’une obsession personnelle : il n’y a à nouveau que lui pour avoir réussi à le faire et même s’acharner à le faire. Il l’a fait face au mouvement populaire inédit des gilets jaunes, que les provocations policières sont parvenues à rendre violent pour le disqualifier et qui a été réprimée avec une violence policière inédite (selon Libération (3), 82 blessés graves et 12 personnes éborgnées).  

Il a d’ailleurs récemment confirmé son écrasante victoire passée face au gilets jaunes, dont le mouvement était parti de hausses historiques du prix du carburant. En arrachant à Patrick Pouyanné le plafonnement du prix de l’essence à 1,99 €, il signe un véritable pied de nez aux gilets jaunes, désormais enfermés dans une colère muette qui ne devrait rassurer personne.

On se rappelle mal qu’à l’automne 2018, le Pays était au bord du chaos, dont il n’a été sauvé que par le tour de magie du président. Son discours très attendu du 18 décembre, dans lequel il jouait à quitte ou double, a réussi à noyer le mouvement par la promesse d’un Grand Débat national.

Grand Débat qui a rapidement tourné au Grand One Man Show présidentiel organisé par les préfets, sans déboucher sur quoi que ce soit de mémorable. Sinon le renforcement de l’orgueil présidentiel, gonflé de son pouvoir d'illusionniste, capable d’imposer cette « sortie de crise consultative » selon les « éléments de langage » d’alors. « Les Français sont conifiés par les mots », disait Céline.  

Mettre la France à genoux, il a à nouveau réussi à le faire avec le discours du 12 juillet 2020, malgré les protestations de centaines de milliers de Français de tous horizons, et ce en plein été. En créant un impensable apartheid entre les Français vaccinés et non-vaccinés, grâce à un enrôlement volontaire des médias bénéficiaires de la manne publique (3 Mds € entre 2020 et 2021).  

Ces coups de force à répétition ont laissé des traces indélébiles : les remords après une soumission arrachée par un Machiavel décomplexé, des syndicats piégés par « la science » et cette forme d’expérience de Milgram (4) à grande échelle que fut la gestion politique de la crise sanitaire. 

Malgré une maltraitance prolongée par des médias à la botte, qui ont taxé toute critique de la gestion sanitaire de « complotisme » (5); malgré la vertu alzheimerienne du présentisme qui domine les sociétés contemporaines, les Français n’ont pas tous perdu la tête, ni la mémoire. Le moment de l’addition est arrivé, et elle est salée. 

Les Français ont encore du mal à comprendre comment une soudaine politique d’open bar consistant : 

1) à payer à ne rien faire toute une partie de la population empêchée de travailler en vertu de protocoles sanitaires délirants et incohérents;  

2) à généraliser les tests « gratuits » pour tout le monde mais chèrement payés par la CNAM et finalement sans grande signification compte tenu de la quantité de positifs asymptomatiques;  

3) en une politique vaccinale tous azimuts aux frais de la princesse.  

Bref, comment une politique consistant à jeter par les fenêtres des dizaines de milliards d’euros sortis comme par magie d’un chapeau présidentiel père fouettard et père Noël à la fois, pouvait ne pas mettre en faillite la France. 

Comment, a contrario, une prévision de déséquilibre du régime des retraites de quelques milliards dans quelques années pourrait-elle mettre la France en faillite ? Il semble que la crédulité et la patience d’une population aient trouvé leur limite.  

Une question demeure : un pays aussi longtemps abîmé par ses dirigeants et descendu aussi bas peut-il se relever ?   

(1) Il faudrait psychanalyser ce nouveau nom de baptême de ce qui fut « La République en Marche ». Si elle doit renaître cela signifie a priori qu’elle était morte… 

(2) « Marisol Touraine fustige la réforme des retraites qualifiée de ‘passeport pour le populisme d’extrême-droite’ ». 

(3) Cf. Checknews du 12 janvier 2019.

(4) Voir à ce sujet l’explication vulgarisée et remarquablement mise en scène de l’expérience de Milgram dans le film d’Henri Verneuil, I Comme Icare de 1979, avec Yves Montand.  

(5) Voir la lente construction aux États-Unis par la CIA de la mise en cause des « théories du complot » après la sortie du rapport peu crédible de la Commission Warren d’enquête sur l’assassinat du Président Kennedy, puis celui de son frère candidat à la présidence qui risquait de rouvrir le dossier de l’assassinat de JFK, in Aux origines de la « théorie du complot » par Lance Dehaven-Smith, paru en 2013 aux États-Unis, en 2022 en France aux éditions Yves Michel.  

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