Le gouvernement va-t-il annuler la présidentielle ou instaurer le vote par correspondance ?

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FranceSoir
Publié le 27 décembre 2021 - 17:40
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Urne Lyon 2020
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JEFF PACHOUD / AFP
Une urne lors des élections municipales à Lyon le 15 mars 2020.
JEFF PACHOUD / AFP

C’est une question désormais présente dans le débat médiatique. Si Emmanuel Macron, Gabriel Attal et Olivier Véran assurent qu’aucun report ou annulation de l’élection présidentielle prévue en avril 2022 n’est envisagé, une source gouvernementale citée par le journal le Parisien sème le doute dans les esprits.

Le gouvernement affirme que l’élection aura lieu

« Non », il n’y a pas de risque d’annulation de la présidentielle, garantissait Olivier Véran mercredi dernier sur RMC à un Jean-Jacques Bourdin qui paraissait surpris de ne pas voir la France instaurer plus de mesures de restriction, comme le font d’autres pays d’Europe.

Quant au report de l’élection suprême, la veille sur France 2 lors des Quatre Vérités, Gabriel Attal affirmait que cette option était catégoriquement exclue. À la question de Caroline Roux « est-ce que le report d’une date de l’élection est totalement exclu à ce stade ? », le porte-parole du gouvernement balayait le sujet d’un revers de main :

« Ni sur la table, ni en dessous de la table, ni dans le placard à côté de la table. Les élections présidentielles sont prévues au mois d’avril prochain. Elles se tiendront. On a tenu des élections pendant cette épidémie : des élections locales. Il y a d’autres pays qui ont tenu des élections nationales. Il y a maintenant des protocoles sanitaires. On est masqué quand on se rend dans un bureau de vote. On votera en avril. »

Une promesse qui aurait été réitérée par le chef de l’État lors du Conseil des ministres du 22 décembre. Emmanuel Macron assure que « les échéances démocratiques seront maintenues », a fait savoir Gabriel Attal à son issue.

Derrière les caméras, un autre discours

Officiellement, le gouvernement jure que le calendrier sera maintenu. Mais ce qui se dit dans les couloirs de l’Élysée sur la tenue de la présidentielle est autrement différent: « Cela va être LE sujet, mais on ne sait pas où on en sera en avril 2022, on ne peut pas garantir qu'on ne sera pas en septième vague », a confié une source gouvernementale au Parisien.

Au regard des revirements successifs du gouvernement depuis le début de l’épidémie, que ce soit sur les masques, le pass sanitaire, le pass vaccinal, ou encore l’obligation d’injections supplémentaires pour conserver son QR code, la parole de l’exécutif a sans surprise immédiatement été remise en cause sur les réseaux sociaux. Aussi, l’actrice franco-américaine Béatrice Rosen tempêtait sur Twitter : « Je ne les crois plus sur RIEN. Ils sont capables de tout. Ils se sont reniés sur tout. »

L’opposition a aussi exprimé sa défiance vis-à-vis des promesses orales du gouvernement. « Quand Olivier Véran fait une déclaration, il faut s’attendre à ce qu’il se passe en réalité le contraire… », prédisait sur le même réseau Eléonore Bez, conseillère régionale du Rassemblement national en PACA :

« Le même disait « non » aussi au Pass, puis à son extension aux restos, puis à sa prolongation, puis à la 3è dose, etc. », rappelait pour sa part le président des Patriotes, Florian Philippot:

Il faut dire qu’un climat de suspicion plane autour des intentions du gouvernement depuis que trois amendements demandant l’exemption de pass sanitaire dans les bureaux de vote ont été rejetés lors de l’examen du projet de loi cet été, comme le dénonçait l’ancien député LREM Joachim Son-Forget le 22 juillet sur Twitter (son compte a depuis été suspendu).

Modifier la Constitution en dernière minute pour reporter l’élection ?

Dimanche 19 décembre, le Journal du Dimanche expliquait à ses lecteurs « comment l’exécutif pourrait reporter le scrutin en cas de besoin ».

Comme la Constitution ne prévoit pas cette éventualité, l’article 8 disposant que l’élection présidentielle doit se dérouler avant la fin du mandat du président en exercice, ici le 14 mai 2022, le média annonce que le gouvernement Macron pourrait, s’il le souhaite, tout bonnement modifier le texte fondateur de la Ve République.

C’est en tout cas ce que pense Didier Maus, expert en droit constitutionnel et président de la Commission des statuts du Parti républicain, radical et radical-socialiste : « Rien n'interdit le 15 mars par exemple, de modifier la Constitution. Cela peut se faire en huit à dix jours, avec une loi constitutionnelle qui modifie la durée du mandat du président en cours. » Le constitutionnaliste ajoute : « Cependant, ça déplairait aux puristes. »

Une phrase qui n’a pas manqué de faire réagir le président des Patriotes dans une vidéo du 20 décembre 2021 : « Ça prouve quand même leur culot. Donc aujourd’hui, juste faire valoir la norme, c’est être puriste ? Non. Ce n’est pas être puriste, c’est respecter l’État de droit. »

Le JDD conclut son article en soulignant que le Conseil constitutionnel pourrait aussi repousser le scrutin au-delà des limites prévues par le texte de loi dans le cas de figure où un candidat serait malade…

Que l’élection soit annulée ou repoussée, il semble, en revanche, admis par le pouvoir en place que ce rendez-vous démocratique ne sera pas organisé dans des conditions normales.

Bientôt l’instauration du vote par correspondance ?

Mercredi 22 décembre, le Parisien rapportait qu’une rencontre en janvier 2022 avec Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, a été demandée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, chargé de l’organisation de l’élection. Son entourage le confirme : « Le ministre va demander un rendez-vous à Laurent Fabius pour discuter des modalités de scrutin dans le contexte sanitaire », sans apporter plus de précisions.

Cela signifie-t-il que le vote par correspondance, interdit en 1975 pour empêcher la fraude électorale, pourrait être réhabilité à la faveur de la crise sanitaire ?

En tous les cas, il existe une hostilité à ce mode de scrutin au sein d’une large part de la classe politique. Des personnalités politiques comme Jean-Luc Mélenchon, Marine le Pen, Florian Philippot, Eric Zemmour ou encore François Asselineau et Valérie Pécresse ont dénoncé le risque de fraude inhérent à ce système.

En revanche, dans les rangs de la gauche républicaine, on ne ferme pas la porte à cette option. Emmanuel Macron est ouvert à cette éventualité, rapportait Sud-Ouest. Tout comme ses anciens confrères du Parti Socialiste, qui ont déposé fin septembre une proposition de loi en vue de l’instaurer, relatait le Parisien.

Les Verts soutiennent aussi ce mode de votation pour la présidentielle. Ce 20 décembre sur RMC, en réponse à Jean-Jacques Bourdin qui l’interrogeait sur l’idée de promouvoir le vote électronique, le candidat d’EELV, Yannick Jadot, faisait part de son souhait de plutôt voir la mise en place du vote par correspondance pour l’élection d’avril : « Nous défendons le vote par correspondance. Regardez ce qui s’est passé aux États-Unis. Trump et sa batterie d’avocats n’ont pas réussi à contester la légalité et la sincérité du vote à partir du moment où il y avait du vote par correspondance. »

En réalité, le résultat de l’élection présidentielle de 2020 reste encore un sujet brûlant et non-résolu judiciairement aux États-Unis. Fin septembre, étaient communiquées les conclusions de l’audit du vote réalisé par la firme Cyber Ninjas dans le comté du Maricopa, un des quinze comtés qui composent l’État de l’Arizona. Si les principaux médias en France s’étaient fait l’écho du résultat du recomptage des voix, qui trouvait 99 voix supplémentaires pour Joe Biden et 261 de moins pour Donald Trump, il n’était, en revanche, pas fait mention des 54 000 bulletins illégaux identifiés par le même audit. Une donnée pourtant capitale, car le différentiel qui a permis à l’actuel président américain de l’emporter dans cet État sur son concurrent Donald Trump, se chiffrait à 10 457 voix.

Voir aussi : Résultats de l’audit en Arizona : 54 000 bulletins illégaux identifiés

Ce rapport confirmait ainsi dans l’esprit de nombreux électeurs américains que le résultat de l’élection avait été truquée et qu’elle n’aurait donc pas dû être certifiée, à l’instar du sénateur républicain Sonny Borelli qui estimait fin novembre que les preuves de ces violations répétées de la loi durant le traitement des bulletins annulent de facto le résultat des élections.

Quid du vote électronique ?

La question du vote électronique, qui pourrait revenir, fait également partie des sujets sensibles, puisque ce mode de scrutin prête aussi le flanc à la fraude. En février, Gabriel Attal avait exposé le désir du gouvernement de généraliser le vote électronique : « Il y a un engagement dans le cadre de la campagne présidentielle de permettre un vote électronique aux Français qui le souhaitent », avançait le porte-parole du gouvernement.

Un amendement qui proposait de recourir au vote électronique, mais aussi d’instaurer le vote anticipé, avait été déposé en ce sens, et rejeté par les députés et sénateurs.

Pour autant, certains espèrent encore que la question sera de nouveau remise au goût du jour, à l’instar de Gilles Mentré, co-fondateur de l'association pour le vote électronique Electis, qui confiait le 17 novembre dans une interview à L’Express que « le vote électronique est la seule façon d’endiguer le risque populiste. »

Pourtant, comme l’expliquait France Culture dans un article étoffé de mars 2019, le vote à distance par Internet et le vote sur des machines électroniques, deux pratiques englobées dans le terme de vote électronique, comportent des risques. En effet, les faiblesses de ce système ont été démontrées à maintes occasions, notamment par des chercheurs du Center for Computer Security and Society de l’université du Michigan et, à Moscou, par un chercheur du CNRS, le cryptographe Pierrick Gaudry.

En outre, en Suisse, en échange de fortes primes, des hackers étaient parvenus à faire flancher le système. En Norvège, on a abandonné le vote à distance par internet en 2015 suite à la découverte que certains électeurs avaient pu voter deux fois. En Inde, des chercheurs ont mis en lumière des fraudes possibles sur les machines (composants substitués, machines remplacées par des copies trafiquées) ou sur les logiciels utilisés (fragilisés par des virus), le tout favorisé par la complicité des agents dans les bureaux de vote.

France Culture relatait aussi que le chercheur américain Alex Halderman estimait possible de trafiquer le résultat du vote en glissant dans les cartes mémoires qui contiennent les informations du scrutin un morceau de programme informatique malveillant, une opération qui peut se mener en piratant les ordinateurs des organisateurs des élections.

Les soupçons de fraude ont entaché l'élection présidentielle américaine

Outre-Atlantique, le vote électronique, également utilisé lors de la présidentielle de 2020, avait fait l’objet de toutes les suspicions du camp républicain, accusations que les démocrates démentent, sans pour autant sembler enclins à laisser toute la lumière se faire par une enquête. Le 17 décembre 2021, la secrétaire d’État en Pennsylvanie pour le parti démocrate, Veronica Degraffenreid, a engagé une procédure en justice dans l'espoir d’empêcher que les inspecteurs missionnés par le Sénat de l’État, dans le cadre d’un audit sur le vote de l’élection présidentielle américaine, puissent accéder aux machines de vote électronique Dominion.

Dans le dépôt de plainte, il est écrit que les plaignants demandent « d’interdire à tout tiers l’accès (hormis à Dominion Voting System) aux machines de vote électronique qui sont en la possession du comté de Fulton, y compris dans le cadre de l’inspection conduite par Envoy Sage prévue ce 22 décembre 2021, en attendant un autre jugement de cette juridiction. » Plus loin, il est aussi demandé à ce qu’il ne soit pas possible d’accéder aux données des systèmes de vote.

La veille de cette action en justice, le Pr Kline, anciennement procureur général dans l’État du Kansas, estimait sur Twitter que « la gauche est terrifiée de ne pouvoir empêcher le corps législatif de mener une investigation sincère sur l’élection anarchique de 2020. »

En aval de cette annonce, il commentait sur le même réseau : « Le gouvernement américain, en surveillant les élections à l’étranger, exige la transparence, l'inclusion et la responsabilité. Pourtant, les politiciens démocrates de Pennsylvanie et du ministère de la Justice dirigé par Garland menacent et poursuivent en justice les législateurs qui remplissent leurs obligations constitutionnelles en accédant aux machines. »


Report, vote par correspondance ou vote électronique : quoi qu'en dise l'exécutif en France, les signaux qui pointent ne sont donc pas de nature à instaurer une pleine confiance dans la tenue régulière de l'élection présidentielle au printemps prochain.

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