Costumes offerts : vraiment "rien de répréhensible", comme l'assure Fillon ?

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Par AFP
Publié le 13 mars 2017 - 19:47
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François Fillon lors d'une conférence de presse à Paris, le 13 mars 2017
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© Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Les costumes de luxe offerts au candidat François Fillon soulèvent des questions d'ordre légal, mais aussi déontologique, faute notamment d'informations sur l'identité de son généreux ami.
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Règles fiscales, exigences parlementaires, contraintes électorales: les costumes de luxe offerts au candidat François Fillon soulèvent des questions d'ordre légal, mais aussi déontologique, faute notamment d'informations sur l'identité de son généreux ami.

- Qu'est-il reproché à M. Fillon? -

Selon Le Journal du Dimanche, qui a révélé l'information, un mécène a signé le 20 février un chèque de 13.000 euros pour le règlement de deux costumes achetés chez Arnys, tailleur parisien des quartiers chics, pour le candidat François Fillon.

A cela s'ajouteraient selon l'hebdomadaire près de 35.500 euros "réglés en liquide" pour de précédents achats au profit de M. Fillon chez ce tailleur, pour un montant de près de 48.500 euros au total depuis 2012.

Interrogé lundi sur Europe 1, François Fillon a insisté sur le côté légal de la démarche. "J'ai parfaitement le droit de me faire offrir un costume par un ami, ce n'est pas interdit", a-t-il insisté, relayant le message de son entourage, selon qui cela n'a "rien de répréhensible".

- Que dit le droit fiscal? -

Aux yeux de l'administration fiscale, un cadeau de ce type n'a rien d'illégal s'il a été effectué dans les règles de l'art. Les dons doivent en effet obligatoirement être déclarés, et sont soumis à l'impôt à partir d'un certain montant.

Nombre de cadeaux sont toutefois exclus de ce cadre, étant considérés comme des "présents d'usage". Une qualification qui relève du cas par cas, souligne Georges-David Benayoun, avocat fiscaliste au cabinet CBA.

Pour être qualifié de présent d'usage, le cadeau doit être offert "à l'occasion de certains événements marquants de la vie", comme "la naissance d'un enfant", un "mariage" ou un "anniversaire", explique M. Benayoun.

En outre, il ne doit "pas excéder une certaine valeur", appréciée au regard de la fortune du donateur, ajoute l'avocat. Ce qui autorise des dons très élevés, quand les finances du bienfaiteur le permettent.

- Quelles sont les règles pour les députés? -

"Si le candidat est député et que le cadeau reçu est en lien avec un mandat, il est soumis à l'article 7 du code de déontologie des députés", rappelle Jean-Christophe Picard, président de l'association de lutte contre la corruption Anticor.

Ce code rend obligatoire, depuis 2011, la déclaration de tout don, invitation à un événement ou avantage d'une valeur supérieure à 150 euros, s'ils ont été proposés "en lien" avec le mandat du parlementaire.

Les députés n'ont cependant pas de délai fixe pour déclarer les dons reçus au déontologue de l'Assemblée. Quant aux cadeaux de proches réalisés "dans un cadre strictement privés", ils sont exemptés de cette obligation.

Les costumes évoqués par la presse n'ont "rien à voir" avec la politique, a ainsi assuré M. Fillon, excluant tout lien entre ces cadeaux avec son mandat de député de Paris. "C'est ma vie privée, ça ne regarde personne", a-t-il ajouté.

- Quid du financement de campagne? -

A défaut d'être déclarés au parlement, les 13.000 euros dépensés pour l'achat de costumes en février devraient-ils être inscrits dans les comptes de campagne de François Fillon? Là encore: pas d'obligation, aux yeux de la loi.

Cette dernière encadre en effet les dons, qui doivent passer par un mandataire, et les dépenses dont on considère qu'elles sont des dépenses électorales. Un champ dont sont exclus "les achats de vêtement", souligne Jean-Christophe Picard.

- Y a-t-il un risque de conflit d'intérêts? -

Si rien n'interdit à un candidat de recevoir des costumes -- de luxe ou non -- des interrogations demeurent sur les motivations à l'origine du cadeau, et sur les éventuelles contre-parties qui pourraient être exigées par l'acheteur.

"Tout dépend de qui est à l'origine de l'achat", remarque Jean-Christophe Picard. "Si c'est un ami d'enfance, pourquoi pas", mais si c'est une "vague connaissance", avec un intérêt professionnel ou personnel à ce don, "on peut s'interroger", ajoute-t-il.

En cause: les risques de conflit d'intérêt ou de trafic d'influence liés à ce cadeau. "L'un des éléments constitutifs du trafic d'influence est précisément d'accepter des dons", a ainsi relevé, sur Twitter, l'avocat blogueur Maître Eolas.

"Dans le doute, un candidat devrait s'abstenir de toute situation de dépendance physique ou morale vis-à-vis d'un tiers", estime le président d'Anticor, qui y voit là une question d'"ordre éthique".

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