A Orléans, un concours à la sauce Top Chef pour des demandeurs d'emplois
Albert a fini de dresser son assiette, il peut souffler. Au Centre de formation d'apprentis (CFA) d'Orléans, comme dix autres demandeurs d'emplois fous de cuisine, il s'est démené pour un concours à la sauce Top Chef, imaginé par Pôle emploi et qui peut lui ouvrir les portes d'un stage.
Devant un jury de professionnels, ces cuisiniers du dimanche testent leur compétence mais aussi leur envie de travailler dans un secteur "exigeant", qui peine à recruter partout en France.
En 2017, les intentions d'embauche dans le secteur hôtellerie-restauration se montaient à plus de 6.000 dans le département du Loiret. Et difficile de trouver des candidats, en cuisine comme en salle.
L'idée a alors germé dans la tête de Claire et Laurent, deux conseillers Pôle Emploi: "pourquoi ne pas faire un concours comme on en voit à la télé?" et susciter des vocations pour des demandeurs d'emplois qui n'ont ni diplôme, ni expérience du secteur mais sont fous de cuisine.
L'expérience baptisée "Les Toqués de l'emploi" a déjà été tentée à Bayeux et Narbonne.
Lettre de candidature, tests, formation en hygiène et, deux mois plus tard, 11 candidats se retrouvent sur le gril un lundi matin pour l'épreuve finale. A la clé, un stage dans une cuisine de la région.
Au menu: croustillant de saumon, julienne de légumes, beurre blanc pour l'entrée et suprême de volaille, duxelles de champignons, pommes darphin et purée de potiron pour le plat agrémenté de moutarde d'Orléans.
Les recettes ont été dévoilées avant le week-end, avec des tutoriels. Au petit matin, les candidats ont trouvé les ingrédients et doivent "envoyer" leur plat à l'heure.
- 'Se faire une idée du métier' -
La "salle de dégustation" du CFA n'a jamais aussi bien porté son nom. "Je mange du saumon depuis 10h30 mais je peux continuer!", plaisante Frédérique Laubray, directrice de l'agence Pôle emploi Orléans nord, de nouveau invitée à goûter un croustillant.
Penchés sur les assiettes, les chefs de la région livrent leurs avis, sous l'oeil attentif d'un professeur du CFA, Florent Doittee.
Celui-ci compile les notes, pour la présentation, la température, la cuisson, le goût et l'assaisonnement. "Il y a du moelleux ? Du croustillant ?", interroge-t-il, façon émission de télé-réalité.
"La cuisson, je mettrais 5, car là c'est un peu cru la patate", s'emballe dans le jury le député Modem du Loiret Richard Ramos.
Devant un autre suprême de volaille, Gilbert Guttin, restaurateur à Pithiviers, a la dent dure et s'emporte face à deux de ses collègues: "moi, je ne sers pas ça dans un restaurant!".
"Je suis un peu psychorigide car il y en a qu'on va embaucher et d'autres qui ont du chemin à faire", explique-t-il ensuite.
Au député qui exhorte les professionnels à ne pas décourager les jeunes, Valérie Beaudoin, restauratrice, rétorque: "mais c'est un métier d’exigence, faut arrêter de fanfrelucher!"
"On ne peut pas se faire une idée du métier tant qu'on y a pas mis les pieds", explique-t-elle. D'ailleurs, personne ne cache que les ruptures de contrat y sont fréquentes et le turn-over important.
Cela ne fait pas peur à Albert.
Sommelier de profession, il a remporté le concours et comme les trois premiers, un stage d'une semaine dans la cuisine d'un restaurant de la région.
A 50 ans, il va pouvoir peaufiner son projet d'entreprise, épicerie, table d'hôte où il se voit "en cuisine".
Un des membres du jury, Sami Copti, a, lui, repéré un futur apprenti. Il n'en a plus depuis quelques semaines et ne parvenait pas à trouver. Car l'idée est aussi de favoriser les prises de contacts dans le secteur, y compris pour ceux qui n'ont pas figuré aux premières places.
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