Budget de la défense : pourquoi il doit être augmenté en dépit de l’imprévision de la classe politique
Lors de sa séance du 23 Novembre 2016, la commission des Finances de l’Assemblée a pris connaissance d’un "décret d’avance" qui dédiait plus de 800 millions d’euros additionnels (initialement non prévus) pour les "OPEX" autrement dit les théâtres de guerre extérieurs.
Ceci démontre que le politique, y compris l’actuel chef des armées, savent prendre des décisions (comme aller soutenir le Mali par exemple) sans pour autant tenter un exercice crédible et ô combien légitime du calcul prévisionnel des dépenses.
Ce qui est concevable lors d’une guerre où le territoire national est directement menacé demeure une véritable erreur car nous devons mesurer et proportionner nos efforts externes à la réalité de nos facultés contributives. Sinon, cela revient à admettre que ces flux financiers requis vont aller rejoindre la dette nationale et peser sur la liberté des générations futures.
La France n’a pas les moyens d’être le gendarme d’un tiers de l’Afrique surtout avec un budget limité à 32 milliards d'euros.
Depuis que nos amis européens de l’Est ont retrouvé la liberté (après la chute du mur de Berlin en 1989), des hommes aussi lucides qu’Hubert Védrine ou Alain Richard voire Charles Pasqua n’ont eu de cesse de rappeler que le monde restait "dangereux". Ils n’ont pas été écoutés, pas davantage que Jean-Claude Mallet (actuel "conseiller spécial" du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian) ou feu l’avocat Olivier Debouzy qui avaient tous deux notamment participé à la rédaction du Livre blanc sur la Défense de 2007-2008.
Depuis les années Chirac et la fin funeste de la conscription pour des raisons tant sociétales que de sécurité intérieure (où est passé l’esprit de Valmy?), la France a baissé la garde et la classe politique collectivement est responsable de cet état de fait.
Désormais, la quasi-totalité des candidats à l’élection présidentielle –de Jean-Luc Mélenchon à François Fillon– revendiquent que le budget de la défense atteigne à nouveau 2% du PIB.
Cet objectif crucial pour le général Philippe de Villiers (chef des Armées qui a récemment pris la plume –fait exceptionnel– à ce sujet) sera probablement atteint mais soulève la douloureuse question de son adéquation avec nos besoins impératifs.
Premier besoin: le maintien d’un seuil de crédibilité de nos armées en hommes et matériels. Où est le temps où d’aucuns évoquaient la construction d’un deuxième porte-avions nucléaire conjointement à l’existence du Richelieu (premier nom attribué au navire qu’est désormais le Charles de Gaulle)?
Deuxième besoin: l’impact du Brexit risque de remettre en cause les accords de coopération militaire signés à Lancaster en 2010 et de contraindre notre pays à revisiter le format de certaines de ses forces.
Troisième besoin: ce reformatage sera d’autant plus requis si les Etats-Unis du futur président Trump réduisent leurs diverses contributions à l’OTAN. Nous avons collectivement échoué dans l’élaboration de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954, et on voit mal un accord à 28 dans un environnement où l’Europe n’est même plus capable de redéfinir les accords de Schengen ou de lutter avec un semblant d’unité contre le terrorisme.
Quatrième besoin: la lutte contre les menaces intérieures va être une construction de longue haleine. Certains, comme l’expert Pierre Servent ou l’universitaire Gilles Kepel raisonnent même à horizon de plus d’une décennie.
Autant dire que face à ce tir groupé de quatre besoins simultanés, la France risque fort de devoir hisser son budget à 2,5% de son PIB avec un objectif de 40 milliards d'ueors par an (32,7 milliards sont programmés pour 2017, NDLR). Encore un effort de lucidité à faire émerger au sein de la classe politique dont le court-termisme nous a nui depuis 1989.
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